Essentiel
L'égalité et le respect selon Simone Weil:
«L'égalité est un besoin vital de l'âme humaine. Elle consiste dans la reconnaissance publique, générale, effective, exprimée réellement par les institutions et les moeurs, que la même quantité de respect et d'efforts est due à tout être humain, parce que le respect est dû à l'être humain comme tel et n'a pas de degrés. Par suite, les différences inévitables parmi les hommes ne doivent jamais porter la signification d'une différence dans le degré de respect. Pour qu'elles ne soient pas ressenties comme ayant cette signification, il faut un certain équilibre entre l'égalité et l'inégalité.»
Simone Weil,
L'enracinement, éd. Gallimard, coll. idées (
extraits).
Écrit à Londres en 1943.
Le respect et l'honneur selon Simone Weil:
Le respect dû à chaque être humain comme tel (...) ne suffit pas à satisfaire ce besoin (d'honneur), car il est identique et immuable pour tous; au lieu que l'honneur a rapport à un être humain, considéré, non pas simplement comme tel, mais dans son entourage social.
Toute oppression crée une famine à l'égard du besoin d'honneur, car les traditions de grandeur possédées par les opprimés ne sont pas reconnues, faute de prestige social. Si les Anglais avaient conquis la France au XVe siècle, Jeanne d'Arc serait bien oubliée, même dans une large mesure par nous. Actuellement, nous parlons d'elle aux Annamites et aux Arabes ; mais ils savent que chez nous on n'entend pas parler de leurs héros et de leurs saints; ainsi l'état où nous les maintenons est une atteinte à l'honneur.
Simone Weil,
L'enracinement.
Enjeux
Le respect est le sens de l'humanité. Lorsque Kant, gravement malade, a rassemblé toutes ses forces pour se lever et saluer son médecin, il a répondu à cet homme qui le priait de demeurer assis: le sens de l'humanité ne m'a pas encore abandonné. Ce n'est pas au médecin dans l'homme que s'adressait le respect de Kant, c'est à l'homme dans le médecin.
La leçon venait d'Homère. Quand au livre xx de l'Odyssée, Ulysse se présente sous les apparences d'un mendiant au festin du roi des Phéaciens, Antinoos, il est d'abord l'objet des sarcasmes et des attaques d'un convive. C'est à ce rustre et non au mendiant que le roi adresse ses reproches:
«Tu as eu tort de frapper un malheureux mendiant, ô homme pernicieux; peut-être est-ce quelque dieu venu du ciel. Les Immortels parcourent les villes sous les traits des étrangers; ils prennent des formes nombreuses afin de connaître par eux-mêmes la violence ou la justice des hommes.»
Le respect est-il suffisant pour unir tous les hommes?