Le projet de loi 96 et les cégeps
Un condensé de notre analyse
- 1- Identité linguistique des cégeps et universités
- 2- Programmes en anglais ou bilingues
- 3- Freinage des admissions dans les cégeps anglophones
- 4- Épreuve uniforme de français pour sanctionner les études collégiales
- 5- Renforcement des politiques linguistiques des cégeps et des universités.
- 6- Dawson
- 7- Étudiants hors Québec dans les cégeps
- 8-Responsabilités ministérielles
Le projet de loi est complexe, compliqué et contient beaucoup d’éléments de réforme, la gouvernance bureaucratique, les villes bilingues, la francisation des entreprises, les services en français, etc. On crée un nouvel acteur, le ministère de la Langue française, appelé à intervenir notamment dans les affaires collégiales.
Sur les cégeps, les points saillants :
1- Identité linguistique des cégeps et universités
On introduit le principe que les établissements postsecondaires sont présumés francophones (et non français ou de langue française !), sauf ceux qui sont désignés comme anglophones par le ministère de l’Enseignement supérieur et le ministre de la Langue française. Ainsi, on reconnaît à deux ministres le pouvoir de transformer en établissement anglais un établissement français ou de créer un nouvel établissement anglais. (Comme convertir Bois-de-Boulogne ou Garneau en cégeps anglais, sur décision de deux ministres). Place à l’arbitraire. Une liste des établissements à reconnaître comme anglophones sans délai est donnée, mais ne ferme rien pour l’avenir. En somme, les cégeps anglais sont protégés par la loi, mais pas les cégeps « francophones » qui n’apparaissent individuellement dans aucune liste gravée dans la loi.
On fait du français la langue obligatoire de l’enseignement dans les cégeps « francophones ». L’enseignement de l’anglais peut s’y poursuivre, comme langue seconde selon le régime des études étable par la Loi sur les cégeps. Le caractère français ou « francophone » de ces cégeps est toutefois mentionné seulement pour l’enseignement; nulle mention de la recherche ou d’autres activités. L’utilisation du français comme langue administrative est renvoyée au contenu des politiques linguistiques adoptées par les cégeps.
2- Programmes en anglais ou bilingues
Les programmes particuliers en anglais dans les cégeps « francophones » ne peuvent accueillir plus de 2% des effectifs totaux (étudiants à temps plein) des établissements collégiaux français. Les étudiants acceptés en excédent ne recevront pas de subventions ministérielles et ne seront pas comptabilisés pour le calcul des subventions versées aux cégeps en vertu de la Loi sur les cégeps.
Cependant, les cégeps pourront établir des activités de formation en anglais ou une langue tierce (activités autres que les DEC général et technique) si celles-ci sont autorisées par le ministre de l’Enseignement supérieur, après consultation auprès du ministre de la Langue française.
Les programmes d’études en anglais ou bilingues doivent aussi être préalablement approuvés par le ministre de l’Enseignement supérieur, après consultation auprès du ministre de la Langue française.
3- Freinage des admissions dans les cégeps anglophones
On parle d’un gel, mais il s’agit plus d’un freinage, d’un ralentissement encadré de la croissance des effectifs dans le collégial anglais.
On prévoit que chaque année, le ministère de l’Enseignement supérieur doit calculer les effectifs admissibles dans les cégeps anglais, qui correspondent à un pourcentage des effectifs totaux dans l’année pour tous les cégeps, français et anglais. Le projet dit que ce pourcentage ne peut excéder 17,5% ou un chiffre moindre, si le poids effectif des admissions dans les cégeps anglais descend plus bas dans une année. Par ailleurs, si les effectifs collégiaux totaux croissent, les cégeps anglais ne pourront aller chercher plus 8,7% de cette croissance dans une année. Donc, par exemple, si les effectifs totaux augmentent de 10 000 personnes dans une année au Québec, les cégeps anglais pourront aller chercher 870 places de plus.
Ainsi en théorie, si les effectifs totaux dans les cégeps devaient augmenter considérablement, le poids des admissions dans les cégeps anglais serait appelé à descendre sous 17,5%. Mais si les effectifs totaux stagnent ou augmentent peu, les cégeps anglais devraient maintenir leur part de 17,5%.
Les étudiants acceptés en excédent dans les cégeps anglais ne recevront pas de subventions ministérielles et ne seront pas comptabilisés pour le calcul des subventions versées aux cégeps en vertu de la Loi sur les cégeps.
Le projet de loi n’a pas voulu affirmer la vocation des cégeps anglais à servir d’abord la communauté anglaise ou à admettre d’abord les jeunes scolarisés en anglais au primaire et au secondaire. La seule chose qui est leur demandée, c’est de prévoir dans leurs politiques linguistiques « des mesures propres à favoriser l’admission » de ces jeunes. Ce n’est guère contraignant. Dawson ou Champlain pourrait continuer de refuser des candidats anglophones qui n’ont pas les notes. Ce qu’en disent les médias est inexact.
À terme, ces mesures renforceraient l’aspect sélectif des cégeps anglais, qui retiennent les meilleurs dossiers et les profits tirés d’un effet de rareté relative pour des places très convoitées dans les grands centres urbains.
4- Épreuve uniforme de français pour sanctionner les études collégiales
On instaure « une épreuve uniforme dont le contenu est le même pour tous les étudiants ayant reçu l’enseignement collégial donné en anglais ou en français ». Mais les Anglo-Québécois scolarisés en anglais au primaire et secondaire en sont exemptés. Donc les étudiants de langue française ou tierce qui étudient dans un cégep anglais devront réussir cet examen pour obtenir leur diplôme.
5- Renforcement des politiques linguistiques des cégeps et des universités.
On renforce un peu ces politiques, qui constituent à l’heure actuelle une forme de droit « mou » sans valeur contraignante. On précise des éléments qui doivent figurer dans ces politiques, on inclut les employés et les étudiants dans leur réforme et on prévoit des mécanismes de correction et de suivi, impliquant les ministres de l’Enseignement supérieur et de la Langue française. Mais dans l’ensemble, les personnes lésées par un manquement à la politique linguistique de leur établissement sont renvoyées aux procédures internes de celui-ci, sans recours externe à l’office de la langue français ou au nouveau Commissaire à la langue française.
6- Dawson
Le projet de loi 96 laisse intacte l’inscription de l’agrandissement de Dawson dans les projets prioritaires d’infrastructure du gouvernement (loi 66). Les 100 millions serviront à accroître l’attractivité du plus gros cégep du Québec, dans un régime de freinage graduel de ses inscriptions subventionnées. (Mais rien n’interdit dans le projet de loi 96 la création dans les cégeps anglais de programmes ne recevant pas de subventions statutaires, financés par des droits de scolarité élevés).
7- Étudiants hors Québec dans les cégeps
Les étudiants de langue française hors Québec, dans la mesure où il n’y a pas de programme disponible dans leur État provincial d’origine, pourront s’inscrire dans les cégeps français au tarif québécois.
8-Responsabilités ministérielles
Le nouveau ministère de la Langue française n’aura pas de vocation particulière vis-à-vis de l’Enseignement supérieur, sauf pour assurer le suivi des politiques linguistiques des cégeps et donner des conseils et des approbations sur des points particuliers. On ne reconnaît ni à ce ministère, ni à celui de l’Enseignement supérieur, le mandat explicite de promouvoir le français comme langue de l’enseignement et de la recherche dans les établissements postsecondaires.