Billets - I
J'ai peur
Depuis mon insomnie de la nuit dernière, j’ai peur... peur de Donald Trump... et de tous ceux qui exécutent
ses volontés parce que ce sont des ordres, ses ordres auxquels ils ont l’obligation d’obéir ; j’ai peur de
ce que Hannah Arendt appelait la banalité du mal : le chef l’a dit, il faut le faire. Le premier Trump me
faisait rire, le second me terrifie. Les États-Unis s’ajoutent à ma liste des régimes terroristes. C’est ce
que signifie à mes yeux le mot arbitraire appliqué à tant de ses décrets. On sous-estime déjà l'effet de
cette terreur. Ce qui me rappelle une manifestation devant le consulat de l’URSS à Montréal vers 1985, à la
défense de Sakharov et de sa femme. Plusieurs de ceux que j'ai sollicités en vain ont eu la franchise de
m’avouer qu’ils craignaient d’être fichés par le KGB. Or l'URSS donnait déjà des signes de son effondrement
et Montréal n’était que l’une des dizaines de villes dans le monde où une manifestation semblable avait
lieu.
Petites causes, grands effets : la terreur se répand comme l’effet papillon. Meilleure façon d’en réduire
l’effet : la qualité, le nombre, la variété des protestations de même que la notoriété des partipants.J’ai
repris espoir quand l’Université Harvard a fait preuve de résistance.
Jour de la Terre, le pape François, Pâques, les abeilles

Je ne connais rien d’aussi joyeux, texte et musique confondus, que l’hymne marquant la cérémonie du cierge éternel pendant la Veillée pascale. Ce qui a retenu mon attention cette année, c’est le rôle des abeilles dans cette symbolique si inspirante. On les évoque dans le texte. C’est le fruit de leur travail qui nourrit la lumière. Donnant déjà le sucre et la lumière naturelle aux autres vivants, elles leur donnent désormais aussi la lumière surnaturelle. Leur cire est le bûcher de l’Agneau Mystique.
Difficile de mieux célébrer les liens unissant dans la nature les éléments (carbone, oxygène…) puis la vie végétale, animale et humaine. L’homme ici, comme l’ours, court le risque d’une piqûre pour mériter le fruit des abeilles. Il n’est pas le prédateur protégé. L’univers lui fait une juste place sans faire graviter tout autour de lui. L’univers n’est pas anthropocentrique,
Cette interdépendance des composantes de l’univers, du naturel au surnaturel, est la grande caractéristique de ce que, dans son encyclique Laudato si, publiée il y a dix ans déjà, le pape François appelle la Maison commune.
À l’Agora, nous avons attaché la plus grande importance à cette encyclique. Nous avons tenu un colloque sur le sujet, animé principalement par notre amie la regrettée Andrée Mathieu, laquelle avait obtenu du physicien Fritjof Capra l’autorisation de traduire en français son article sur l’approche systémique dans Laudato si.
Exsultet
Exultez dans le ciel, multitude des anges !
Exultez, célébrez les mystères divins !
Résonne, trompette du salut,
pour la victoire d’un si grand Roi !
Que la terre, elle aussi, soit heureuse,
irradiée de tant de feux :
illuminée de la splendeur du Roi éternel,
qu’elle voie s’en aller l’obscurité Exsultet
qui recouvrait le monde entier !
***
Dans la grâce de cette nuit,
accueille, Père saint, en sacrifice du soir
(la flamme montant de) cette colonne de cire (œuvre des abeilles)
que la sainte Église t’offre par nos mains.
«This is ours» : un Texan à propos de l’eau du Canada
C’était il y a 30 ans, 40 peut-être. Dans un vol Montréal-Vancouver, j’étais assis à côté d’un Texan.
Voyant les lacs et les rivières défiler sous nos yeux, il décréta le plus spontanément du monde : «this
is ours.» Il était question à ce moment d’un grand canal qui transporterait l’eau du Canada dans le sud
des États-Unis.
C’est aujourd’hui seulement que, grâce aux projets annexionnistes de Trump, je mesure la portée de cette
confidence impérialiste. Non seulement Trump me paraît-il sérieux dans ses projets, mais encore je me
demande pourquoi les Américains ne les ont pas réalisés plus tôt. Jamais peut-être un pays prédateur
n’aura eu à sa merci une proie si proche, si vulnérable et si riche.
Je me pose cette question au moment où j’apprends que Trump vient d’accrocher dans le Bureau ovale de la
Maison Rouge le portrait du onzième président(1846-1849), James K. Polk, celui qui, grâce à une guerre
victorieuse contre le Mexique, a agrandi son pays du Texas, de la Californie et de l’Orégon.
Journée des femmes : Hypatie
Hypatie d'Alexandrie (vers 360-415) est la seule femme philosophe, mathématicienne et astronome de
l'Antiquité. Le roman historique de Jean Marcel Hypatie
ou la fin des dieux est, à mon avis, le meilleur livre québécois, mais si je le tire des
oubliettes en cette Journée de la femme, 8 mars 2025, c'est d'abord parce qu'il nous plonge dans une
époque charnière, fin de la Grèce, triomphe du christianisme, qui rappelle celle que nous traversons
aujourd'hui, marquée par ce qui semble être la fin du christianisme et l'entrée dans je ne sais quelle
civilisation dominée par les technologies numériques. (Voir ci-après l'entretien de Michel Onfray et du
père Michel.)
«Comment te convaincre que ce qui meurt autour de moi m'afflige plus encore que ma propre perte ? Nos
dieux sont en péril de mort, Synésios, mais à qui en appeler quand il n'y a plus personne ? Nos dieux
sont en détresse, et je suis seule avec eux?»
Tarifs etc : économistes, éclairez-moi !
Chaque fois que je clique sur Google ou Facebook, je donne à ces géants des parts de mon attention qu'ils vendront à des agences de publicité souvent de ma région. J'enrichis ainsi des Américains déjà démesurément riches. Dans le calcul de la balance commerciale entre le Canada et les États-Unis, est-ce qu'on tient compte de ces dépenses invisibles mais bien réelles?
Musk : danger d'être plus riche que le roi
Bien des précédents rendent ce danger manifeste, mais quand j'ai vu l'ascension d'Elon Musk dans l'espace américain, c'est d'abord à Nicolas Fouquet que j'ai pensé. Ce richissime français avait fait construire le Château de Vaux-le-Vicomte, le plus somptueux de France. Il avait invité le jeune Louis XIV à l'inauguration. Commentaire de Voltaire : « Le 17 août 1661, à 6 heures du soir, Fouquet était le roi de France ; à 2 heures du matin, il n'était plus rien. »
Zelensky ou l'humiliation-spectacle
Quel est le contraire de la noblesse ? La vulgarité. On l'a vue dans sa plus sombre splendeur le 28 février 2025 quand le président et le vice-président américains se sont acharnés, telle une meute sur son propre terrain et devant les télévisions du monde entier, contre Volodimir Zelensky, le président d'une petite nation, l'Ukraine, en position de faiblesse. «De la bonne télévision», a déclaré Donald Trump.
Voyons par comparaison comment Velasquez a évoqué la mansuétude avec laquelle le général espagnol a reçu les clefs de la ville de Breda après la reddition des Hollandais