Itinéraire politique et spirituel d’un patriote

Hélène Laberge
On a pu dire du mouvement souverainiste québécois, tel qu'il était à ses débuts, qu'il s'apparentait à une mystique, que les Québécois avaient troqué leur appartenance à l'Église catholique contre une appartenance à leur nation. L'histoire de Pierre Gagnon permet de bien comprendre cette époque.
Il y a des livres impossibles à mettre dans les rassurantes catégories littéraires ou philosophiques qui facilitent le jugement. Dans un style extrêmement personnel, celui d'un amoureux de la poésie, haut en couleurs, Pierre Gagnon1 au terme de sa vie raconte sa recherche d’absolu à travers une vie sentimentale mouvementée et une passion pour la politique souverainiste du Québec, celle de René Lévesque en particulier, à laquelle il a été mêlé. Un absolu qu’il a redécouvert et qui maintenant le comble suffisamment pour qu’il souhaite en révéler la source et la joie qu’elle lui apporte. « Mon intention a été d’illustrer que tout est du domaine du possible pour un être, pour les membres d’une famille, pour un clan et pour un peuple par un retour aux valeurs qui ont de tout temps fait l’honneur de l’humanité et depuis 2000 ans se sont enrichies du message d’amour d’un christianisme toujours vigoureux [¼]. » Les amateurs d’histoire se régaleront de certaines anecdotes politiques dont il a été ou le témoin ou l’acteur et qu’il ressuscite avec tant de verve. Pierre Gagnon ne tombe pas dans le piège des confidences. C’est avec beaucoup de pudeur qu’il évoque ses aventures conjugales et extra conjugales, ses fuites devant ses responsabilités de père de plusieurs enfants. Il a le courage de faire ce genre de confession publique en reconnaissant ses torts, sans se couvrir du masque des excuses et des justifications… On peut résumer ses propos de la façon suivante : « J’ai manqué gravement à mes devoirs. J’en ai payé le prix par des remords et par des périodes de dépression. »

Mais ne croyez pas qu’il s’appesantit sur ces moments de souffrance intense. Ce qui jaillit constamment de son livre, c’est une source réelle de joie, une joie qui n’est pas une exaltation et encore moins une compensation mais un accord final qui réunit tous les éléments disjoints de la vie. L’apprenti-converti, comme il se définit, chemine au déclin de la vie « sur une route , où chaque pas révèle une lumière toujours plus vive, toujours plus douce, toujours plus invitante.[¼] Salut, compagnon de vie, des bons comme des mauvais jours, auquel je dois tant de plaisirs et de souffrances, de peines et de joies. Je te comprends de vouloir te reposer en retournant lentement à la terre dont tu fus tiré et t’y fondre dans la paix. C’est une délicieuse sensation de sentir l’âme en voie d’être libérée de toute lourdeur, charges matérielles, désirs, quêtes de satisfaction,envies. Même l’esprit est ravi de cet élan vers la lumière toute pure. ». Cent ans plus tôt, même voeu d’un homme politique qui fut un grand poète :

Mes os vont soulever la dalle des ancêtres
Je cherche en y tombant la même vérité (Charles Maurras).

1 De la pénombre à Cap-Lumière (2008), Éditions Carte Blanche, 1209, avenue Bernard Ouest , bur. 200, Outremont (Québec) H2V 1V7
2 Chapitre « Le temps, brisures d’éternité », p. 340.

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