Hitchcock Alfred
«En allant au cinéma, les spectateurs veulent quitter la vie normale de tous les jours pour vivre quelque chose d’extraordinaire. Une tranche de gâteau, pas une tranche de vie.»
Alfred Hitchcock
Né à Londres, le 13 août 1899, quelques années seulement après le cinéma, il connaît une enfance sans histoire au sein d'une famille catholique. À l’âge de quatre ou cinq ans, bien qu’il soit un enfant sage et réservé, son père l’envoie au poste de police, chargé d’une lettre. Après avoir lu la missive que lui tendait le jeune garçon, il l'enferme dans une cellule pour quelques minutes en l’admonestant: «Voilà ce qui arrive aux vilains garnements!» Cet épisode et une éducation stricte chez les Jésuites marqueront Hitchcock et nourriront peurs et angoisses tout au long de sa vie.
Élève moyen, il complète des études en ingénierie et travaille comme technicien dans une compagnie de cablâge électrique. Il poursuit en même temps des études en art à l’université tout en se passionnant pour le théâtre et le cinéma. En 1920, il fait ses débuts à la Famous Players Lasky de Londres comme dessinateur de sous-titres pour les films muets. Il travaillera également comme assistant-réalisateur et scénariste avant de faire ses débuts comme réalisateur.
Son premier film, The Pleasure Garden (1925), fut bien reçu par la presse londonienne qui salua l’arrivée de ce jeune réalisateur au talent prometteur. Durant la période anglaise de sa carrière, de 1925 à 1940, il réalisera 25 films, dont les plus marquants furent The Lodger (1926) dans lequel il fit sa première apparition caméo, Blackmail (1929) son premier film parlant, The Man Who Knew Too Much (1934), The Thirty-nine Steps (1935), Sabotage (1936), et The Lady Vanishes (1938).
Au début de la deuxième guerre, à l’invitation du producteur David O. Selznick, il s’installe aux États-Unis. À Hollywood, il trouvera des moyens à la hauteur de ses aspirations et, pour s’affranchir de toute contrainte, deviendra son propre producteur en 1948 avec le film The Rope. Dans ses films, il explore les thèmes de la suspicion, de la jalousie, du désir, de l’envie, à travers des personnages ordinaires qui se retrouve face à des situations extraordinaires. Avec des films tels Rear Window (1954), Vertigo (1958), North by Northwest (1959), Psycho (1960) et The Birds (1963) il atteint le sommet de la gloire et du succès populaire.
À partir du milieu des années cinquante, le maître du suspense présente lui-même à la télévision l’émission Alfred Hitchcock Presents qui confirmera sa grande popularité, mais la critique (peut-être en partie à cause de ce même succès populaire) se refuse à le considérer comme un artiste et un maître du cinéma. Ce sont les jeunes cinéastes et critiques de la «Nouvelle Vague» française qui les premiers reconnurent son génie: Jean-Luc Godard, Eric Rohmer, Claude Chabrol et surtout, François Truffaut qui publiera un livre d'entretiens remarquables avec Hitchcock. Pour Truffaut, Hitchcock est le seul cinéaste de l’époque à s’exprimer de façon purement visuelle. Le travail formel n’embellit pas le film, mais lui confère un sens. En 1962, dans une lettre où il demande à Hitchcock de collaborer à son «hitchbook», Truffaut affirme que «[…] si, du jour au lendemain, le cinéma devait à nouveau se priver de toute bande sonore et redevenir un art muet, bien des metteurs en scène seraient condamnés au chômage, mais, parmi les rescapés, il y aurait Alfred Hitchcock dont tout le monde comprendrait enfin qu’il est le meilleur metteur en scène au monde.» (François Truffaut, Correspondance, Lettres recueillies par Gilles Jacob et Claude de Givray, 1988)
Hitchcock a, en effet, développé une grande maîtrise de tous les aspects de la création cinématographique. C’est un moyen de maintenir son indépendance de créateur et de préserver un contrôle total sur son art. Il n’est expert en rien, mais spécialiste en tout, dira Truffaut.
Ce contrôle qu’Hitchcock veut total s’étend même au spectateur. «Je veux jouer avec lui comme le chat avec la souris» affirme celui qui s’était donné comme but de «faire souffrir» son public. C’est ce qui fait affirmer à Jean-Luc Godard qu’Hitchcock a réussi où Hitler et Napoléon ont échoué. Comme personne auparavant Hitchcock a contrôlé les masses, contrôlé les désirs, les peurs, les angoisses du public.
Hitchcock porte une attention particulière aux aspects stylistiques de ses œuvres et innove sans cesse: The Rope tourné en un seul plan, l’effet visuel de vertige dans Vertigo, la création électronique des cris d’oiseaux dans The Birds... Des collaborations célèbres marqueront également son oeuvre. On pense bien sûr au compositeur Bernard Herrmann, mais aussi aux acteurs Cary Grant, James Stewart et à l’actrice Grace Kelly, l’incarnation parfaite de la «hitchgirl».
Il devra attendre la fin de sa carrière pour être reconnu officiellement par ses pairs: un Oscar spécial (il ne remportera jamais l’Oscar du meilleur metteur en scène) lui est remis en 1967, et en 1979, quelques mois avant sa mort, il est fait chevalier par la reine d’Angleterre et l’American Film Institute lui remet son «Lifetime Achievement Award».
Malgré la maladie et un moral déclinant, Hitchcock s’accroche et refuse d’abandonner ce pourquoi il a toujours vécu: le cinéma. Il laisse inachevé son cinquante-quatrième film, The Short Night. Il meurt à Los Angeles le 29 avril 1980.