L'Encyclopédie sur la mort


Bouddhisme

nichiren-etudes.netDans les années 480 avant Jésus-Christ, Siddharta Gautama naît dans un bois sacré, à Lumbini, région actuellement située entre l’Inde et le Népal. A l’âge de 29 ans, découvrant la souffrance du peuple et la misère de la mort, le jeune aristocrate décide de quitter ses biens pour mener une vie d'ascèse et d'errance. Il est le fondateur de la philosophie religieuse du bouddhisme. Le bouddhisme est-il une philosophie ou une religion? Ou est-il d'avantage une thérapeutique? Y a-t-il des rapprochements à faire entre la pensée grecque de Socrate* et de Platon* d'une part, et les sûtras bouddhiques? Françoise Bonardel répond à ces interrogations dans Bouddhisme et philosophie. En quête d'une sagesse commune, Paris,L'Harmattan, «Théôria», 2008.



Lié à la souffrance et à la mort, le suicide demeure dans le bouddhisme, ou pour les auteurs étudiant le bouddhisme une question controversée. La morale bouddhique (1927) de L. Lavallée-Poussin considère la mort volontaire comme interdite. Son interprétation a depuis guidé la plupart des auteurs dans leur présentation de la morale bouddhique au sujet du suicide. Le renoncement au désir suppose nécessairement le renoncement au suicide qui trouve sa source d’inspiration dans la souffrance de désirs insatisfaits. C’est, au fond, une reprise de la thèse du «vouloir vivre» de Schopenhauer*. Étienne Lamotte, par contre, distingue nettement entre le suicide raisonné, voire héroïque, et le suicide dépressif ou passionnel. Ce dernier, ayant de fortes ressemblances avec le suicide «égoïste» selon Durkheim*, «est fermement condamné, car il est un acte d’égarement (moha) résultant d’un mélange d’amour (râga) et de haine (dsesa) de soi» (G. Bugault et L. Kapani, «Bouddha», dans M. Canto-Sperber (dir.), Dictionnaire d’éthique et de philosophie morale, p. 184). En revanche, en faveur du suicide raisonné, on invoque «les derniers jours de Bouddha et le choix qu’il fait de la date de sa mort (par maladie) comme un suicide réussi en dépit des instances de Mâra qui voulait le persuader de mettre fin à sa vie plus tôt» (L. Kapani, «Mourir à l’heure de sa mort», Nirvâna, Paris, L’Herne, 1993, p. 248). La mort de Bouddha devient ainsi une mort volontaire au sens de mort opportune telle que la conçoivent, par exemple, Nietzsche* et, de nos jours, Jacques Pohier (La mort opportune). Le suicide est un geste individuel non naturel (akalamarana), qui se produit alors que l’influence des actions passées (karma) n’est pas encore arrivée à son terme et que les ressources vitales ne sont pas encore épuisées. Ce geste est tout à fait acceptable, mais n’élimine pas les souffrances futures, puisque la mort par suicide est suivie d’une renaissance et la nouvelle existence risque d’être pis que la précédente. (B. Minh et D. Bertrand, «Les suicides au Vietnam» dans A. Kiss (dir.), Suicide et culture, p. 26-27) Le suicide répondrait à la soif d’extinction (T. Tien Chau, La mort dans le bouddhisme. Les Cahiers du bouddhisme, décembre 1979 no 3, p. 7) Aux yeux de Lacan, la douleur d’exister est «l’évidence originelle pour les pratiques du salut selon l’esprit du Bouddha». La mélancolie* est la douleur d’exister «à l’état pur». Rien de plus pur pour un être souffrant que de «rentrer dans le néant d’où il est sorti». L’homme aspire à s’anéantir dans la mort «pour s’y inscrire dans les termes de l’être» (Écrits, Paris, Seuil, 1966, p. 777; « L’éthique de la psychanalyse », Le séminaire VII, 1959-60, Paris, Seuil, 1986; «Le transfert», Le séminaire VIII, 1960-1961, Paris, Seuil, 1991)

La tradition bouddhique transmet comme modèle du suicide héroïque le récit du fils d’un boucher qui, arrivé à l’âge adulte, doit exercer le métier familial et refuse de tuer des êtres vivants. «Ses parents lui donnèrent un couteau et l’enfermèrent dans une chambre avec un mouton, en lui disant: “Si tu ne tues pas ce mouton, il ne te sera pas permis de sortir pour voir la lumière du jour et recevoir ta nourriture.” Le fils réfléchit et se dit: “Si je tuais ce mouton, je finirais par exercer leur métier. Comment, fût-ce pour ma vie, commettre de si grands crimes?” Alors il se tua avec le couteau. Lorsque ses parents ouvrirent la porte et regardèrent, le mouton était debout de côté et leur fils avait cessé de vivre. Au moment où il s’était tué, il avait pris naissance parmi les dieux» (Traité de la grande vertu de sagesse, t. ii, traduction annotée par Étienne Lamotte, Louvain, Institut orientaliste, 1966-1980, p. 794). Face au dilemme de sauver ou la vie d’un animal ou la sienne propre, il choisit la première voie et, par la destruction de sa propre chair, il arrête la roue de la destruction de toute chair vivante. C’est sans doute cette même symbolique auto-sacrificielle qui a inspiré l’immolation par le feu de certains bonzes pendant la guerre du Viêt-Nam. Par le caractère spectaculaire de leur geste, ils espéraient «sauver d’autres vies humaines en plus grand nombre» (G. Bugault et L. Kapani, art. cité, p. 184).

Bibliographie

Raimon Panikkar, L'inévitable dialogue , Dieu, Yahweh, Allah, Bouddha..., Du Relie Eds, Essai ,2008.
Raimon Panikkar, Le silence du Bouddha , Une introduction à l'athéisme religieux, Actes Sud, 2006.
Françoise Bonardel, Bouddhisme et philosophie. En quête d'une sagesse commune, L'harmattan,«Theôria», 2008.
Roger-Pol Droit, Le silence du Bouddha, Et autres questions indiennes, Hermann, «Philosophie», 2010.
MathieuBoisvert, «Le Bouddhisme» dans L'étude de la relgion au Québec. Bilan et prospective, sous la direction de Jean-Marc Larouche, Québec, Les Presses de l'Université Laval, 2001, p. 115-124.
http://www.erudit.org/livre/larouchej/2001/livrel4_div13.htm

«Aborder le bouddhisme avec un oeil de philosophe, telle est l'expérience que tente l'essai De R-P. Droit. Pour y parvenir, il faut savoir que le Bouddha parle en thérapeute et non en théoricien, mais ne pas se contenter d'une telle réponse. Il devient alors nécessaire de chercher comment tient un discours qui écarte " sujet " et " substance " et chemine vers le silence. Il faut aussi mettre en lumière l'organisation d'une approche de la réalité qui est étrangère à la conception métaphysique de la causalité. D'autre part, en replaçant le bouddhisme dans une perspective indienne globale, il est nécessaire de souligner que le monde est continûment défait et reconstitué. Enfin, il est indispensable de revenir sur le contresens conduisant à confondre bouddhisme et nihilisme, afin de défaire la trompeuse " concordance " proclamée par Schopenhauer* avec sa propre doctrine. Ces tentatives, limitées mais convergentes, devraient faciliter l'accès un univers de pensée déconcertant.»

Spiritualité: au sujet de l'attitude face à la mort selon la tradition bouddhique, on lira avec profit «Les sept attitudes face à la mort» par Matthieu Riicard.

http://www.matthieuricard.org/index.php/blog/72_attitude_face_a_la_mort_1_a_suivre/

CUEVAS, B.J, and Stone, J. (eds), The Buddhist Dead: Practices, Discourses, Representations. Honolulu: University of Hawai‘i Press, 2007.

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Date de création:-1-11-30 | Date de modification:2012-04-10

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