Brèves

Thème : Juin 2025




New York Times : un activiste gay inquiet de la radication du mouvement L.G.B.T.Q.


La communauté LGBTQ a fait de nombreux gains au cours des dernières années. Mais, loin de se contenter de ces victoires, le mouvement s'est radicalisé comme le déplore Andrew Sullivan, un militant gay de la première heure, auteur de ce texte d'opinion très nuancé publié dans le New York Times.

2S.L.G.B.T.Q.I.A.+
« Les mots " gay " et " lesbienne " ont pratiquement disparu. L.G.B.T. est devenu L.G.B.T.Q., puis L.G.B.T.Q.+, et d'autres lettres et caractères ont été ajoutés : L.G.B.T.Q.I.A.+ ou 2S.L.G.B.T.Q.I.A.+ (pour inclure les personnes intersexuées, asexuées et les autochtones bispirituels). Le signe + fait référence à un nombre apparemment infini de nouvelles identités de niche et, selon certains, à plus de 70 nouveaux " genres ". L'idée est qu'il s'agit d'une seule et même communauté révolutionnaire et intersectionnelle de personnes différentes sur le plan du genre, et qu'elle est liée à d'autres causes de gauche, de Black Lives Matter à Queers for Palestine. »

État d'urgence
« En 2023, la Human Rights Campaign, le plus grand groupe de défense des droits civils des gays, des lesbiennes et d ses transsexuels du pays, a déclaré un " état d'urgence " pour la première fois dans l'existence de l'organisation. Elle ne l'avait pas fait lorsque des homosexuels étaient emprisonnés pour avoir eu des relations sexuelles en privé ou lorsque l'épidémie de SIDA a décimé des centaines de milliers d'homosexuels [...]. En fait, cette « urgence » est avant tout une réponse aux nouveaux projets de loi de l'État proposant des restrictions sur le traitement médical des mineurs souffrant de dysphorie de genre, des interdictions dans les salles de bain et les vestiaires, et des questions relatives aux transgenres dans les programmes scolaires et les sports. »

Souveraineté technologique : des grandes villes européennes délaissent Microsoft


Pour réduire leur dépendance vis-à-vis la technologie américaine, de grandes villes européennes ont adopté récemment des plans de migration vers des suites logicielles open source ou encore vers des outils développés en territoire européen. Les politiques tarifaires agressives de l'administration Trump ont sonné l'alerte et éveillé l'Europe à l'urgence de muscler sa souveraineté technologique. Les annonces se multiplient, au Danemark, en France et en Allemagne. À Bruxelles, la Commission européenne a annoncé évaluer la possibilité de migrer ses données d'Azure (Microsoft)  vers OVHCloud, un service européen (disponible ici en Amérique).

« Cette dépendance stratégique est particulièrement remise en question depuis le retour du tempétueux Républicain au pouvoir et ses menaces tous azimuts sur le Groenland, les droits de douane ou l'Ukraine. Et la proximité affichée de certains patrons de la tech avec le président américain.

La crainte est que Washington ne fasse de sa domination technologique une arme dans son bras de fer avec Bruxelles si les relations transatlantiques, déjà au plus bas, venaient à se détériorer.

"Nous devons développer nos propres capacités technologiques", a exhorté la commissaire européenne Henna Virkkunen. »

Des textes à lire sur Le Monde Informatique et France24.com.

Jacques Attali : des raisons de ne pas désespérer


On a tendance à l'oublier, mais il y n'a pas que des mauvaises nouvelles. C'est que ce que nous rappelle Jacques Attali dans son dernier éditorial.

« Sans nier la gravité des périls, je voudrais rappeler ici une évidence trop souvent tue : la partie n’est pas terminée:

  • En matière d’énergie, la bascule s’accélère. En 2025, selon l’Agence internationale de l’énergie, près des deux tiers des investissements énergétiques mondiaux – soit 2,2 milliards sur 3,3 – ont été orientés vers les sources renouvelables [...];
  • Plus de 340 villes européennes réinventent leur mobilité en supprimant les parkings, en piétonnisant leurs centres, en promouvant les transports doux. À Paris, la pollution automobile a chuté de 45 % depuis 1990 [...];
  • L’agriculture se régénère elle aussi : 15 % des exploitations mondiales adoptent désormais des pratiques régénératrices [...] »

Iran : là où se rejoignent les cultures persane et occidentale


« Si l’Iran ne dispose (ou ne disposait) que « presque » de la bombe, elle possède, sans contestation possible, un des plus beaux et surtout un des plus riches musées d’art contemporain du monde. Tout comme le centre Pompidou, le Téhéran Museum of Contempory Art a été inauguré en 1977. Avec, pour le TMoCA, un look nettement  moins " avant-gardiste " que l’usine à gaz parisienne.  Karam Diba, architecte du projet et cousin de la reine Farah Pavlani  Chahbanou, s’est plutôt ingénié à contemporiser des éléments architecturaux traditionnels. Des espaces intérieurs d’exposition savamment pensés, un atrium spacieux avec un bassin rectangulaire inspiré des howz de l’architecture persane, des jardins organisés pour accueillir des sculptures contemporaines, le projet était sans conteste de faire jouer l’Iran dans la cour des grands. Avec un écrin à la hauteur de l’ambition.»

Le rêve de la Chahbanou est de courte durée. Deux ans après son ouverture, les islamistes prennent le pouvoir. Mais, "Téhéran n’est pas Bâmiyân, ayatollah n’est pas taliban", le musée et sa collection survivent. En 2022, le « TMoCa organise l'exposition " Minimalisme et art conceptuel " où sont présentés cent trente-deux œuvres (d’avant 1979 ) de trente-quatre artistes " contemporains " : Marcel Duchamp, Sol LeWitt, Donald Judd, Christo et Jeanne-Claude, Michelangelo Pistoletto, Robert Smithson, Dan Flavin.. »

Un texte de Yvonne Guégan à lire dans Causeur. On lira également cet article sur le TMoCa dans la revue d'architecture ArchEyes, ainsi que ce texte dans Dazed MENA (Middle-East and North Africa) sur la génèse de la collection.

 

États-Unis : 250 millions d'acres de forêts, de montagnes et sites autochtones en liquidation


Pendant que toute l'attention est tournée vers la situation au Moyen-Orient, le comité américain sur l'énergie et les ressources naturelles vient discrètement de rendre public un « projet de loi qui prévoit que le ministère de l'intérieur et le ministère de l'agriculture pourront vendre au moins deux millions d'acres de terres des service forestier et de gestion du territoire dans les 30 jours suivant son adoption. Par la suite, tous les 60 jours, de nouvelles terres doivent être identifiées et vendues jusqu'à ce que des objectifs arbitraires soient atteints. Cela se fera sans appel d'offres, sans transparence et sans consultation du public. Il ne s'agit pas de législation. Il s'agit d'une liquidation. 

Les partisans du projet de loi colportent déjà le mythe selon lequel il s'agit de rendre plus de terres disponibles pour le développement résidentiel et résoudre la crise de l'habitation. « Mais le texte de la loi ne contient aucune garantie significative que les terrains seront utilisés pour la construction de logements. Des études confirment que la plupart de ces terrains ne sont même pas adaptés au développement résidentiel. De quoi s'agit-il en réalité ? Il s'agit simplement une question d'argent. »

Un texte de Janessa Goldbeck, directrice de Vet Voice Foundation. On peut voir une carte des terres mises en vente sur le site de la Wilderness Society.

Les idiots de SAAQClic


Dans un hommage à Victor-Lévy Beaulieu, récemment disparu, le journaliste Jean-François Nadeau reprenait ce jugement incisif de l’écrivain de Trois-Pistoles : « Le problème au Québec, c’est qu’on a confondu instruction et culture. On a créé en série des gens instruits mais incultes. »

Pour Mathieu Bélisle, essayiste et membre de la rédaction de la revue L’Inconvénient, ce diagnostic demeure tristement pertinent, notamment à la lumière du scandale SAAQclic. Un scandale dont l’ampleur a dépassé nos frontières, comme en témoigne cet article de Bloomberg. « Tous ces gens instruits se sont comportés en idiots. L’idiot, au sens étymologique (du grec ancien « idiốtês », un peu de culture…), est ainsi désigné parce qu’on le juge incapable de participer à la vie de la cité : il ne parvient pas à sortir de lui-même, n’entre en relation avec personne, vit seul sur son île. 

Or, c’est exactement ce que le scandale SAAQclic a révélé : tous ces gens n’ont pas eu le moindre égard pour l’argent des contribuables ni pour le mandat confié par le gouvernement, comme si rien de tout cela ne les engageait, qu’ils avaient oublié qu’ils étaient eux-mêmes des citoyens... »

Un texte de Mathieu Bélisle à lire dans La Presse. À lire également, ce commentaire de Marc Chevrier sur la perte du sens civique.

L'art de greffer 40 variétés de fruits sur un même arbre


Dans sa section Encyclo destinée aux jeunes, Québec Science rapporte qu’un artiste américain a réussi l’exploit de greffer 40 variétés de fruits sur un seul et même arbre. « Une greffe ne peut pas se faire entre n’importe quelles espèces d’arbres : elles doivent être compatibles, c’est-à-dire appartenir à la même famille. L’arbre aux 40 fruits produit ainsi des pêches, des abricots, des amandes, plusieurs variétés de prunes et des cerises — tous issus du genre Prunus. »

Sam Van Aken, artiste contemporain, combine des techniques artistiques traditionnelles et innovantes pour explorer des thèmes comme l’agriculture, la botanique, la climatologie et la communication. Ses interventions dans les milieux naturels et publics ont même donné lieu à des recherches scientifiques. L’un de ses objectifs est de réintroduire des variétés anciennes de fruits, aujourd’hui absentes des circuits commerciaux, et de les rendre accessibles dans des espaces publics, comme c’est le cas avec le projet Open Orchard près de New York.

Dans une vidéo de cinq minutes disponible sur la chaîne YouTube de TEDx, Van Aken explique comment il a conçu et développé cet arbre aux 40 fruits.

Enfin, dans L’art de la greffe sur un milieu vivant, Jacques Dufresne souligne que les principes de la greffe s’appliquent aussi à l’humain : ils nous éclairent sur la manière de nous réenraciner dans un nouvel environnement.

Ayn Rand : aux sources du libertarianisme américain


Les entrepreneurs Marc Andreeseen, Peter Thiels, Elon Musk, Jimmy Wales, fondateur de Wikipédia, ont tous reconnu avoir été marqués par la figure et la vision du monde de John Galt, le héros d'Atlas Shrugged. Dans ce roman-fleuve d'Ayn Rand, une auteure russe émigrée aux États-Unis, John Galt convainc ses pairs de faire la grève [d'où le titre de la version française] et de se retirer du monde pour fonder une société autonome, à l'abri des regards du monde. Galt estime que la population en général est incapable de reconnaître la contribution essentielle et la supériorité des génies industriels comme lui et ses amis. « Rejetant toute forme de redistribution sociale ou de collectivisme qui évoque à ses yeux le destin funeste de sa patrie d’origine rongée par le cancer bolchévique », Rand oppose « les entrepreneurs et créateurs individuels représentent le Bien, à l’étatisme prédateur, spoliateur et redistributeur, qui constitue à l’inverse l’archétype du Mal, sous les figures du bureaucrate, du politicien ou de l’intellectuel organique stipendié par l’État. » Les magnats de Silicon Valley ont rapidement été séduits par ce « roman qui peut être vu comme une sorte d’Évangile libertarien où l’exaltation du moi créateur et de la volonté individuelle de puissance dessine un monde héroïque où les entrepreneurs ont remplacé les saints et les héros de jadis comme modèles du génie humain. »

« Si cette vision de la société ne peut que paraître caricaturale à un esprit hexagonal, l’extraordinaire succès du livre aux États-Unis [Atlas Shrugged a été tiré à plus de onze millions d’exemplaires], bien au-delà des cercles libertariens, est la démonstration imparable que la romancière a su faire écho à une conception de l’individu, de la société et de l’État profondément ancrée dans la culture américaine.»

Lire l'excellent exposé de Jérôme Perrier sur Les racines intellectuelles lointaines de l’anarcho-capitalisme et du populisme libertarien (Fondation pour l'innovation politique).

Marc Chevrier : le sens du service public est perdu


Notre collaborateur, Marc Chevrier, professeur de science politique à l'UQÀM, a donné une entrevue au Journal de Montréal sur la question de la rémunération de nos dirigeants dans le secteur public.

«Les salaires toujours plus énormes des hauts dirigeants des sociétés d’État sont un signe que nous avons perdu le sens du service public, déplore un politologue. "Au Québec, on aime se péter les bretelles en disant qu’on est une petite Suède d’Amérique du Nord, une social-démocratie. Bien je m’excuse, mais une social-démocratie ne fabrique pas des millionnaires avec de l’argent public", tonne Marc Chevrier»

Le Journal a rajouté une enquête sur les millionnaires de la Caisse de dépôt, qui ne connaît pas la « finitude » pour ses dirigeants.