Romeyer Dherbey Gilbert
Gilbert Romeyer Dherbey et l'Encyclopédie de l'Agora
Nous avons sur ce site les meilleures raisons du monde d'être vivement intéressés à la vie et à l'oeuvre de Gilbert Romeyer Dherbey. En 1970, Jacques Dufresne, l'éditeur de l'Encyclopédie de l'Agora, fondait à Montréal Critère, une revue interdisplinaire dont on peut dire rétrospectivement qu'elle fut une première étape en direction de l'Encyclopédie de l'Agora. Ce fut la revue Critère qui eut le bonheur de publier le premier article de Gilbert Romeyer Dherbey Le besoin et la détermination. Un second article du même auteur parut quelques années plus tard sous le titre de Matière et abstraction.
Chacun de ces articles contribua de façon déterminante à orienter notre pensée, d'une part vers la notion de limite, d'autre part vers le réel. En choisissant Vers le réel par le virtuel comme première devise nous suivions les indications que nous avaient données Gilbert Romeyer Dherbey qui écrivait, dans Matière et abstraction :
«Notre époque, contrairement à ce que l'on entend dire souvent, n'est pas une époque matérialiste. C'est bien plutôt le contraire qui est vrai. Ce qui se produit de nos jours, c'est comme un étiolement de la matière, dont l'opacité lourde et la présence cèdent le pas devant son élucidation par le faisceau des paramètres qui, pour être numériques, n'en sont pas moins des représentations. Le tissu matériel des choses est le responsable de la richesse des expériences sensibles, car il est le support des différences qualitatives; ce sont précisément ces différences qui s'estompent dans le règne du quantitatif, où la matière est considérée uniquement comme matière première, c'est-à-dire comme ployable en tous sens et comme devant se prêter docilement - incolore et inodore - à tous les caprices de la transformation. Point de départ neutre et indifférent, elle est bien véritablement tenue pour une matière plastique. La vraie matière, dont les chatoiements nous enchantent, dont la main palpe l'épaisseur, dont le nez hume l'odeur, celle-là devient, comme l'ont montré les livres de Bachelard sur l'imagination des éléments, seulement pour nous objet de rêveries. Elle n'est plus le coeur de l'expérience; nous ignorons la magie de la corporéité telle que l'éprouvait un Grec antique, vivant au milieu d'une lumière fluide, devant la chair bleue de la mer avec, dans l'oreille, le son pâteux de l'aulos. Dans le frémissement des branches d'arbres, on sentait le passage du dieu.»
Au coeur de nos principaux articles sur le rapport de l'homme avec la nature, on retrouvera cette notion de limite sur laquelle Gilbert Romeyer Dherbey avait attiré notre attention dans Le besoin et la détermination : «Or la raison est conçue, conformément à un thème ontologique fondamental de la pensée grecque, comme puissance essentielle de limitation, comme détermination à l'intérieur d'un trait qui fixe les contours, qui arrête le tracé au-delà duquel commencent excès et démesure, eux-mêmes condamnés simplement parce qu'avec eux s'instaure le règne du n'importe quoi. Être, c'est être quelque chose, et si l'indéfini est, dès l'aube de l'hellénisme, exorcisé, s'il est signe de déraison, c'est parce qu'il est en même temps non-être, ou moindre être. Définissant la rationalité comme puissance de limitation, il faut voir que cette limitation ne doit pas être comprise au négatif, c'est-à-dire comme ce qui, en bornant, ferme, mais au contraire, comme l'a marqué Heidegger dans Le principe de raison, comme ce qui, en cernant l'être, le constitue et le fait éclater au-dehors, saisissable au regard, tout comme la statue surgit du bloc quand le ciseau lui a conféré contour. La raison, pensant le besoin dans la société civile, lui donne son être de besoin humain, c'est-à-dire à la fois ouvre son champ et l'enclôt; elle assure la discipline du besoin au sens où Aristote, de façon très platonicienne, dit qu'il faut philosopher avec les passions, à savoir ne pas prétendre les extirper, mais les régler tout en les conservant. Et comment en effet extirper tout besoin? - mais comment l'abandonner à lui-même, à son excitabilité infinie, son indéfini pouvoir de prolifération, l'inextinguible appétit d'avoir plus.»
Curriculum Vitae
G. ROMEYER DHERBEY
Professeur emèrite à la Sorbonne (Paris IV)
21, Rue de Brézets
33800 BORDEAUX
email : gilbert.romeyerdherbey@sfr.fr
ROMEYER DHERBEY Gilbert
né le 20 Février 1934 à Grenoble (Isère) f tXAMCC
Marié, deux enfants, trois petits-enfants
1952 : Baccalauréat de Philosophie
1952-56 : Classes de Lettres Supérieures et de Première Supérieure au Lycée
Masséna de Nice
1956 : Reçu à l'Ecole Normale Supérieure de Saint-Cloud
1956-58 : Licence de Philosophie à la Sorbonne
Diplôme d'Etudes Supérieures, Sorbonne (Directeur Henri Gouhier)
Certificat de Physique, Faculté des Sciences de Paris
1959 : Reçu à l'Agrégation de Philosophie
1960-64 : Professeur à l'Ecole Normale de Nevers
1964-69 : Professeur de Lettres Supérieures et de Première Supérieure au Lycée
Claude Fauriel de Saint-Etienne
1969-81 : Maître de Conférences de Philosophie à l'Université de Dijon
1978 : Thèse de Doctorat d'Etat (Philosophie), soutenue à l'Université de Paris
(mention très honorable à l'unanimité, félicitations du Jury)
1981-89 : Professeur d'Histoire de la Philosophie à l'Unversité de Bordeaux III
1989-2002 : Professeur (Classe Exceptionnelle 2° échelon) d'Histoire de la
Philosophie Antique à l'Université de Paris-IV Sorbonne.
Directeur du Centre de recherches sur la pensée antique (Laboratoire
CNRS), dit « Centre Léon-Robin ».
2002-20-fj : Professeur émérite. Palmes académiques.
Outre son activité d'enseignement et de recherches, Gilbert Romeyer Dherbey a participé à la vie universitaire en étant membre de la Commission nationale (n° 35) du CNRS, Vice-Président du CN U (section 17) et membre du jury de l'Agrégation de Philosophie.
Il a exercé par ailleurs des activités administratives (Conseil d'Administration et Conseil Scientifique de la Sorbonne; responsable du DE A d'Histoire de la Philosophie, etc.).
Il a enfin été enfin pendant plusieurs années Expert de la Commission Sciences de l'Homme et de la Société au Ministère de la Recherche, et siégé à la Commission nationale des droits de l'Homme (2002-2005).
Il est membre de la Société française de Philosophie et appartient au Comité de
lecture de diverses Revues.