«Hypatie*, mathématicienne grecque martyr, est la première d’une lignée de héros qui paient de leur vie leur fidélité à une religion moribonde, dans les grands poèmes de Leconte de Lisle*.»
«L'admiration de Leconte de Lisle pour l'excellence des Grecs et les conceptions helléniques du monde surnaturel s'exprime également dans une courte oeuvre dramatique intitulée Hypatie et Cyrille (1857). Nous y retrouvons une nostalgie romantique de la Grèce antique, où les gens vivaient en harmonie avec la beauté de la nature divine et en conformité avec les enseignements de leurs philosophes [...]. Leconte de Lisle tente de réconcilier philosophie païenne et christianisme.» (M. Dzielska, Hypatie d'Alexandrie, 2010, p. 19).
«L'admiration de Leconte de Lisle pour l'excellence des Grecs et les conceptions helléniques du monde surnaturel s'exprime également dans une courte oeuvre dramatique intitulée Hypatie et Cyrille (1857). Nous y retrouvons une nostalgie romantique de la Grèce antique, où les gens vivaient en harmonie avec la beauté de la nature divine et en conformité avec les enseignements de leurs philosophes [...]. Leconte de Lisle tente de réconcilier philosophie païenne et christianisme.» (M. Dzielska, Hypatie d'Alexandrie, 2010, p. 19).
Hypatie - 1847 - poème de Leconte de Lisle
Au déclin des grandeurs qui dominent la terre,
quand les cultes divins, sous les siècles ployés,
reprenant de l'oubli le sentier solitaire,
regardent s'écrouler leurs autels foudroyés ;
quand du chêne d'Hellas la feuille vagabonde
des parvis désertés efface le chemin,
et qu'au delà des mers où l'ombre épaisse abonde,
vers un jeune soleil flotte l'esprit humain ;
toujours des dieux vaincus embrassant la fortune,
un grand coeur les défend du sort injurieux ;
l'aube des jours nouveaux le blesse et l'importune :
il suit à l'horizon l'astre de ses aïeux.
Pour un destin meilleur qu'un autre siècle naisse
et d'un monde épuisé s' éloigne sans remords ;
fidèle au songe heureux où fleurit sa jeunesse,
il entend tressaillir la poussière des morts.
Les sages, les héros se lèvent pleins de vie !
Les poètes en choeur murmurent leurs beaux noms;
et l'Olympe idéal qu'un chant sacré convie,
sur l'ivoire s' assied dans les blancs parthénons.
ô vierge, qui d'un pan de ta robe pieuse
couvris la tombe auguste où s'endormaient tes dieux :
de leur culte éclipsé prêtresse harmonieuse,
chaste et dernier rayon détaché de leurs cieux !
Je t'aime et te salue, ô vierge magnanime !
Quand l'orage ébranla le monde paternel.
Tu suivis dans l'exil cet Oedipe sublime,
et tu l'enveloppas d'un amour éternel.
Debout, dans ta pâleur, sous les sacrés portiques
que des peuples ingrats abandonnait l'essaim,
Pythonisse enchaînée aux trépieds prophétiques,
les immortels trahis palpitaient dans ton sein.
Tu les voyais passer dans la nue enflammée !
De science et d'amour ils t'abreuvaient encor ;
et la terre écoutait, de ton rêve charmée,
chanter l'abeille attique entre tes lèvres d' or.
Comme un jeune lotus croissant sous l'oeil des sages,
fleur de leur éloquence et de leur équité,
tu faisais, sur la nuit moins sombre des vieux âges,
resplendir ton génie à travers ta beauté !
Le grave enseignement des vertus éternelles
s'épanchait de ta lèvre au fond des cœurs charmés ;
et les galiléens qui te rêvaient des ailes,
oubliaient leur dieu mort pour tes dieux bien-aimés.
Mais le siècle emportait ces âmes insoumises
qu'un lien trop fragile enchaînait à tes pas;
et tu les voyais fuir vers les terres promises;
mais toi qui savais tout, tu ne les suivis pas !
Que t'importait, ô vierge, un semblable délire ?
Ne possédais-tu pas cet idéal cherché ?
Va ! Dans ces cœurs troublés tes regards savaient lire,
et les dieux bienveillants ne t'avaient rien caché.
ô sage enfant, si pure entre tes sœurs mortelles !
ô noble front, sans tache entre les fronts sacrés !
Quelle âme avait chanté sur des lèvres plus belles,
et brûlé plus limpide en des yeux inspirés ?
Sans effleurer jamais ta robe immaculée,
les souillures du siècle ont respecté tes mains :
tu marchais, l'oeil tourné vers la vie étoilée,
ignorante des maux et des crimes humains.
L'homme en son cours fougueux t'a frappée et maudite,
mais tu tombas plus grande ! Et maintenant, hélas !
Le souffle de Platon et le corps d' Aphrodite
sont partis à jamais pour les beaux cieux d' Hellas!
Dors, ô blanche victime, en notre âme profonde,
dans ton linceul de vierge et ceinte de lotus ;
dors ! L'impure laideur est la reine du monde,
et nous avons perdu le chemin de Paros.
Les dieux sont en poussière et la terre est muette;
rien ne parlera plus dans ton ciel déserté.
Dors ! Mais vivante en lui, chante au cœur du poète
l'hymne mélodieux de la sainte beauté.
Elle seule survit, immuable, éternelle.
La mort peut disperser les univers tremblants,
mais la beauté flamboie, et tout renaît en elle,
et les mondes encor roulent sous ses pieds blancs.
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http://www.inclassablesmathematiques.fr/archive/2007/07/01/
hypatie-1847-poeme-de-le-conte-de-lisle.html
Au déclin des grandeurs qui dominent la terre,
quand les cultes divins, sous les siècles ployés,
reprenant de l'oubli le sentier solitaire,
regardent s'écrouler leurs autels foudroyés ;
quand du chêne d'Hellas la feuille vagabonde
des parvis désertés efface le chemin,
et qu'au delà des mers où l'ombre épaisse abonde,
vers un jeune soleil flotte l'esprit humain ;
toujours des dieux vaincus embrassant la fortune,
un grand coeur les défend du sort injurieux ;
l'aube des jours nouveaux le blesse et l'importune :
il suit à l'horizon l'astre de ses aïeux.
Pour un destin meilleur qu'un autre siècle naisse
et d'un monde épuisé s' éloigne sans remords ;
fidèle au songe heureux où fleurit sa jeunesse,
il entend tressaillir la poussière des morts.
Les sages, les héros se lèvent pleins de vie !
Les poètes en choeur murmurent leurs beaux noms;
et l'Olympe idéal qu'un chant sacré convie,
sur l'ivoire s' assied dans les blancs parthénons.
ô vierge, qui d'un pan de ta robe pieuse
couvris la tombe auguste où s'endormaient tes dieux :
de leur culte éclipsé prêtresse harmonieuse,
chaste et dernier rayon détaché de leurs cieux !
Je t'aime et te salue, ô vierge magnanime !
Quand l'orage ébranla le monde paternel.
Tu suivis dans l'exil cet Oedipe sublime,
et tu l'enveloppas d'un amour éternel.
Debout, dans ta pâleur, sous les sacrés portiques
que des peuples ingrats abandonnait l'essaim,
Pythonisse enchaînée aux trépieds prophétiques,
les immortels trahis palpitaient dans ton sein.
Tu les voyais passer dans la nue enflammée !
De science et d'amour ils t'abreuvaient encor ;
et la terre écoutait, de ton rêve charmée,
chanter l'abeille attique entre tes lèvres d' or.
Comme un jeune lotus croissant sous l'oeil des sages,
fleur de leur éloquence et de leur équité,
tu faisais, sur la nuit moins sombre des vieux âges,
resplendir ton génie à travers ta beauté !
Le grave enseignement des vertus éternelles
s'épanchait de ta lèvre au fond des cœurs charmés ;
et les galiléens qui te rêvaient des ailes,
oubliaient leur dieu mort pour tes dieux bien-aimés.
Mais le siècle emportait ces âmes insoumises
qu'un lien trop fragile enchaînait à tes pas;
et tu les voyais fuir vers les terres promises;
mais toi qui savais tout, tu ne les suivis pas !
Que t'importait, ô vierge, un semblable délire ?
Ne possédais-tu pas cet idéal cherché ?
Va ! Dans ces cœurs troublés tes regards savaient lire,
et les dieux bienveillants ne t'avaient rien caché.
ô sage enfant, si pure entre tes sœurs mortelles !
ô noble front, sans tache entre les fronts sacrés !
Quelle âme avait chanté sur des lèvres plus belles,
et brûlé plus limpide en des yeux inspirés ?
Sans effleurer jamais ta robe immaculée,
les souillures du siècle ont respecté tes mains :
tu marchais, l'oeil tourné vers la vie étoilée,
ignorante des maux et des crimes humains.
L'homme en son cours fougueux t'a frappée et maudite,
mais tu tombas plus grande ! Et maintenant, hélas !
Le souffle de Platon et le corps d' Aphrodite
sont partis à jamais pour les beaux cieux d' Hellas!
Dors, ô blanche victime, en notre âme profonde,
dans ton linceul de vierge et ceinte de lotus ;
dors ! L'impure laideur est la reine du monde,
et nous avons perdu le chemin de Paros.
Les dieux sont en poussière et la terre est muette;
rien ne parlera plus dans ton ciel déserté.
Dors ! Mais vivante en lui, chante au cœur du poète
l'hymne mélodieux de la sainte beauté.
Elle seule survit, immuable, éternelle.
La mort peut disperser les univers tremblants,
mais la beauté flamboie, et tout renaît en elle,
et les mondes encor roulent sous ses pieds blancs.
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