Le militant écologiste américain Bill McKibben, qualifié par le magazine Time de "meilleur journaliste environnementaliste au monde" et fondateur du mouvement 350.org, vient de signer dans The New Yorker un article dans lequel il partage son enthousiasme sur l'essor phénoménal des énergies renouvelables ces dernières années. « Il a fallu attendre l'invention de la cellule photovoltaïque, en 1954, et 2022 pour que le monde installe un térawatt d'énergie solaire ; le deuxième térawatt est arrivé deux ans plus tard, et le troisième arrivera plus tard cette année ou au début de l'année prochaine... En mars dernier, les énergies fossiles ont fourni moins de la moitié de l'électricité aux États-Unis et les énergies renouvelables ont produit 82% de la puissance énergétique en Californie. », écrit-il.
De l'Asie à l'Afrique, l'énergie solaire s'impose comme une solution de remplacement aux génératrices à l'essence qui suppléent aux lacunes du réseau électrique local. Les politiques rétrogrades de l'administration Trump n'affecteront pas selon lui cette progression : les pays dépendant du gaz américain (les É.-U. sont le plus grand exportateur de gaz naturel au monde) vont plutôt chercher à se soustraire de la dépendance au géant américain pour des raisons de sécurité géo-politique en optant pour un approvisionnement local et durable.
Un texte à lire dans The New Yorker.
C'est l'historien Peter Turchin qui a popularisé le concept de la surproduction des élites. Le concept, qui n'est pas exempt de détracteurs, est assez simple : d'un point de vue historique, les sociétés atteignent éventuellement à un stade où elles produisent plus d'experts ou de diplômés que d'emplois ou de positions qu'elle peut offrir. Plusieurs observateurs croient que l'Occident a atteint un tel stade et que le ressentiment d'une jeunesse sans emploi pourrait expliquer le wokisme ou la droitisation du discours politique. Certains voient également à l'oeuvre ce qu'on appelle l'effet Tocqueville ou le paradoxe de l'insatisfaction croissante qui sous-tend que les attentes des nouvelles générations s'ajoutent aux acquis des générations précédentes. De sorte que la nouvelle génération ne peut se contenter de ce qui était accessible à la génération précédente. Dès lors que cessent de croître les salaires ou les opportunités professionnelles, la frustration gagne les jeunes qui ont été élevés avec des attentes démesurées par rapport à la réalité du marché du travail.
Mais les choses changent aussi avec les générations qui suivent. C'est du moins ce que croit l'économiste Noah Smith: "La génération du millénaire, trop optimiste et en colère, pourrait bientôt être supplantée par la génération Z, dont les attentes modestes font écho à celles de leurs parents de la génération X à la fin des années 70 et au début des années 80." Il y a là cependant un problème réel auquel les gouvernements et les universités devront s'attaquer pour ramener les attentes à des niveaux moins stratosphériques, estime l'auteur de la populaire chronique Noahpinion sur Substack.
104 ans le 8 juillet 2025. Bon anniversaire ! Sociologue français. El pensador planetario, dit-on de lui dans cette latinité dont il est plus proche que du monde anglo-saxon.
Transgressant les frontières entre les pays et les continents comme entre les disciplines, les religions et les visions du monde, il a domestiqué cette idée de complexité rendue nécessaire actuellement aussi bien par l’état de la planète que par celui de la science et de l’humanité. Il faut agir localement sans cesser de penser globalement. Penser, agir : Edgar Morin sait, parfois jusqu’à l’excès trouver le style qui convient aux sujets les plus abstraits comme il sait trouver celui qui incite à l’action.
Lire la suite dans notre dossier Egard Morin dans la série les Pionniers de l'écologie.
« Au Québec, Victor-Lévy Beaulieu, ou tout simplement VLB, entre assurément dans la catégorie des écrivains politiques dont l’œuvre, qui en impose et déconcerte, se rie des frontières savantes. Or, dans la littérature québécoise contemporaine, c’est Victor-Lévy Beaulieu qui a rendu à l’Irlande, à sa littérature et à son histoire tragique le plus bel hommage qui soit, un hommage en forme d’épopée et de mausolée narratif qui défient les genres littéraires usuels. Cet hommage est d’autant plus étonnant que la référence à l’Irlande dans la littérature et la politique québécoises contemporaines avait été intermittente, sinon chétive.
Victor Lévy-Beaulieu est assurément l’un des plus prolifiques de nos écrivains, il a à son actif au-delà d’une soixantaine de titres. Né en 1945, l’écrivain est un boomer, qui a suivi une trajectoire atypique, en portant plusieurs chapeaux dans l’espace public : éditeur, écrivain, polémiste et défenseur notoire de l’indépendance québécoise. Il a pratiqué tous les genres, le théâtre, le roman, la poésie, l’essai, le téléroman. VLB a dans sa besace plusieurs essais consacrés à des géants de la littérature, Victor Hugo, Jack Kérouac, Herman Melville, Voltaire, Léon Tolstoï. Son essai hilare sur James Joyce apparaît donc comme un aboutissement, un magnum opus ; c’est le plus volumineux de ses hommages, 1080 pages, contre 750 pour son Melville. C’est peut-être le plus achevé, le plus complexe, le plus étourdissant. C’est dire la place que VLB accorde à Joyce dans son panthéon.
La fascination de VLB pour Joyce est ancienne. Il l’aurait découvert dès 1964, et depuis n’aurait cessé de le lire, de l’étudier. Son Joyce raconte même l’histoire de cette découverte. Ce n’est pas le seul ouvrage où VLB révèle sa fascination pour Joyce, plusieurs ouvrages précédents l’avaient annoncée. Quant à l’ouvrage lui-même il aurait été écrit entre 1973-2005. Il est donc le fruit de près de quarante ans de lectures et d’écriture, livrées au lecteur comme une somme. « [L]a rédaction de James Joyce… a été en soi une véritable odyssée », écrit Jean-François Chassay. D’ailleurs, pour le bénéfice du lecteur, VLB fournit une abondante bibliographie sur l’histoire d’Irlande, James Joyce, plusieurs des ouvrages qui y sont indiqués sont annotés par VLB lui-même. […]
« Les peuples vaincus n’ont jamais d’histoire par-devers les autres et par beaucoup plus par devers eux-mêmes. Ne naissant pas au monde, ils ne naissent pas chez eux non plus. » Le Québec du reste, lance VLB, est une nation plus « hystérique qu’historique » En racontant l’histoire d’Irlande, VLB historicise son propre travail d’historien et étend le champ de l’histoire québécoise, qui inclut désormais celle d’une nation jumelle, qui partage avec lui une communauté de destin. Le Québec et l’Irlande sont deux nations « catholiques à gros grains », dit-il. C’est pour lutter contre le défaut d’histoire, la tendance à l’oubli qui est le sort des nations vaincues que VLB ambitionne de donner à son écriture une profondeur historique. Il agit ce faisant comme un écrivain national, non pas chantre du repli sur un récit national étriqué, mais héraut d’un récit surdimensionné, cosmique, gourmand, à plusieurs voix, où les chants celtes se mêlent aux chansons à répondre québécoises. C’est aussi une façon de s’inscrire en faux contre la littérature québécoise contemporaine, devenue à ses yeux fade, ignorante de tout héritage historique, au style pauvre et uniforme. L’errance cosmopolite dont se gavent les écrivains globe-trotter québécois masque selon lui une grande indigence. Ils ont aboli la référence à la France et la Grande-Bretagne dans leurs expériences d’écriture centrées sur des moi individuels sans épaisseur collective. VLB emprunte un tout autre chemin; il ose rétablir la filiation à l’Irlande, à l’aune de laquelle la Grande-Bretagne est prise à partie, à la fois comme nation conquérante et culture assimilatrice. […] »
Extraits de l’article suivant : Marc Chevrier « Victor-Lévy Beaulieu, James Joyce, les langues et le Québec hibernien », dans Linda Cardinal, Simon Jolivet et Isabelle Matte (dir.). Le Québec et l’Irlande, Québec, Septentrion, 2014, p. 214-235.