La pollution atmosphérique

Commission de la production de l'Assemblée nationa

Un phénomène évolutif et complexe

A. La pollution atmosphérique est un phénomène complexe préoccupant l'opinion publique

La pollution est un phénomène très complexe compte tenu de la diversité des polluants, de leurs combinaisons et modifications dans l'atmosphère et de leurs interactions, notamment sous l'effet de réactions photochimiques mais aussi en raison du rôle de facteurs physiques tels que le climat et le relief. Aussi, son évolution est-elle parfois difficile à appréhender avec rigueur. Cette complexité contribue à renforcer les inquiétudes de l'opinion.

1. Les multiples dimensions de la pollution

a) Des polluants divers aux interactions mal connues

La pollution résulte de la présence dans l'atmosphère de polluants qui sont très variés. On peut les rassembler selon deux typologies. La plus simple, physique, consiste à distinguer les polluants gazeux des polluants solides, poussières et particules. La seconde s'appuie sur l'origine des polluants et oppose les polluants primaires et les polluants secondaires.

1°) Les polluants primaires

Les polluants primaires sont les substances présentes dans l'atmosphère telles qu'elles ont été émises.

Parmi ces polluants, certains se distinguent par leur importance particulière. Tel est le cas des substances suivantes:
    - le monoxyde de carbone (CO) qui est un gaz toxique inodore émis essentiellement par la combustion incomplète de carburants fossiles et donc par les véhicules et le chauffage urbain. Il peut se transformer dans l'atmosphère en dioxyde de carbone (CO2);
    - le dioxyde de soufre (SO2), émis par certains procédés industriels (notamment dans la papeterie ou le raffinage) et surtout par l'utilisation de combustibles fossiles soufrés. Il est l'un des principaux responsables des retombées acides en raison de sa transformation, dans l'atmosphère, en acide sulfurique (H2 SO4);
    - les oxydes d'azote (NOx), dont l'émission résulte essentiellement de la combustion de combustibles fossiles, en particulier par les véhicules et qui ont notamment pour effet de contribuer à la formation d'ozone dans l'atmosphère;
    - les hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP), émis par la combustion incomplète des fiouls ou des charbons et qui se présentent généralement dans l'air, liés aux particules. Certains d'entre eux sont reconnus comme très cancérigènes;
    - les particules, qui sont d'origines et de natures très diverses. Il est possible de les classer selon leur taille.
On distingue ainsi classiquement deux types de particules : les PM10 (Particulate Matter) qui sont celles dont le diamètre moyen n'excède pas 10 microns et qui proviennent principalement des véhicules (en particulier de ceux équipés d'un moteur diesel) et les PM25 dont le diamètre moyen est inférieur à 25 microns et qui sont majoritairement émises par des sources fixes.

Les particules les plus petites, plus légères, sont celles qui peuvent rester en suspension le plus longtemps. Elles sont également susceptibles de pénétrer le plus profondément dans l'appareil broncho-pulmonaire.

Les particules les plus grosses sont principalement produites par des phénomènes de frottement. On trouve également parmi elles des particules biologiques telles que des pollens. Les particules les plus fines proviennent de transformations gaz-solide dans l'atmosphère et notamment de phénomènes de condensation et de coagulation.

D'un point de vue sanitaire, les particules méritent une attention particulière. En effet, elles sont susceptibles de servir de vecteurs à d'autres substances, tels par exemple les hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP) cancérigènes, ce qui est particulièrement préoccupant compte tenu de la capacité des particules les plus fines à se déposer dans les alvéoles pulmonaires, voire à pénétrer dans le sang:
    - le gaz carbonique ou dioxyde de carbone (CO2), produit par les combustions, qui est essentiellement préoccupant, en raison de sa contribution à l'effet de serre;
    - l'acide chlorhydrique (HCl) qui est émis essentiellement par l'incinération des ordures ménagères;
    - les composés organiques volatils (COV), qui comprennent notamment des hydrocarbures (dont le benzène, le toluène et les xylènes). Il sont émis par de très nombreuses sources, notamment par divers procédés industriels ainsi que par les véhicules. Le méthane, qui est un gaz à effet de serre dont la concentration s'accroît rapidement dans l'atmosphère, est un composé organique volatil;
    - les métaux lourds susceptibles de polluer l'atmosphère et qui sont très nombreux. Il s'agit notamment:
      . du plomb, dont la toxicité est très importante et qui peut être émis par certains procédés industriels (fabrication de batteries électriques par exemple), ainsi que par la combustion de carburants plombés; on le retrouve également dans certaines peintures apposées dans des immeubles anciens;
      . du zinc, provenant notamment de la combustion du charbon et du fioul lourd;
      . du mercure, émis par certains procédés industriels, l'incinération de déchets, ainsi que la combustion du charbon ou du pétrole;
      . du nickel, émis essentiellement par la combustion du fioul lourd,
      . de l'arsenic, que l'on trouve à l'état de traces dans certains combustibles et dans certaines matières premières utilisées dans la verrerie et la métallurgie;
    - les dérivés fluorés, qui constituent également une catégorie importante de polluants;
    - les pesticides.

2°) Les polluants secondaires

Les polluants secondaires sont des substances dont la présence dans l'atmosphère résulte de transformations chimiques liées à la présence de composés dits précurseurs. Constituent ainsi des polluants secondaires, l'acide sulfurique et l'acide nitrique qui se forment dans l'atmosphère sous l'action de l'humidité à partir, respectivement, de dioxyde de soufre et d'oxyde d'azote.
L'ozone est le principal polluant secondaire. Sa formation résulte d'un processus photochimique en présence de certains polluants primaires (monoxyde de carbone, oxydes d'azote et composés organiques volatils). Il s'agit d'un gaz naturellement présent dans l'atmosphère à des concentrations faibles et à une altitude élevée (de 17 à 50 km pour la stratosphère). À plus basse altitude (de 6 à 17 km pour la troposphère), en revanche, l'évolution de sa concentration résulte essentiellement des activités humaines.

Comme le rappelle le Conseil supérieur d'hygiène publique de France (1), «une caractéristique importante de la chimie atmosphérique à l'origine de la production d'ozone est son caractère non linéaire. En effet, cette production n'est pas proportionnelle aux teneurs initiales en précurseurs et, selon l'abondance relative des divers réactifs, ce sont des réactions de destruction ou de production d'ozone qui peuvent être favorisées». En effet, si la production d'ozone résulte de la dissociation du dioxyde d'azote par le rayonnement ultraviolet, ce dioxyde d'azote est lui-même produit par une réaction entre l'ozone et le monoxyde d'azote. Ainsi, la création du précurseur de l'ozone détruit cette substance. L'abondance de monoxyde d'azote ralentit donc l'accumulation de l'ozone alors que sa présence en quantité plus modeste la conditionne puisque cette substance se transforme dans l'atmosphère en dioxyde d'azote.
Ces mécanismes expliquent la spécificité de l'ozone troposphérique qui est présent à des concentrations plus élevées en zones périurbaines ou rurales que dans les zones urbaines et industrielles. En effet, là où les émissions de polluants sont les plus fortes, l'abondance de monoxyde d'azote détruit l'ozone.

C'est donc souvent hors des agglomérations que les concentrations d'ozone sont les plus élevées et peuvent atteindre des niveaux dangereux. L'exemple le plus connu de ce mécanisme est celui des forêts d'Ile-de-France, telles celles de Rambouillet ou de Fontainebleau, où les concentrations d'ozone peuvent être très élevées en l'absence de sources significatives d'émissions de polluants sur place. Les Franciliens sont donc parfois rattrapés par la pollution à laquelle ils s'efforcent d'échapper par des balades en forêt.

Chacun de ces polluants agit sur la santé. Ainsi, le monoxyde de carbone pénètre dans le sang et réduit la quantité d'oxygène fournie à l'organisme. Il représente un danger particulièrement important pour les personnes souffrant de maladies cardiovasculaires mais, à doses élevées, ce gaz est également dangereux pour les personnes en bonne santé.

Le plomb, pour sa part, s'accumule dans l'organisme et peut notamment affecter les reins, le foie et le système nerveux en créant, à forte dose, des désordres neurologiques. Même à faible dose, le plomb est extrêmement dangereux, en particulier pour le foetus et les enfants en bas âge. Il semblerait en outre que cette substance puisse être responsable de l'aggravation de pathologies cardiovasculaires.

Le dioxyde d'azote irrite les poumons et réduit la résistance aux infections respiratoires. Une exposition prolongée à des concentrations élevées de ce gaz pourrait en outre provoquer des affections respiratoires aiguës, en particulier pour les enfants.

L'ozone est également susceptible de créer ou d'aggraver des pathologies respiratoires. Ce gaz endommage en effet les tissus pulmonaires et accroît la sensibilité des poumons à d'autres irritants. L'exposition à l'ozone n'affecte pas que les personnes présentant une sensibilité particulière; elle est également dangereuse pour des gens en pleine santé. L'ozone est en outre dangereux pour les plantes et sa présence dans l'atmosphère entraîne une diminution significative des rendements agricoles.

Les particules présentent des risques variés pour la santé. Elles peuvent ainsi avoir des effets négatifs sur le système respiratoire, aggraver les pathologies respiratoires et cardiovasculaires existantes et altérer les défenses naturelles de l'organisme. Les personnes âgées, les enfants et les personnes souffrant de pathologies pulmonaires ou cardiovasculaires chroniques sont particulièrement sensibles aux particules. Celles-ci s'avèrent en outre dangereuses en tant que vecteurs d'autres substances toxiques, tels les métaux lourds.

Enfin, le dioxyde de soufre peut, lui aussi, être à l'origine de pathologies respiratoires, entraîner une altération des défenses pulmonaires et aggraver des pathologies cardiovasculaires existantes.

À long terme, l'exposition aux polluants, présents dans l'air ambiant, présente des risques spécifiques. Leur étude est complexe. En effet, l'air que nous respirons et qui est susceptible d'affecter à long terme notre santé, se caractérise par la présence simultanée d'un grand nombre de polluants. L'air ambiant n'est en effet pas un «air pur» souillé de tel ou tel polluant. La notion même d'air pur est d'ailleurs sujette à caution, le professeur Gérard Mouvier intitulant d'ailleurs l'un des chapitres de son ouvrage de synthèse et de vulgarisation «La pollution atmosphérique», «L'air pur: une utopie?». Il s'agit en réalité d'une «soupe» ou d'un «cocktail» composé d'un nombre extrêmement élevé de substances interagissant constamment entre elles.

b) L'influence déterminante des facteurs physiques

Si la pollution atmosphérique résulte d'émissions liées principalement aux activités humaines sur lesquelles une action doit être conduite, elle est également déterminée en grande partie par des facteurs physiques, c'est-à-dire essentiellement par le relief et le climat. Ces facteurs déterminent en effet la dispersion des polluants et donc leur concentration dans l'atmosphère.

Est en premier lieu importante la pression atmosphérique. Ses variations influencent en effet l'écoulement et la turbulence de l'air qui, lorsqu'elle est forte, favorise la dispersion des polluants.

Le vent, naturellement, joue également un rôle majeur. Il va en effet de soi qu'un vent violent favorise le déplacement sinon la dispersion des émissions.

La température, outre son influence indirecte par le biais notamment de la circulation atmosphérique, joue un rôle direct en agissant sur la chimie des polluants.

Enfin, l'ensoleillement joue un rôle majeur dans les réactions photochimiques conduisant notamment à la formation d'ozone troposphérique. C'est pourquoi cette pollution est particulièrement préoccupante à la belle saison.

Or, du point de vue climatique, les milieux urbains, au-delà de leur diversité, présentent un certain nombre de caractéristiques communes qui jouent un rôle important dans la pollution locale (2). Les villes présentent en effet un bilan thermique particulier caractérisé, sauf exception, par une anomalie thermique positive.

La chaleur issue du rayonnement solaire est en effet, en ville, emmagasinée par les matériaux de construction alors que dans la campagne la teneur en eau plus élevée des sols conduit à la consommation de cette valeur par le phénomène de l'évaporation.

«Par beau temps anticyclonique calme, les centres-villes surchauffés donnent naissance à des masses d'air ascendantes (...). Or, à la périphérie campagnarde, l'air, rafraîchi par évaporation de l'eau des végétaux et des sols et le rayonnement nocturne, est nettement plus froid. Les masses d'air auront, de ce fait, au contraire tendance à être descendantes. L'appel d'air périphérique contribuera à rabattre des masses d'air à partir du haut de la zone d'ascendance. Le résultat d'ensemble sera l'établissement de courants circulaires de convexion centrés sur le centre-ville, c'est-à-dire concentriques autour du centre ville et enveloppant la ville dans un système de circulation atmosphérique local fonctionnant en vase clos» (3). Il en résulte la formation d'un «dôme de pollution urbain» qui «recouvre la ville comme un couvercle de marmite » (4).

La concentration importante de polluants en ville s'explique donc, non seulement par le fait qu'ils y sont plus massivement émis, mais aussi par les conditions climatiques qui font que leur dispersion est moindre. De sorte, qu'à émissions constantes, si la ville était à la campagne, elle serait moins polluée! Ces conditions climatiques résultent largement des spécificités de l'environnement urbain. Le propre des villes est en effet que la densité des bâtiments y est plus forte qu'à la campagne, que les plantes y sont moins nombreuses et que les sols sont plus pauvres en eau. Il en résulte d'évidentes implications pour les politiques publiques car un urbanisme adapté peut permettre de lutter contre la formation des dômes de pollution urbains. Il convient en particulier de multiplier les espaces verts et, plus généralement, les végétaux en milieu urbain. Leur présence permet en effet, non pas tant de lutter directement contre la concentration ou la formation des polluants, mais de limiter le risque de création d'un « dôme de pollution » et donc de contribuer à la dispersion des polluants. Un tel rôle peut également être joué par des plans d'eau.

c) L'origine géographique des polluants

La pollution atmosphérique peut s'analyser à différentes échelles. On peut ainsi distinguer (5):
- la pollution locale ou pollution de proximité qui concerne essentiellement l'oxyde de carbone, les oxydes d'azote, les poussières et les hydrocarbures. Dépendant des sources locales, de la topographie et des conditions météorologiques locales en particulier du vent, elle est distribuée très irrégulièrement variant ainsi d'une rue à l'autre. Elle ne peut donc être mesurée de manière pertinente que par des réseaux de capteurs très denses. Son extrême irrégularité complique en outre singulièrement l'évaluation des expositions susceptibles d'être subies par les individus.
- la pollution régionale concerne l'échelle de l'agglomération ou de la région. Elle dépend non seulement des émissions de polluants primaires mais également de la formation de polluants secondaires et notamment de l'ozone par réaction photochimique. C'est la pollution que l'on qualifie de «pollution de fond». Elle se caractérise par une certaine homogénéité dans l'espace mais aussi dans le temps avec des épisodes de pollution pouvant durer plusieurs jours;
- la pollution peut enfin être continentale ou mondiale. C'est notamment le cas du phénomène particulièrement préoccupant de l'effet de serre (...). La prise de conscience de l'existence de pollutions transfrontalières a été liée au phénomène des pluies acides causant en particulier des dommages aux forêts. Elle a conduit à la conclusion, en novembre 1979, sous l'égide de l'ONU, de la Convention sur la pollution atmosphérique transfrontalière à longue distance entrée en vigueur en 1983 et complétée depuis lors par plusieurs protocoles. L'un de ces protocoles, signé en 1984 et entré en vigueur en 1988, a abouti à la mise en place d'un programme de coopération pour la surveillance et l'évaluation du transport des polluants atmosphériques à longue distance en Europe (EMEP). Dans le cadre de ce programme, un inventaire des émissions des différents polluants réglementés par la convention de 1979 ou ses protocoles additionnels est réalisé afin d'évaluer le respect par les parties de leurs engagements. Sont également évalués dans ce cadre les flux transfrontaliers de polluants en Europe. Cette évaluation est réalisée grâce à une modélisation mais les résultats ainsi obtenus mettent bien en évidence la dimension continentale de certains phénomènes de pollution. (...)

Notes

(1) Conseil supérieur d'hygiène publique de France, section de l'évaluation des risques de l'environnement sur la santé, «L'ozone, indicateur de la pollution photochimique en France: évaluation et gestion du risque sur la santé», éditions technique et documentation, 1996, p. 4.
(2) Roland Carbiener, «Espaces verts urbains, péri-urbains et qualité de l'air».
(3) Ibid., p. 115.
(4) Ibid., p. 115.

Autres articles associés à ce dossier

Le printemps stérile

Jacques Dufresne

Quand de nombreux produits chimiques imitent partout dans la nature le comportement de l'hormone féminine, que se passe-t-il? Tout indique qu'il se p




Articles récents