Borromini Francesco

1599-1667
La notice suivante, tirée d'un article de la Grande Encyclopédie publiée à la fin du 19e siècle à Paris retrace la carrière de Borromini. L'architecte, pour avoir dérogé aux règles de l'architecture classique, n'échappe pas à la critique de l'auteur de l'article, Charles Lucas.
* * *

BORROMINI (Francesco), architecte et sculpteur italien, né en 1599 à Bissone (diocèse de Côme), mort à Rome en 1667. Fils d'un architecte, Borromini fut envoyé dès l'âge de neuf ans à Milan pour y étudier la sculpture et sept ans plus tard, vers 1515, il se rendit à Rome pour se perfectionner dans cet art; mais le sculpteur d'œuvres de marbre auquel il avait été adressé dans cette ville étant occupé aux travaux de la fabrique de l'église Saint-Pierre dont Maderne, parent de Borromini, était alors l'architecte, les dispositions étonnantes et 1e zèle du jeune artiste frappèrent bientôt Maderne qui s'attacha à Borromini, lui fit donner des leçons de géométrie et l'initia à la composition d'architecture et au style déjà exubérant de cette époque, en lui faisant mettre au net ses dessins. En outre, les infirmités qui paralysèrent les dernières années de la vie de Maderne forcèrent même ce maître à se faire suppléer bien des fois par son élève, quoique ce dernier fut toujours occupé à ses travaux de sculpture, et après la mort de Maderne, survenue en 1699, Borrumino conserva une situation analogue auprès du Bernin, son successeur dans la direction des travaux de Saint-Pierre de Rome. Les travaux de sculpture qui marquent cette période de la vie de Borro-mini et les seuls qu'il ait laissés sont les chérubins qui, dans l'église Saint-Pierre, tiennent des festons au-dessus du grand bas-relief d'Attila de l'Algarde et ceux qui décorent les petites portes de l'église. C'est aussi Borromini qui dirigea à la même époque pour Maderne l'exécution de la magnifique grille de fer ornée de bronze doré qui répète, au-devant de la chapelle du Saint-Sacrement, la grille qui ferme la chapelle opposée dite du chœur des chanoines. Attaché ainsi depuis quinze aux travaux de la basilique pontificale, Borromini, qu’on a dépeint d'un caractère ardent et jaloux et, de plus, désireux de surpasser en gloire le Bernin, s'immisça dans la faveur du pape Urbain VIII qui lui fit faire de grands travaux: l'église de la Sapience, la construction du palais Barberini sous la direction du Bernin; le couvent de Saint-Philippe-de-Néri, son oratoire et sa façade; l'église du collège de la Propagande; l'église de Sainte-Agnès, sur la place Navone, et la nouvelle décoration intérieure de la basilique de Saint-Jean-de-Latran. Aussi la réputation de Borromini grandit-elle rapidement et les honneurs et les richesses vinrent à cet artiste que le roi d'Espagne, voulant le charger d'agrandir son palais à Rome, fit chevalier de l'ordre de Saint-Jacques et auquel le pape conféra lui-même l'ordre du Christ dans son palais de Monte-Cavallo, distinctions honorifiques qui furent accompagnées de grandes largesses en argent. Borromini eut encore beaucoup d'autres travaux à diriger: à Rome, la coupole et le campanile de l'église Saint-André-des-Frères-Minimes, église commencée par Guera; le palais Scavolino, près la fontaine de Trevi, la façade du palais Pamphili, aujourd'hui palais Doria, près l’église Sainte-Agnès (place Navone); l'église Saint-Charles-aux-quatre-Fontaines; le palais Falconieri, qui abrita au commencement de ce siècle la belle galerie du cardinal Fesch et, pour la même famille, le casino della Rufina, à Frascati. C'est dans ces divers travaux que se révèle le mieux le style dit borrominesco du nom de cet artiste et que quelques appréciations de ses oeuvres principales permettront de pouvoir étudier en ce qui le concerne: ainsi, dans le collège de la Sapience, le clocher de la chapelle offre un exemple, peut-être unique dans l'Europe occidentale, d'enroulements en spirale de la base au sommet; la décoration de la coupole de l'église Saint-André, qu'il laissa inachevée, est des plus tourmentées; les tours ou clochers de l'église Sainte-Agnès (son meilleur ouvrage) sont disproportionnés de hauteur avec l'ensemble général de la façade et le dôme qu'ils accompagnent; les profils de la façade du palais Pamphili ainsi que certains motifs d'architecture de la décoration de la basilique de Saint-Jean-de-Latran sont d'une étrangeté que rien ne justifie; enfin la façade de l'église Saint-Charles-aux-quatre-Fontaines passe pour le chef-d'oeuvre de la bizarrerie en architecture. En revanche, habile constructeur, Borromini n'eut pas de rival à son époque, pour tirer par d'ingénieuses dispositions en plan un heureux parti d'un terrain irrégulier, notamment dans le couvent de Saint-Philippe-de-Neri et dans le collège de la Propagande et aussi pour certaines études de construction , telles que la grande salle de ce môme couvent de Saint-Philippe-de-Néri, Borromini mourut malheureusement en se frappant de son épée à la suite d’un accès d'hypocondrie. Il laissa plusieurs ouvrages, en partie la reproduction de ses oeuvres et dont les principaux, les résumant tous, sont les deux suivants: 1° Trattato delle cognizione prattica delle resistenze, geometricamente demonstrate (Rome, s. d.); 2° Opus architectonicum ex ejusdem exemplaribus petitum (texte latin et italien, publié par son neveu Séb. Gianini, large fol., Rome, 1720-25, 9 vol., illus. 113 pl).

Sur le style «borrominesco»:
BORROMINESCO. Mot italien dérivé de Borromini, et désignant avec une sorte de dédain, surtout en France et depuis un siècle, le style tourmenté d'architecture de la décadence de la Renaissance italienne (XVIIe siècle), dont l'architecte Francesco Borromini fut sinon le créateur, mais tout au moins et plus encore que Maderne et le Bernin ses contemporains, l'un des initiateurs et le plus fervent adepte. Ce style, aujourd'hui si décrié, quoiqu'il ait été fort goûté l'époque et dans le milieu de cette luxueuse société romaine où il se manifesta, et que, de plus, il ait exercé une influence considérable sur les productions de l'architecture et des arts décoratifs dans tous les pays où l'art s'inspira de cette dernière phase de là Renaissance italienne. Ce style consiste surtout dans l'abus des motifs d'ornementation et dans la bizarrerie des détails: des lignes brisées et des lignes courbes s'y substituent sans raisons appréciables à des lignes droites; des éléments d'architecture y sont employés en dehors de toute règle traditionnelle et aussi de toute fonction logique; enfin le vrai et l'utile parfois même le beau, y semblent, comme à plaisir, écartés des inspirations de l'artiste pour ne laisser place qu'à l'agréable, au brillant et le plus souvent au bizarre. Une recherche ardente de l'originalité et de la fantaisie paraît la seule cause de ce mouvement artistique, plus applicable à la menuiserie, à l'orfèvrerie et à la décoration en général qu'à l'architecture, mais au travers duquel il serait cependant injuste de méconnaître avec une partie des qualités de la période glorieuse qui le précéda, d'heureuses et fort ingénieuses dispositions dans les plans, un certain caractère de grandeur et même d'unité dans les ensembles et, quand il n'y a pas excès, une réelle richesse dans les détails.

source: Charles Lucas, articles «Borromini» et «Borrominesco» de La grande encyclopédie: inventaire raisonné des sciences, des lettres et des arts. Réalisée par une société de savants et de gens de lettres sous la direction de MM. Berthelot, Hartwig Derenbourg, F.-Camille Dreyfus [et al.] Réimpression non datée de l'édition de 1885-1902. Paris, Société anonyme de «La grande encyclopédie», [191-?]. Tome septième

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