Descartes pascalien
Revenons un siècle plus tôt à Descartes, que la légende philosophique oppose à Pascal, associant le premier au pôle mystique de l'âme humaine, le second au pôle rationnel. Cette opposition est fondée, certes, mais dans quelle mesure? On sait, même si on ne le dit pas toujours dans les manuels, qu'une vision est à l'origine de l'entreprise intellectuelle de Descartes. Quant à sa mort, elle rappelle celle de sa contemporaine, Marie de L'Incarnation, née en Touraine elle aussi : « Ceux qui l'approchaient remarquèrent une singularité assez particulière pour un homme que plusieurs croyaient n'avoir eu la tête remplie, toute sa vie, que de philosophie et de mathématiques, c'est que toutes ses rêveries ne tendaient qu'à la piété, et ne regardaient que les grandeurs de Dieu et la misère de l'homme. [...] Pendant tout le temps que la fièvre lui fit suspendre l'usage de sa raison, elle lui ôta bien le sentiment de son mal, mais (elle) ne lui causa jamais le moindre égarement dans ses discours, tant ses rêveries étaient suivies ». Lorsque Descartes revient de ce que nous appelons de nos jours coma, « il témoigna sans détour à Monsieur et à Madame Chanut (ses amis) que la soumission qu'il avait pour les ordres de Dieu lui faisait croire que ce souverain arbitre de la vie et de la mort avait permis que son esprit demeurât si longtemps embarrassé dans les ténèbres, de peur que ses raisonnements ne se trouvassent pas assez conformes à la volonté que le Créateur avait de disposer de sa vie. Il conclut que, puisque Dieu lui rendait l'usage libre de sa raison, il lui permettrait par conséquent de suivre ce qu'elle lui dictait, pourvu qu'il s'abstînt de vouloir pénétrer trop curieusement dans ses décrets, et de faire paraître de l'inquiétude pour l'événement ».