Whitman Walt
Cette œuvre visionnaire, qui célèbre toute la création, a été largement inspirée par les écrits d’Emerson, en particulier son essai « The Poet » qui annonçait une sorte de barde, robuste, sincère, universel, étrangement proche de Whitman lui-même. La forme novatrice du poème – vers libres et absence de rimes – sa libre célébration de la sexualité, sa vibrante sensibilité démocratique et son affirmation parfaitement romantique de l’identité du poète avec ses vers, avec l’univers et avec son lecteur, changèrent définitivement le cours de la poésie américaine.
Feuilles d’herbe est aussi immense, énergique et naturel que le continent américain; c’était l’épopée que des générations de critiques américains appelaient de leurs vœux, même s’ils ne le comprirent pas. La pulsation du mouvement que l’on perçoit dans le « Chant de moi-même » est comme une incessante musique :
- Mes attaches et mon lest m’abandonnent […]
Je borde des sierras, mes paumes couvrent des continents
Je chemine avec ma vision.
Plus que tout autre écrivain, Whitman inventa le mythe de l’Amérique démocratique. « De toutes les nations […], les Américains possèdent probablement la nature poétique la plus complète. Les Etats-Unis sont essentiellement le plus grand des poèmes. » En écrivant ces mots, il avait la hardiesse de prendre le contre-pied de l’opinion généralement admise selon laquelle l’Amérique était trop brutale et trop neuve pour comprendre la poésie. Il inventa une Amérique intemporelle de la liberté de l’imagination, peuplée d’esprits pionniers venus de toutes les nations. Le romancier et poète britannique, D.H. Lawrence, le décrivit comme le poète de « la grand-route ».
On perçoit la grandeur de Whitman dans nombre de ses poèmes, dont « Sur le Bac de Brooklyn », « Exhalé du berceau sans fin balancé » et « Au temps dernier que les lilas fleurirent », élégie émouvante sur la mort d’Abraham Lincoln. Il a signé une autre œuvre importante : Perspectives démocratiques (1871). Il s’agit d’un essai rédigé au cours de l’âge d’or du matérialisme sans frein de l’ère industrielle, où il critique à juste titre son pays pour « la puissance de sa richesse multiforme et de son industrie » qui cachent « un Sahara sec et uniforme » de l’âme. Il préconise une nouvelle sorte de littérature qui insufflerait une vie nouvelle à la population. Pourtant, en fin de compte, le titre de Whitman à l’immortalité est son « Chant de moi-même ». Là, l’être romantique est au centre de la conscience du poème.
- Je me célèbre et me chante,
Et mes prétentions seront tes tentations,
Car chaque atome qui m’appartient t’appartient aussi.
Kathryn VanSpanckeren, Esquisse de la littérature américaine, p. 30-32. Publié par l’Agence d’information des Etats-Unis (document du domaine public).