La nouvelle poste : Pourquoi le courrier postal conserve son utilité
- * Les services postaux du Japon ont subi un processus de réforme, qui a abouti l'année dernière à leur transformation en une entreprise publique ouverte pour la première fois à la concurrence.
* Dans l'Union européenne, tous les services postaux, à l'exception de la distribution du courrier, seront ouverts à la concurrence en 2006.
* Aux Etats-Unis, une commission présidentielle passe actuellement au crible le US Postal Service - qui est le plus grand du monde.
Parallèlement, un petit groupe de puissants opérateurs multinationaux, mené par les entreprises partiellement privatisées, Deutsche Post World Net et la société néerlandaise TPG, ainsi que par les entreprises de distribution de courrier commercial FedEx et UPS, commence à s'imposer sur le marché. La transformation de Deutsche Post World Net et de TPG, qui étaient à l'origine des opérateurs nationaux, montre que les services traditionnels de distribution des lettres et des colis tendent à être regroupés dans un secteur unique avec les services de messagerie, ce qui suppose une logistique entièrement nouvelle.
L'acquisition la plus retentissante de Deutsche Post World Net est celle de DHL, la grande entreprise américaine de courrier express international. Mais le groupe d'origine allemande a également acquis d'autres entreprises telles que GlobalMail, Airborne, YellowStone, Danzas et Securicor. TPG a réussi à surmonter le handicap de sa trop grande dépendance envers un marché national relativement restreint puisqu'elle est aujourd'hui présente dans 62 pays et emploie 150 000 personnes. Elle possède entre autres l'entreprise de messagerie internationale, TNT.
Des changements à l'UPU
Comme on pouvait s'y attendre, ces transformations se répercutent sur la vénérable institution des Nations Unies qui, depuis des générations, supervise le service postal international. Le Congrès mondial de l'Union postale universelle (UPU) n'a lieu que tous les cinq ans. Celui qui se tiendra cette année à Bucarest devrait marquer un tournant. En effet, l'UPU, organisation crée pour favoriser la coopération entre ses gouvernements membres et entre les services postaux nationaux, est en train de remodeler ses structures de façon à associer d'autres acteurs à ses travaux. Tout en restant au service des administrations postales, l'UPU devrait instituer une commission consultative qui servirait de tribune pour les gouvernements, les opérateurs de services postaux (y compris des associations d'opérateurs privés) et d'autres parties prenantes. Union Network International (UNI), syndicat mondial qui représente le secteur des postes, devrait aussi avoir un rôle à jouer.
Pour John Pedersen, chef du secteur des postes de l'UNI, le but est de contribuer à la mise sur pied de partenariats sociaux dans un secteur qui se mondialise rapidement.
Il considère que la décision récemment prise par Deutsche Post World Net de créer un comité d'entreprise constitue un grand pas en avant et se propose maintenant d'œuvrer à la signature des premiers accords-cadres multinationaux dans le secteur. L'UNI a déjà créé un réseau virtuel de délégués qui travaillent pour un grand opérateur et d'autres devraient suivre. Par le biais de UNI-Europa Post, elle a entamé, dans le contexte de l'Union européenne, des négociations sociales en bonne et due forme avec l'organisation patronale, PostEurop.
Par ailleurs, plusieurs multinationales cherchent à se positionner comme des entreprises socialement responsables. Les directeurs de sept entreprises parmi lesquelles DHL, TPG et Swiss Post, ont signé une déclaration de principes de l'entreprise citoyenne, présentée cette année lors du Forum économique mondial de Davos. Cette déclaration énonce huit principes qui portent sur les aspects suivants : gouvernance, responsabilité financière, participation des acteurs concernés, relations professionnelles, droits de l'homme, investissement dans la communauté, relations avec la clientèle et les fournisseurs et protection de l'environnement (Voir encadré).
Le rôle de l'OIT
L'OIT aide les partenaires sociaux à s'adapter à l'évolution du secteur des postes. Outre une conférence internationale tenue en 2002 dans le cadre du Programme des activités sectorielles, elle a organisé (avec l'UPU) des ateliers régionaux en 2000 dans la région Asie-Pacifique, puis l'année dernière, en Amérique latine et dans les Caraïbes. Elle envisage d'en organiser également dans la région africaine l'année prochaine.
Les syndicats craignent beaucoup que la transformation de la poste en un service commercial ne soit contraire aux intérêts des agents des postes et de la société dans son ensemble. Lors de la Conférence mondiale de son secteur poste, qui s'est tenue en novembre 2003 au siège de l'OIT à Genève, l'UNI a défendu la notion de service postal universel et recommandé que la libéralisation de la poste soit désormais tenue sous haute surveillance.
John Pedersen invite l'Union européenne à bien réfléchir avant de libéraliser davantage la poste dans ses pays membres. "Ce que nous disons, c'est qu'avant de poursuivre la libéralisation, il convient d'en évaluer soigneusement les effets sur l'emploi et le service universel", explique-t-il. Et d'ajouter que les services postaux devraient être à l'avenir exclus des négociations de l'Accord général sur le commerce des services (AGCS).
Dans les pays en développement, la restructuration des services postaux reste un sujet de controverse. En 1996, la Banque mondiale la justifiait en disant que ces services étaient les derniers bastions de l'ordre ancien. Elle a par la suite incité plus de 30 pays à s'engager dans la voie de la libéralisation en prenant des mesures qui ont été très poussées en Algérie, au Honduras, en Jordanie et au Maroc, par exemple. Depuis, la Banque a changé de ton. Dans un rapport rédigé avec l'UPU, elle affirme maintenant que la libéralisation du marché devrait être graduelle et souligne la nécessité de définir les obligations en matière de service universel.
La transformation de la poste, même si elle est moins médiatisée que celle des télécommunications, restera certainement un sujet de débat international dans le proche avenir. Mais quoiqu'il en soit, le rapport commun de la Banque mondiale et de l'UPU met en garde contre une approche simpliste, précisant qu'il n'y a pas une seule manière de réformer les services postaux et que stratégies et solutions doivent tenir compte de la situation économique, de l'ancien mode de gestion des entreprises et de l'évolution du marché.
Encadré : Les directeurs généraux de DHL, TPG, Transnet Ltd, Exel, ferrovie dello Stato SpA, Swiss Post et Stena ont signé les principes de l'entreprise citoyenne, présentés lors du Forum économique mondial de 2002. En adoptant cette déclaration en faveur de la justice dans le monde du travail, ils se sont engagés à garantir des conditions de travail saines, sûres et décentes à tous leurs employés et à exiger que leurs fournisseurs fassent de même, à encourager activement la diversité et l'égalité des chances, à respecter le droit qu'ont les salariés d'adhérer à des syndicats licites ou de former des associations de travailleurs, à respecter le droit de négociation collective, à respecter - au minimum - les législations nationales régissant les horaires et les conditions de travail, le barème des salaires et les conditions d'emploi ainsi qu'à dispenser à leur personnel une formation sur la mise en application de ces principes.
Magazine Travail (Organisation internationale du travail, département de la communication), no 51, juin 2004
http://www.ilo.org/public/french/bureau/inf/magazine/51/postal.htm