Les sources grecques de la notion de crise

Jacques Brunschwig

Pour le moderne, la crise est une conjoncture qui exige des décideurs, seuls capables de la résoudre. Il serait dangereux de la laisser se prolonger sans rien faire: même le fait de «laisser pourrir une crise» relève d'une décision. Les médecins grecs avaient-ils une attitude comparable? C'est peu probable. Le médecin grec se borne à observer la crise, à la constater. Il ne l'utilise que pour élaborer son diagnostic. Certes, il se doit de saisir le moment opportun, le kairos, où il convient d'agir pour guérir le malade. Mais y a-t-il une corrélation significative entre le mot krisis et le mot kairos? Je crois pouvoir dire que ces deux mots n'apparaissent quasiment jamais ensemble: la crise n'est donc pas pour le médecin grec le bon moment pour agir. Il est vrai que la médecine grecque est par bien des aspects une médecine douce, qui se soucie autant de prévenir que de guérir, qui régit la diéta, la diète. Mais elle ne rechigne pas aux interventions; la médecine ancienne peut d'ailleurs être résumée en deux mots: brûler et couper (c'est-à-dire cautériser et opérer). Mais l'intervention n'a pas lieu en fonction des crises.

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