Eugène Delacroix : « Complexité » et « Souveraineté » entre Dieu et Homme

Heinz Weinmann

Nous proposons d‘aller en quête de la « complexité », aujourd’hui un des termes les plus galvaudés, étant donné que l’expression « c’est complexe » est devenue le masque d’une ignorance insolente qui n’ose pas dire « j’ignore » ! Nous voulons dégager la « notion de complexité » à partir du tableau d’Eugène Delacroix, le « Combat de Jacob avec l’Ange » (1861) tout en essayant de cerner le concept aux antipodes, la « souveraineté », à peine moins galvaudée que la première.

 Pour voir ce « tableau » d’Eugène Delacroix --il s’agit en fait d’une fresque--, il faut se rendre en l’église Saint-Sulpice de Paris, plus précisément dans la chapelle des Saints-Anges. Combat qui s’inspire d’une lecture de la Genèse (32, 22-31). Lisons d’abord cet extrait, suivi d’un autre d’Alphonse de Lamartine tiré de la Méditation première—intitulé « L’esprit de Dieu » -- des Nouvelles méditations poétiques (1823) qui a influencé fortement la structure du tableau de Delacroix sur certains points sans pour autant empêcher le peintre de corriger la vision du poète sur d’autres aspects cruciaux. Commençons par l‘extrait de la Genèse (32, 22-31) qui raconte le combat en question :

Genèse (32, 22-31)

 

22  Il se leva la même nuit, prit ses deux femmes et ses onze enfants, et passa le gué de  Jabbok.

23 Il les prit, leur fit passer le torrent, et le fit passer à ce qui lui appartenait.

24 Jacob demeura seul. Alors un homme lutta avec lui jusqu’au lever de l’aurore.

25 Voyant qu’il ne le maîtrisait pas, cet homme le frappa à l’emboîture de la hanche et l’emboîture de la hanche de Jacob se démit pendant qu’il luttait avec lui.

26 Il dit : Laisse-moi aller, car l’aurore se lève. Et Jacob répondit : Je ne te laisserai point aller, que tu ne m’aies béni.

27 Il lui demanda : Quel est ton nom ? Et il répondit : Jacob.

28 Il dit encore : Ton nom ne sera plus « Jacob », mais tu seras appelé « Israël » ; car tu as lutté avec Dieu et avec des hommes, et tu as été vainqueur.

29 Jacob l’interrogea, en disait : Fais, je te prie, connaître ton nom. Et il répondit : Pourquoi demandes-tu mon nom ? Et il le bénit là.

30 Jacob appela ce lieu du nom de Penuel ; car dit-il, j’ai vu Dieu face-à-face, et mon âme a été sauvée.

31 Le soleil se levait, lorsqu’il passa Penuel. Jacob boitait de la hanche.

 

Méditation première

 

Dans un formidable silence

Ils se mesurent un moment,

Soudain l’un sur l’autre s’élance

Saisi d’un même emportement ;

Leurs bras menaçants se replient,

Leurs fronts luttent, leurs membres crient,

Leurs flancs pressent leurs flancs pressés,

Comme un chêne qu’on déracine

Leur tronc se balance et s’incline

Sur leurs genoux entrelacés !

 

Tous deux glissent dans la lutte,

Et Jacob enfin terrassé

Chancelle, croule, et dans sa chute

Entraîne l’ange renversé,

Palpitant de crainte et de rage

Soudain le pasteur se dégage

Du combattant des cieux,

L’abat, le presse, le surmonte,

Et sur son sein gonflé de honte

Pose un genou victorieux !

 
Mais sur le lutteur qu’il domine,

Jacob encor mal affermi,

Seul à son tour sur sa poitrine

Le poids du céleste ennemi !...

Enfin, depuis les heures sombres

Où le soir lutte avec les ombres

Tantôt vaincu, tantôt vainqueur,

Contre ce rival qu’il ignore

Il combattit jusqu’à l’aurore…

Et c’était l’esprit du Seigneur !

 

L’histoire de Jacob est archiconnue, rappelons-là rapidement, même si ce n’est pas cette histoire qui nous intéresse ici, mais la manière dont Delacroix l’a « interprétée » presque deux mille ans après. Jacob et Esaü sont les jumeaux d’Isaac et de Rebecca, donc les petits-fils d’Abraham dont la foi (aveugle) a été mise à l’épreuve par Yahvé pour savoir s’il est prêt à lui sacrifier son unique fils Isaac. L’ « aîné » Ésaü—parce que sorti le premier du ventre de sa mère--, chasseur impénitent—donc resté demi-sauvage avec ses poils couvrant son corps--, de retour de chasse, vend son droit d’aînesse pour un « plat de lentilles ». Par une autre astuce bien connue, Jacob simulant le bras velu de son frère par une peau de bête, bénéficie de la bénédiction de son père mourant aveugle, bénédiction qui sanctionne pour de bon son droit d’ainesse.

Pour échapper à la vindicte vengeresse de son frère qui, chasseur, « veut sa peau », Jacob doit fuir chez son oncle Laband dont il épouse en passant les deux filles, Rachel et Léa. Il y reste quatorze ans dans l’espoir que le temps « use » le sentiment de vengeance de son frère. Devenu riche en troupeaux, Jacob retourne avec ses deux femmes et ses troupeaux de bêtes qu’il offre en cadeau de réconciliation à son frère. Il fait traverser les bêtes et ses femmes, le « gué de Jabbok » --inversion de Jakob--, tandis que « Jacob resta seul. Alors un homme lutta avec lui jusqu’au lever de l’aurore » (Genèse, 32, 24).

Des exégètes ont appelé cet « homme » le « génie » malfaisant, vengeur d’Ésaü. C’est absurde. Car Jacob dit lui-même : « J’ai vu Dieu face à face, et mon âme a été sauvée » (Genèse, 32, 30). C’est que l’Ange/Dieu est un « go between » qui s’interpose entre les duellistes, assassins potentiels, Jacob et Ésaü. Le combat entre Jacob et l’Ange rend le combat entre les deux frères ennemis inutile, impossible : Jacob a rendu à Ésaü au multiple ce qu’il aurait gagné avec son droit formel d’aînesse, d’ailleurs Esaü refuse l’offre de son frère ; par ce combat, Dieu lui-même donne à Jacob son « certificat » de puissance exorbitante, quasi absolue : « Car tu as lutté avec Dieu et avec des hommes, et tu as été vainqueur » (Genèse, 32, 28). Comment Ésaü oserait-il défier son frère qui a tenu tête à Dieu ? Par ce premier « sacrifice » de Dieu, qui descend cette fois par l’« échelle de Jacob », cette fois non en rêve mais en personne, au niveau des humains, est éradiquée la malédiction des frères ennemis qui a mis à risque la société post-paradisiaque depuis le meurtre d’Abel par son frère Caïn. À cette époque pré-sociétale, Yahvé avait toléré l’assassinat de son favori Abel. Cette fois, il intervient activement. Car c’est seulement à la condition de la réconciliation des frères ennemis que l’Alliance conclue entre Yahvé et Abraham pourra avoir un sens.

Tournons-nous maintenant vers le tableau d’Eugène Delacroix. Le peintre, selon le principe énoncé par Lessing dans son Laocoon[1], choisit un instant dans le fil de la narration biblique. C’est le moment après la traversée du gué Jabbok : les deux femmes qu’on voit sur un chameau dans la brèche qui s’ouvre en bas à la droite du tableau, de même qu’un homme à cheval et un esclave noir au dos dénudé qui guide les troupeaux, tous viennent de traverser le gué. Monde complètement à part que celui des épouses, des serviteurs et des esclaves. Une autre échappée en haut du tableau vers les montagnes arides nous fait voir ce qui est le début de la caravane d‘animaux et d’humains, qui bien avant, ont traversé le gué. Monde à part, puisque, paradoxalement, seules ces deux scènes périphériques évoquent la couleur locale du récit biblique : société pastorale, milieu ensoleillé, souvent désertique où le chameau /dromadaire sert de moyen de transport. Au centre du tableau, on voit surélevés sur une butte verdoyante les deux protagonistes. À gauche des pieds de l’Ange, la rive du gué que Jacob et sa compagnie viennent de traverser. Rappelons le récit biblique : « Jacob resta seul. Alors un homme lutta avec lui jusqu’au lever de l’aurore ». C’est précisément ce moment que vient saisir le tableau de Delacroix.

Ce dernier s’est inspiré de Lamartine pour l’oasis boisé de chênes au milieu d’un désert rocheux moyen-oriental, les troncs des arbres étant associés aux troncs des corps humains. De là vient aussi l’idée centrale du tableau, mettant en parallèle la nature humaine et la nature végétale. Le tableau a beau être selon la théorie de Lessing un moment de fixité arraché au flux du temps (du gué), cela n’empêche qu’il puisse suggérer le mouvement, comme on le constate dans la veduta figurant femmes, hommes et troupeaux. Surtout l’esclave vu de dos incarne le mouvement, penché en avant qu’il est, courant pour suivre le cavalier au galop devant lui ; il agite un bâton pour faire avancer le troupeau de moutons au même rythme. La nature fixe du tableau suggère ce mouvement par la posture des personnes et des animaux et la poussière que soulève dans la lumière leur déplacement rapide.

Or pour bien faire comprendre au spectateur que la scène du combat de Jacob avec l’Ange ne relève pas de ce genre de «mouvement immobile» voulu selon la théorie lessingienne par la nature même du tableau, Delacroix a senti le besoin de mettre en parallèle les deux combattants avec le groupe de chênes à droite, chênes qui, grâce à l’intrication de leur branches et feuilles en haut du tableau, forment un toit de verdure qui donne à cette scène une atmosphère d’ombre, à l’exception des corps des combattants, plongés dans une lumière crue. En effet, le « mouvement » représenté par Jacob et l’Ange est un « faux mouvement » puisqu’il figure un moment d’arrêt, cette fois non pas commandé par la spatialité statique du tableau mais par les deux forces humaines en duel dont l’équivalence les maintient dans un état d’immobilité, d’équilibre précaire. Car à tout moment, si l’une de ces forces faiblit, l’autre grandit ou vice-versa, la balance des pouvoirs se rompt, donnant immédiatement lieu à un mouvement précipité (chute, recul etc.). C’est l’option de Lamartine, où les deux combattants sont à terre, l’un vainquant alternativement l’autre.

Or le moment de Delacroix, c’est celui de l’équilibre instable d’une lutte indécidable où les deux lutteurs s’empoignent dans ce que les anglo-saxons appellent un « lock », un « verrou », une prise immobilisante. Ils se trouvent « en un combat incertain » (John Steinbeck). Les chênes sont le parfait répondant végétal de cette empoignade humaine en ce que, leurs bases de troncs et leurs racines toutes proches, n’empêchent pas leurs troncs, dans un mouvement contraire d’éloignement dynamique, d’enlacer leurs branchages en un brouillamini confus dont on perd l’origine. Voilà retrouvées les deux figures de la complexité, de la complexio, dégagées dans ces Préliminaires[2] : la complexité végétale des forêts nordiques et la complexio, l’embrassade, l’empoignade à la fois amicale et ennemie de deux humains, amants et/ou guerriers. Pour représenter cette double complexio, il fallait que le peintre crée de toutes pièces cette oasis de forêt nordique au milieu d’un désert moyen-oriental.

La complexité, rappelons-le, c’est la cohabitation de deux forces ou éléments contraires tenus ensemble par un lien fragile parce qu’aussi contraire, d’attirance et de répulsion, d’amitié et d’inimité. Tant que ce lien tient, la complexité perdure, c’est que les deux combattants restent dans une position indécidable, « unentschieden » en allemand, « tie » --littéralement « lien » -- en anglais lorsque deux équipes sont à égalité, n’ayant pu trancher ce « lien complexe » par une victoire décisive. Comme si Delacroix avait voulu exemplifier la complexité indécidable des deux combattants, il a fait déposer derrière Jacob toutes les armes dont l’usage aurait pu débalancer l’équilibre des forces : d’abord dans un tas de vêtements les armes de « pointe » : lance et flèches dans un carquois-- l’arc étant probablement caché sous les vêtements--, écu pour le protéger contre les armes de son ennemi. Plus qu’un pasteur, Jacob est un guerrier, passé de la troisième fonction (nourrissement) indo-européenne à la seconde de guerrier.

Puis on constate que l’épée se trouve à part dans une position singulière entre les deux combattants. Elle est restée dans son fourreau (Scheide). Nous verrons avec Carl Schmitt (Théologie politique) qu’en allemand la Ent-scheidung (décision), littéralement « tirer l’épée du fourreau » se situe avant la « dé-cision » française qui indique le moment après, celle du « trancher », du « couper ». En regardant de plus près, on constate que l’épée dans son fourreau est placée sous les combattants formant une ligne imaginaire le long de l’endroit même où leurs deux corps se touchent, indiquant par là que les duellistes forment un Tout, constituent la figure qu’Edgar Morin a appelée l’« unidualité». La complexité est à ce prix : il faut, pour que l’unité des deux contraires se main-tienne, qu’aucune En-scheidung/décision ne tranche leurs liens contraires et précaires d’unidualité.

En l’occurrence, dans notre tableau, ces liens sont formés par les bras des combattants qui constituent la première figure humaine de la complexio : l’embrassade, l’étreinte, l’empoignade.  Jacob, avec son bras gauche, tient fort, embrasse le dos du corps de l’Ange, alors que ce dernier tient serré, immobilise le haut de la cuisse de Jacob dont le genou s’avance en forme de bélier contre la hanche, l’aine de l’Ange. Leur autre main est prise dans une empoignade serrée qui, par la symétrie de leurs bras, montre l’équilibre parfait de leurs forces. Mais équilibre des forces ne veut pas dire égalité des forces. Visiblement, Jacob par son élan pris, son effort déployé, son visage tourné vers le bas, par tous ses muscles tendus au maximum, montre qu’il est à bout de ses forces. Forces humaines, animales suggérées par la peau de bête, peau de lion –dont on voit les griffes—qu’une lanière attache difficilement au corps de Jacob.

Son pendant, l’Ange, sans aucun effort apparent, résiste facilement aux poussées et aux coups de boutoirs du genou de Jacob. Le sourire « angélique » affiché, tous les muscles détendus—les jambes et les bras restant lisses comme du marbre--, visiblement, il s’agit pour lui d’un « jeu d’enfant », d’autant qu’il surplombe Jacob par sa taille. Juste le pied gauche qui recule légèrement montre qu’une force s’exerce sur lui. De même que la nature de Jacob, celle de l’Ange a été aussi été changée. D’un être aérien, le peintre a fait un être terrien, collé au sol, au point qu’on dirait que ses ailes, par leur couleur et leur poids, sont de plomb. Le sexe des anges a rempli des bibliothèques au Moyen Âge ! Disons que c’est un ange ambivalent, androgyne, partageant la grâce féminine avec la force masculine, la fragilité humaine avec la puissance divine. Or, cette dernière a été diminuée à la dimension humaine pour que Jacob puisse exercer contre elle, avec les deux forces en quasi équilibre, sa propre puissance. Car l’Ange est ici pour ainsi dire le « déguisement », la persona de Yahvé. C’est précisément sa « diminution » qui permet à Jacob de lui faire face…tout en baissant sa tête. Et pour arrêter net Jacob dans son désir de continuer sa lutte avec l’espoir de subjuguer le « grand Autre », ce dernier, par une astuce toute humaine de lutteur, frappa Jacob « à l’emboîture de la hanche ».

Une telle théophanie où Yahvé se rend au niveau, au « plancher » des humains est unique dans l’Ancien Testament. Les serviteurs de Dieu comme Moïse ont dû se rendre sur les lieux de l’épiphanie du divin, sur les montagnes sans jamais avoir pu voir Yahvé face à face. Alors que la lutte de Jacob avec l’Ange est un moment rare de la ren-contre entre le divin et l’humain dans l’Ancien Testament, le christianisme se trouvant être le temps privilégié, historique de cette ren-contre, puisque Dieu s’est fait homme dans une même personne, dans la figure du Christ. Le Christ est donc en sa seule personne le paradigme même de la complexité. Car s’incarnent, cohabitent dans sa personne des contraires dans une radicalité jamais vue jusque-là de mémoire d’homme, fût-ce chez un Héraclite : Dieu et Homme, Mort (crucifixion) et Vie (résurrection). Celui qui, le premier, théologiquement et philosophiquement, a pris la pleine mesure de cette complexité de la figure christique, c’est bien Nicolas de Cues dans sa De  docta ignorantia (De la docte ignorance, 1440), œuvre dont le titre déjà indique la paradoxie fondamentale de toute véritable complexité, impliquant forcément la coincidentia oppositorum, une ren-contre, une cohabitation des contraires comme dans la personne de Jésus. Certes, Jésus pour devenir vraiment homme, a dû assumer sa nature d’homme de la naissance jusqu’à la mort, mais pour affirmer également sa divinité, il a dû « tuer la mort » par sa résurrection : « Il [Jésus] n’eût pu être un homme véritable s’il n’eût été mortel, ni élever à l’immortalité la nature mortelle, s’il n’avait par sa mort, dépouillé sa mortalité[3]».

Le combat de Jacob avec l’Ange reste donc une préfiguration de Jésus, à cette différence près –mais elle est capitale—que Jésus lui-même, en sa seule personne, est le « lieu de rencontre » du combat, de l’agôn entre Homme et Dieu, Vie et Mort, vainqueur de la Mort par sa Résurrection, promesse de la résurrection future de tous les Humains. Vu ainsi rétrospectivement, le combat de Jacob avec l’Ange a non seulement une signification locale, voire tribale : il s’agit d’affirmer la légitimité de la branche de Jacob, branche d’Israël, fût-elle à l’origine d’une tromperie, d’un mensonge ; mais aussi une signification universelle, « civilisationnelle ». Depuis la Création du Monde, par ses interventions directes (destruction par le déluge de sa première création) et indirectes, une fois ses premières créatures libérées du Paradis –prison dorée qui suinte l’ennui—, Yahvé dirige le genre humain dans le sens du « progrès de la civilisation ». Aussi laisse-t-il assassiner le berger Abel par l’agriculteur Caïn, afin de faire des Caïnides, sédentarisés par l’agri-culture, les fondateurs des cités[4]. Dans le même sens, en favorisant le puîné, Jacob, Yahvé bloque une régression vers la chasse sauvage, au risque permanent de retomber dans la « bestialité » d’un Esaü, à la pelure et à l’odeur d’une bête.

Comme constaté, la complexité bien figurée dans le tableau de Delacroix « Combat de Jacob avec l’Ange », ne constitue qu’un moment d’équilibre fragile, instable, puisque la nuit terminée, en faisant fléchir par une force surdimensionnée la hanche de Jacob, l’Ange/Dieu prend le dessus sur l’Homme, Yahvé reprenant ses droits de Dieu souverain en ce qu’il dé-cide, tranche le combat en sa faveur. Or, Delacroix a aussi illustré le paradigme opposé à celui de la « complexité », à savoir celui de la « souveraineté ». Opposé, surtout parce qu’il rejette d’emblée ce « lien » invisible mais non moins puissant qui liait, enlaçait littéralement les opposants de la « complexité », garantissant par là l’équilibre instable de leurs forces. Figuré par la dé-cision, la « souveraineté » chez Delacroix appelle des images de la décapitation[5], des massacres comme les « Scènes des massacres de Scio », massacres de Chios (1822) où les Ottomans en guise de représailles ont massacré 25 000 Grecs et réduit 45 000 en esclavage. Le tableau montre un groupe de personnes, hommes femmes, enfants émaciées, épuisées, dominées par un soldat ottoman à cheval, en train de tirer son sabre courbé de son fourreau –moment de la Ent-scheidung—afin de donner le « coup de grâce » à ces malheureux. « La mort de Sardanapale » est une autre illustration de la figure de la dé-cision, figurant un tyran en train de se suicider, entraînant toute sa suite en une cascade d’assassinats.

Citons enfin son tableau le plus célèbre « La Liberté guidant le peuple » évoquant une scène de la révolution de juillet 1830 (les trois Glorieuses !). La « Liberté » du tableau représente une guerrière amazone tenant dans sa main droite levée un drapeau tricolore (figurant la République) et dans sa main gauche un fusil muni d’une baïonnette ; ses seins, davantage des obus aux pointes d’aciers que des mamelles pour allaiter des enfants (de la partie) accentuent encore le caractère guerrier, androgyne de cette Liberté. Alors que les révolutionnaires qu’elle entraîne au combat ont les yeux écarquillés devant la scène d’horreur qu’ils voient (hors-champs du spectateur), la Liberté, le visage de marbre, tourne son regard de glace, dénué d’émotion, vers sa troupe à laquelle elle insuffle une furie martiale. Idéal qui laisse dans son sillage une épaisse fumée de canons, fumée de laquelle émerge sa troupe, avec à la droite au fond un aperçu de Paris voilé par la fumée des combats (le fameux « brouillard de guerre » de Carl von Clausewitz, auteur De la guerre). Imperturbable, cette Liberté marche sur les cadavres qui s’accumulent au premier plan. Ce tableau aurait pu s’intituler « Les Massacres du 28 juillet 1830 », avec quantité de sabres en l’air tirés de leur fourreau (Ent-scheidung) pour achever les mourants, agonisant sur les débris des barricades. Dé-cision révolutionnaire, massacre patriotique tranchant, « sanctifié » parce qu’il se fait au nom de la « République », de la « Liberté ».  Il ne s’agit donc pas d’une glorification de la « Révolution », fût-elle « populaire » puisque Delacroix, né en 1898, est resté attaché au culte de Napoléon.

On dirait que les tableaux de Delacroix ne donnent à voir que les conséquences désastreuses d’une « souveraineté » brutale, sauvage, dévoyée, ce qui nous indique que, d’une manière ou d’une autre, elle doit être encadrée, balisée, gardée sur ses « rails », de peur qu’elle ne « déraille ». Quelle est donc cette « souveraineté » à proprement parler, d’où vient-elle, quelle est son origine ? C’est ce que nous cherchons à savoir maintenant.

En effet, « souverain » est la traduction française du latin « Altissimus » de la Vulgate, « le plus Haut », ne connaissant pas de semblable à côté et encore moins au-dessus de Lui. C’est précisément cette définition que Bodin dans ses Six livres de la République (1576) trouvera dans le mode opératoire de la figure du Yahvé biblique. En conséquence, le souverain divin aussi bien que son répondant terrestre répudiera toute idée de lien entre lui et ses créatures/sujets, lien qui voudrait suggérer que souverain et sujet se trouvent sur un pied d’égalité. Le combat de Jacob avec l’Ange paraît donc une grande exception, exception prophétique, il est vrai, dans le contexte l’Ancien Testament. On comprendra dès lors qu’à la place du « lien », signe de reconnaissance de la complexité, on trouvera du côté de la « souveraineté » la « dé-cision » (de secare), parce que Yahvé a été à l’origine de la Dé-cision par excellence, celle de l’acte de la Création du Monde, acte qui fait sortir l’Être du Néant, du Non-Être, l’Ordre du Chaos/Tohu-bohu, tirant la légitimation ultime de la souveraineté inégalée de la fonction de Créateur du Monde. Bodin a compris que d’énormes problèmes commencent à surgir à partir du moment qu’on transpose la souveraineté divine (première translatio imperii) vers le souverain terrestre, libre de choisir entre Bien et Mal.

En termes politiques, Bodin a bien vu qu’en raison de son pouvoir exorbitant, en chaque souverain sommeillait un tyran, qu’en fait, tout souverain est un tyran en germe. C’est qu’en raison de sa toute-puissance, personne ne l’empêchera d’agir suivant ses désirs, voire même suivant ses instincts, bons ou mauvais. Idée mise en lumière, même légitimée, lors de la redécouverte de du Corpus Iuris Civilis justinien (11e siècle) au début du Digeste : « Quod placuit principi, legis habet vigorem » (Tout ce qui plaît au prince a force de loi). Nous avons vu que même Yahvé, « bon » pourtant par définition, ne manquait pas de diriger son monde selon son bon plaisir, lorsque par exemple il laisse assassiner le bon Abel dont le sacrifice lui avait agrée, par le fourbe Caïn, mais surtout lorsqu’il préfère Jacob le tricheur, menteur et simulateur, à son « ainé » légitime. Excuse qui aura une longe postérité : les fins justifieront toujours les moyens ! Et que dire de l’angoisse existentielle, finement analysée par un Kierkegaard, que Yahvé a inspiré de façon quasi sadique à Abraham, son serviteur, lui demandant de sacrifier son fils unique Isaac…lui faisant annoncer par un Ange, au moment de lever le couteau sur Isaac, halte-là « je sais maintenant que tu crains Dieu ». Seul un souverain/tyran pouvait tester ainsi la foi/fidélité de ses sujets. Terminons enfin cette liste des « droits » du prince souverain, absolu, « droits » synonymes des abus du pire tyran, par un passage dans le livre de Samuel qui figure en bonne place chez Bodin[6], chez les protestants radicaux comme Calvin et les monarchomaques. Yahvé y dit : « Voici quel sera le droit du roi qui régnera sur vous. Vos fils, il les prendra pour ses chars et pour ses chevaux […] Il leur fera labourer ses labours, moissonner ses moissons, fabriquer ses armes de guerre et l’attirail de ses chars. Vos filles, il les prendra comme parfumeuses, cuisinières et boulangères ». (1 Samuel, 8, 10). Autrement dit, les sujets de ce roi ne sont rien d’autre que des objets/esclaves destinés à assouvir les désirs sensuels du roi/tyran (nourrissage, plaisirs de la bouche, du nez, guerres).

 Pour éviter ces excès, la toute-puissance exorbitante du souverain doit littéralement rentrer dans son orbite, c’est-à-dire elle doit être limitée, encadrée avec un regard sur les sujets qui, autrement, resteront pour toujours de simples objets de cette toute-puissance et de ces excès. Ces garde-fous, ces limites, les soi-disant « droits du souverain » les trouveront, une fois confrontés aux « droits du sujet » qui deviendra de ce fait cives/politès/citoyen. On dirait que lorsque Yahvé se décide à réellement « entrer en politique », c’est-à-dire à partir du moment où il instaure un réel fondé de pouvoir sur terre en la personne Moïse, il prend bien soin de faire écrire sur des tables de pierre –à l’instar des Babyloniens- les Dix Commandements qui deviendront les premiers « droits du citoyen », à partir du moment où ils y soumettent aussi le souverain qui, de ce fait, cesse d’être tyran, ne se plaçant plus au-dessus de la Loi. C’est une idée qui semblait encore aller de soi pour Bodin, convaincu que le souverain, certes ne reconnaissant personne sur terre au-dessus et à côté de lui, devait être  strictement soumis aux commandements de Dieu, devenus à la longue presque des « lois naturelles » : «Mais quant aux lois divines et naturelles, tous les princes de la terre y sont sujets et il n’est pas en leur puissance d’y contrevenir, s’ils ne veulent pas être coupables de lèse-majesté divine, faisant guerre à Dieu, sous la grandeur duquel tous les Monarques du monde doivent faire joug, et baisser la tête en toute crainte et révérence[7]».

C’est dire que la souveraineté risque de devenir vraiment  politique à partir du moment où, tempérée, freinée par les « droits des citoyens/cives/politès, respectés en tant qu’humains aux besoins et aspirations matériels et spirituels multiples, ces derniers pourront participer activement à ce qui pourra alors s’appeler une respublica/politieïa/république[8]. Le premier à avoir bien compris et exprimé cette idée a été Platon dans Le Politique. En effet, ce dialogue se fait fort de définir le politique (politkos) en tant qu’idéaltype, séparé du tyran, en évitant «la faute de confondre le roi et le tyran, alors qu’ils sont si dissemblables aussi bien par eux-mêmes que leurs façons respectives d’exercer le pouvoir[9]». Différents en ce que le dernier arrache ce qu’il veut « par la force », alors que le roi/basileus compte sur le consentement des citoyens qui font ce qu’ils doivent faire « de plein gré » (ibid. 276d).  D’autre part, alors que le tyran, obsédé à assouvir ses propres pulsions, le roi tout en se penchant sur ses « ouailles », ne se contente pas simplement de les nourrir mais en « prend soin » (276d) dans un sens hautement « culturel », dépassant les seuls soins matériels que prodigue le berger à ses bêtes[10].

Enfin, Platon dans son Politique est le premier à avoir compris que cette conciliation d’un pouvoir suprême—certes non souverain—avec un souci profond de ses gouvernés, ne pourra plus fonctionner sous le seul régime de la dé-cision d’un souverain qui tranche, coupe aveuglément sans se soucier qui il heurte. Du moment que le « soin » des gouvernés entre en ligne de compte, le roi doit, d’une manière ou d’une autre, lier ensemble son destin à celui de ses gouvernés. Du coup nous revenons au champ de la complexité qui cherche à tresser ensemble, ce qui d’emblée semblait être séparé, opposé. C’est pourquoi le basileus platonicien nous ramène au règne des fils, de la chaîne et de la trame, plus précisément à ce que Platon appelle le « paradigme du tissage » (278c). Au fait, le tissage est un travail complexe où « séparation » (diakritké) et « assemblage », « entrelacement » (sumploké) cohabitent sur un même métier, sur un pied d’égalité. Séparation lors du cardage et lors du tissage avec la navette qui sépare la chaîne pour enfiler la trame, alors que l’entrelacement se fait par le croisement serré de la chaîne et de la trame formant ainsi le tissu, image même de la complexité. Or ce qui donne la cohésion au « tissage royal » (310e) platonicien, c’est le « fil divin » (310a) qui le parcourt de bout en bout, ce « lien le plus divin [étant] celui qui lie entre elles les parties de la vertu, si dissemblables qu’elles soient par nature et si contraires que soient leurs tendances » (310a). Complexité qui lie encore ensemble des contraires, des éléments dissemblables comme dans la figure de du combat de Jacob avec l’Ange, ce qui nous ramène vers où nous avons commencé.

Or malgré une similarité évidente entre les deux situations --combat de Jacob avec l’Ange et le royal tisseur platonicien--, similarité suggérée par le lien apparent de leur « complexité », de grandes différences sautent aux yeux, notamment dans leur conception de la divinité, du divin, très bien rendue par Delacroix. Si dans la scène de Jacob et de l’Ange la divinité, personnifiée, s’abaisse, ne fût-ce que le temps d’une nuit, au niveau de l’humain, chez Platon elle reste pour ainsi dire « métaphorique », un élément de la mètis, cette ruse intelligente des Grecs anciens[11] qui œuvre essentiellement dans le domaine végétal, comme ici dans le tissage. Autrement dit, le soi-disant « fil divin » platonicien n’est en fait rien d’autre que le « vœu pieux » d’une cohésion politico-sociale bien serrée. Ce qui ressort clairement de la conclusion de ce dialogue : Il s’agit de « tisser ensemble avec une navette correspondant à la communauté des opinions, des gloires, par l’échange mutuel des gages, pour fabriquer à partir d’eux un tissu lisse, et, comme on dit bien serré, et enfin leur confier toujours en commun les magistratures dans les cités » (310 e-311a). C’est presque le « tricoté serré » d’une société québécoise « pure laine », donc rien de très complexe, pour dire le moins !

Comme le montre la célèbre parabole de la caverne de la République, le divin platonicien devient accessible d’abord grâce à une « conversion » du regard de l’homme du bas vers le haut, initiant une contemplation (theoria) lors de laquelle l’âme (psuchè) se déleste du poids physique en coupant les amarres matérielles (corps, sens). Il s’agit d’une montée (anabase), genre d’ascèse en vue du Beau, du Bon, du Juste, qui possèdent deux des caractéristiques de la souveraineté politique : Unicité et Perpétuité. Il manque évidemment la plus importante, la troisième, la toute-puissance, héritée du Yahvé biblique. La péroraison de Diotime dans son monologue final du Banquet illustre bien tout ce qui vient d’être avancé sur le divin platonicien : « Un homme qui arriverait à voir la beauté en elle-même, simple, pure, sans mélange, étrangère à l’infection des chairs humaines, des couleurs et d’une foule d’autres futilités mortelles, qui parviendrait à contempler la beauté en elle-même, celle qui est divine, dans l’unicité de sa Forme. Estimes-tu qu’elle est minable la vie de l’homme qui élève ses yeux vers là-haut, qui contemple cette beauté par le moyen qu’il faut et qui s’unit à elle[12]» ?

On comprend dès lors mieux pourquoi la complexité reste cantonnée en Grèce antique dans la pratique artisanale (tissage, sparterie, corderie etc.) et ses différentes métaphorisations de la mètis. Même chez Platon qui s’approche le plus de ce qu’on pourrait qualifier un « monothéisme », on vient de le constater, le divin—jamais personnifié – ne rencontre et encore moins « empoigne » l’humain comme il le fait dans la scène avec Jacob, puisque l’humain pour Platon, dans son aspiration/élévation vers le divin, doit se départir d’une partie constitutive de son être-homme, à savoir de son corps, considéré par lui comme le « cercueil de l’âme ». La quête du divin platonicien est une fuite éperdue hors de ce Monde, de sa matérialité, comme exprimé dans le mot célèbre du Théétète : « Aussi faut-il, le plus vite possible, fuir d’ici là-bas. Or, la fuite consiste à se rendre, dans la mesure du possible, semblable au divin[13]».

C’est vu d’une perspective platonicienne que l’on s’aperçoit que la représentation du combat de Jacob avec l’Ange se trouve vraiment à ses antipodes. En effet, dans le tableau de Delacroix, c’est l’Ange/Dieu, avec ses ailes, à l’origine un élément par excellence aérien, qui s’enfonce dans la matière, pesant sur la terre avec tout le poids de son corps, y compris avec ses ailes « plombés. es ». C’est précisément à partir de cette première « incarnation » du Divin, s’accomplissant avec la naissance christique que la « complexité » -- comme l’a bien compris Nicolas de Cues--, en tant que concept sera vraiment pensable. Car la complexité, mieux qu’enlacer, tresser ensemble deux ou trois fils, incarne ici en une seule personne les contraires, les contradictions les plus exorbitantes : Mort et Vie, Temporalité et Éternité, Homme et Dieu, Humilité[14] et Élévation extrême.C’est ce « grand écart » entre contraires, entre les extrêmes les plus irréconciliables qui, en fin de compte, lève les obstacles ayant empêché l’accès à la complexité, en cassant l’obstacle logico-épistémologique principal, formalisé par Aristote, à savoir le « principe d’identité » et son complément, le « principe de non-contraction », voulant qu’une chose ne pouvait être elle-même et son contraire. Avec la figure christique se fait jour une autre « logique », logique du complexe, telle qu’elle apparaît avec le Logos au début de l’évangile selon saint Jean : « Au début était le Logos  (En arkhè en o Logos ; in principio erat Verbum)[15] et le Logos était auprès de Dieu, et le Logos était Dieu. Il était au commencement auprès de Dieu. C’est par lui que tout est venu à l’existence, et rien de ce qui s’est fait ne s’est fait sans lui […] Et le Logos s’est fait chair, il a habité parmi nous » (Jean, 1,1-3 ; 14). Logos qui ici ne signifie pas seulement « commencement » au sens temporel, inchoatif du terme mais surtout principe (d’où dérive « princeps » synonyme de « souverain »), Arkhè en grec, à savoir l’ultime Raison, raison suffisante, au-delà de laquelle il n’y a plus Rien. Or, ce même Logos, principe de Tout— et c’est là sa complexité—s’est incarné, « s’est fait chair », en devenant un de ces humains dont il a pourtant été l’Arkhè/Principe.

En ce temps de Noël, il est bon de rappeler que « Noël », ce n’est pas une idylle pastorale charmante, infantilisante qu’elle est devenue depuis saint François d’Assise avec Marie, Joseph et le « petit Jésus » dans sa crèche, entourés des bergers, du bœuf, et de l’âne, mais surtout le Commencement/Principe (Arkhè) d’une aventure épistémologique menant finalement à la notion de complexité.

 

Heinz Weinmann

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 



[1] Laocoon ou sur les limites de la peinture et la poésie (1776).

[2] Dont la présente analyse est un extrait. Il s’agit d ‘« Odyssée d’un livre :  État-nation, souveraineté et droits humains en quête de leur complexité ».

[3] De la docte ignorance, III, #7 titré «Le mystère de la résurrection» ; édition de la Maisnie, PUF, 1930.

[4] Lewis Mumford, La cité à travers l’histoire, [1961], Marseille, Agone, 2011.

[5] Voir à ce propos notamment les tableaux : « Assassinat de l’évêque de Liège » qui montre la décapitation sauvage de l’évêque par Guillaume de La Mark, surnommé « le sanglier des Ardennes » ; de même « Marino Faliero », représentant le doge du même nom, gisant décapité en bas des marches de son palais ducal pour avoir comploté contre la Sérénissime République. --- Rappelons que selon René Girard la première «  décision » renvoie à la décapitation de la victime.

[6] Jean Bodin, Les six livres de la république, livre  I, chap. X, « Les vraies marques de la souveraineté ».

[7] Jean Bodin, op cit., Livre I, chap. X.

[8] On aura compris  que «  république » dans le titre de Bodin est la francisation de respublica.

[9] Platon Le Politique, traduction Luc Brisson et Jean-François Pradeau, GF Flammarion, 2003, 276e.

[10] C’est ce que  n’a pas compris Peter Sloterdijk dans sa lecture du Politique pour Règles pour un parc humain, Éditions Mille et Une Nuits, 2000.

[11] Marcel Detienne et Jean-Pierre Vernant, Les ruses de l’intelligence, la Mètis des grecs,  Champs Flammarion, 1976.

[12] Le Banquet, traduction de Luc Brisson, GF Flammarion, 1998, 211d-e, 212a.

[13] Théétète, traduction  de Léon Robin, Bibliothèque de la Pléiade, II, 1950, 176a-b ; nous avons remplacé   « divinité » par « divin ».

[14] « Homme » vient de  «humus » «né de terre ».

[15] On constate, la traduction latine «in principio erat Verbum» de même que sa translittération française « au commencement était le Verbe», ne rendent qu’une moitié du logos grec, celle de l’oratio, du Verbe, laissant de côté son autre moitié, plus importante, la ratio/logos, dualité latine déjà suggérée par Cicéron.

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