Perruque

Arrangement de cheveux, naturels ou artificiels, destiné à masquer la calvitie, à rehausser le style vestimentaire ou à servir de déguisement. «Vers les années 1620, on passe des cheveux courts aux cheveux longs; peu après le milieu du siècle, la perruque fait son apparition. Quiconque voulait passer pour un gentilhomme, qu’il fût aristocrate, magistrat, militaire, prêtre ou marchand, porta bientôt la perruque dans sa tenue de cérémonie; même les amiraux l’arborèrent par-dessus leur uniforme de parade.» Née en France, cette mode que Johan Huizinga rattache au jeu, gagna rapidement les autres pays d'Europe. Le siècle de Louis XIV, de Descartes, de la navigation rapide, de la colonisaton outre-mer, fut aussi celui des perruques. La révolution française devait mettre fin à cette bonne fortune du poil d'apparat.

Les Égyptiens et les Romains avaient aussi utilisé la perruque. À Rome les femmes galantes portaient une perruque blonde.

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Enjeux

D'abord destinée à imiter les cheveux naturels, souvent pour masquer la calvitie, comme dans le cas du roi Louis XIII, la perruque devint une mode et ensuite un élément du style. Telles sont les grandes lignes de l'explication de Huinzinga: «La perruque ne sert pas à imiter, mais à isoler, à ennoblir, à élever. Ainsi, la perruque est l'élément le plus baroque du Baroque. Les dimensions de la perruque allongée se font hyperboliques, mais l'ensemble garde une grâce aisée, voire même un soupçon de majesté parfaitement adéquate au style du jeune Louis XIV. Ici, à vrai dire - admettons-le au détriment de toute doctrine d’art - un effet de réelle beauté est obtenu: la perruque allongée est de l'art appliqué. (...) L'intérêt du port de la perruque ne réside pas seulement dans le fait que celle-ci, pour peu naturelle, encombrante et malsaine qu'elle fût, n'en ait pas moins subsisté pendant un siècle et demi, et ne puisse donc être envisagée comme un pur caprice de mode, mais dans sa stylisation progressive allant de pair avec sa dissemblance progressive d’avec une chevelure naturelle. Cette stylisation s'obtient par trois moyens: des boucles empesées, de la poudre et un noeud.»1

Faut-il croire Huizinga ou Louis-Sébastien Mercier, qui défend la thèse opposée?

«La perruque,d'un volume exagéré et bizarre dans son origine, a fini par imiter le naturel des cheveux. Ne pourroit-on pas apercevoir ici la marche et l' emblême de l'art dramatique, d'abord pompeusement et ridiculement factice, puis rentrant à force de réflexions dans les limites de la nature et de la vérité ? La grosse et énorme perruque représenteroit la tragédie bouffie et boursoufflée ; une perruque légère, qui rend parfaitement la couleur et jusqu' à la racine des cheveux, qui s' implante, pour ainsi dire, et ne semble point étrangère sur la tête qui la porte, représentera le drame vrai , contre lequel les antiques et grosses perruques font rage ; mais il faut enfin qu' elles cèdent à leur moderne rivale.»

Mercier se contredit quelque peu quand après avoir évoqué le naturel des perruques d'avant-garde, il vante les artifices du perruquier qu'il élève au rang de l'auteur dramatique. «Quoi qu' il en soit, grâces à son art, d' un petit monstre féminin l' on sait faire aujourd' hui une figure humaine ; on lui a créé un visage et un front par la magie des rapprochemens. Et les actrices ne devroient envisager les coëffeurs qu' avec une vénération profonde;car après les auteurs qui les font parler, ce sont les perruquiers qui leur donnent l' existence.Mais les ingrates ne se doutent pas qu' elles doivent tout à ces heureux créateurs. Le coëffeur trouve sa récompense dans l' exercice même de sa profession. Son oeil domine incessamment les plus rares trésors de la beauté, voilés pour tout autre regard .Il est témoin de tous les mouvemens, de toutes les grâces, de toutes les minauderies de l' amour et de la coquetterie. Il voit les premiers ressorts de ce jeu que possèdent si bien les femmes, et qui fait mouvoir, par un filim perceptible, les grands pantins du siècle. Il doit être discret, tout voir, et ne rien dire ; autrement ce seroit un vil profanateur des mystères auxquels il est admis, et l' on ne choisiroit plus que des femmes qui gardent ordinairement le secret de leur sexe. Les coëffeurs avoient mis à leur porte,en gros caractères, académie de coëffure. M D' Angiviller a trouvé que c'étoit profaner le mot académie , et l' on a défendu à tous les coëffeurs de se servir de ce mot respectable et sacré ; car il faut dire qu' à Paris les prohibitions bizarres sont éternelles. Il s' agit toujours d' une défense, et jamais d' une permission .»2

Comment ne pas voir dans ce perruquier artiste, le précurseur du spécialiste de la chirurgie esthéthique.

Diderot semble avoir le même amour du naturel que Mercier: «On se rappelle ce que dit Diderot à ce peintre qui lui apporte le portrait de son père, et qui, au lieu de le représenter tout simplement dans ses habits de travail (il était coutelier), l’avait paré de ses plus beaux habits : « Tu m’as fait mon père des dimanches, et je voulais avoir mon père de tous les jours. » Le peintre de Diderot avait fait comme presque tous les peintres, qui semblent croire que la nature s’est trompée en faisant les hommes comme ils sont ; ils fardent, ils endimanchent leurs figures : loin d’être des hommes de tous les jours, ce ne sont pas même des hommes ; il n’y a rien sous leurs perruques frisées, sous leurs draperies arrangées ; ce sont des masques sans esprit et sans corps.»

1-Johan Huizinga, Homo Ludens - Essai sur la fonction sociale du jeu, Paris, Gallimard, 1951.
2-Louis-Sébastien Mercier, Tableau de Paris, Paris, 1780.
3-Eugène Delacroix, Études esthétiques, Paris, G. Crès & Cie, 1923.

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