Eau
L'eau est à l'origine de la vie sur terre. Pendant longtemps, elle fut considérée comme un élément. Ce n'est qu'au XVIIIe siècle que le physicien Henry Cavendish en fit l'analyse, découvrant ainsi sa structure double, celle d'un corps composé, formé d'oxygène et d'hydrogène. Mais l'eau ne se réduit pas à ce que physiciens et chimistes peuvent en dire. Le point de vue du biologiste est tout aussi intéressant.
«Aucun organisme vivant ne peut se passer d'eau sous l'une ou l'autre de ses formes. La raison est simple: nos cellules, tout animaux terrestres que nous soyons, vivent dans un milieu aqueux. Elles font donc constamment des échanges chimiques à travers leurs membranes entre le milieu externe, composé du sang et des liquides interstitiels, et le milieu interne des cellules, composé de diverses substances dissoutes dans l'eau. Les organismes vivants sont d'abord composés d'eau, puisqu'il y a de l'eau à l'intérieur et à l'extérieur des cellules.»
Claude Villeneuve, Eau secours!
Quant au poète, voici comment il unit le point de vue du physicien et celui du biologiste dans une synthèse ailée. «Considérez une plante, admirez un grand arbre, et voyez en esprit que ce n'est qu'un fleuve dressé qui s'épanche dans l'air du ciel. L'eau s'avance par l'arbre à la rencontre de la lumière. L'eau se construit de quelques sels de la terre une forme amoureuse du jour. Elle tend et étend vers l'univers des bras fluides et puissants aux mains légères.»
PAUL VALÉRY, Louanges de l'eau
Le point de vue du prince des gastronomes: «L’eau paraît être la boisson la plus naturelle. Elle se trouve partout où il y a des animaux, remplace le lait pour les adultes, et nous est aussi nécessaire que l’air. L’eau est la seule boisson qui apaise véritablement la soif; et c’est par cette raison qu’on n’en peut boire qu’une assez petite quantité. La plupart des autres liqueurs dont l’homme s’abreuve ne sont que des palliatifs; et s’il s’en était tenu à l’eau, on n’aurait jamais dit de lui qu’un de ses privilèges était de boire sans avoir soif.»
BRILLAT-SAVARIN, «Méditation IX – Des boissons», dans Physiologie du goût, ou Méditations de gastronomie transcendante.Paris, Charpentier, 1839, p. 154.
«Nous ignorons la valeur de l'eau tant que le puits n'est pas sec.»
THOMAS FULLER, Gnomologia, 1732
Situation en 2000
«Toutes les huit secondes, dans le monde, un enfant meurt d'une maladie liée à la pénurie d'eau potable et de services sanitaires (OMS, 2000). Plus de 1,1 milliard d'humains sont en effet privés d'eau potable et 2,4 milliards, de services sanitaires. Déjà, plus de la moitié des gens des pays en développement souffrent d'au moins une des six principales maladies associées à l'eau, qui tuent, chaque année, plus de cinq millions de personnes, dont près de onze mille enfants tous les jours, soit trois à quatre fois le nombre de victimes des attentats du World Trade Center! Comment alors comprendre le silence assourdissant des médias et le nôtre? Surtout quand ce "supplice de l'eau" est infligé à des millions d'entre nous par bêtise, insouciance et cupidité, comme le montre éloquemment cet ouvrage de Maude Barlow et Tony Clarke: Certes, les États ont convenu, au sommet de Johannesburg, de donner à la moitié des populations qui en sont privées un accès à l'eau potable et aux services sanitaires de base d'ici 2015, mais cela s'est fait au prix de la non-reconnaissance du droit humain fondamental qu'est un accès à l'eau, contribuant ainsi à transformer ce bien commun en marchandise au profit du cartel de l'eau. En outre, viser seulement la moitié des populations affligées, à supposer qu'on atteigne cet objectif, signifie en clair abandonner l'autre moitié à la pénurie et aux maladies qui tueront, au cours de ces treize années, 50 millions de personnes.
MAUDE BARLOW et TONY CLARKE, L'Or bleu, préface de Louise Vandelac (voir documentation)
Dans de nombreux pays, l'eau est encore un bien gratuit. À l'échelle des nations, comme à celle de la planète, le remède consiste-t-il à considérer l'eau comme un bien commercial, à établir un coût pour chaque litre consommé, avec l'espoir que chacun prenne ainsi conscience du caractère limité de cette ressource? Faudrait-il plutôt suivre la voie indiquée par la coalition Eau Secours ou par Ricardo Petrella et Mario Soarès dans leur Manifeste de l'eau? À quelles conditions, leur contrat mondial de l'eau pourrait-il être voulu et respecté?
Le mot rival vient du mot rive. Le rival c'est l’habitant de l’autre rive, celui qui pourrait être tenté de prendre plus que sa juste part de ce bien commun essentiel: l’eau. Comment éviter que les habitants des pays lointains ne deviennent rivaux à cause de l’eau, alors même que la rivalité immémoriale entre riverains voisins subsiste et risque même de s’exacerber. L'exemple du sens du partage, qui sera nécessaire quelle que soit la solution administrative retenue, ne devrait-il pas être donné d'abord par les collectivités riches en eau, tel le Québec?
Voir notre Glossaire de l'eau