Extase

Nous présentons dans ce dossier deux conceptions bien différentes. Dans la première partie nous présentons la conception chrétienne, en deux temps: l'extase telle qu'on  peut l'atteindre dans la vie intellectuelle, l'extase telle qu'on l'a vécue dans la grande tradition mystique.

Dans la seconde partie nous présentons la conception de Ludwig Klages, un disciple de Nietzsche. Dans De l’Eros cosmogonique, Klages a précisé sa conception de l’extase. Pour comprendre ce propos, il faut savoir que Klages a une conception négative de l’esprit, qu'’il l’identifie à ce que nous appelons aujourd’hui la raison instrumentale, pour l’opposer ensuite à l’âme. On est étonné qu'il subsiste malgré tout de grandes ressemblances entre sa conception de l’extase et la conception chrétienne : même dissolution du moi, même fusion avec la Vie, une Vie qui toutefois est l’autre nom de l’Esprit dans un cas et son contraire dans l’autre.

La conception chrétienne

Une préfiguration

L'extase telle que la présente ici Sertillanges est une expérience qui, tout en étant aussi commune que l'étonnement dont parle Aristote, constitue une excellente initiation à l'extase des mystiques.

«Toute œuvre intellectuelle commence par l'extase ; après seulement s'exerce le talent de l'arrangeur, la technique des enchaînements, des rapports, de la construction. Or, qu'est l'extase, sinon un essor loin de soi-même, un oubli de vivre, soi, afin que vive dans la pensée et le cœur l'objet de notre ivresse ?

La mémoire même participe de ce don. Il est une mémoire basse, mémoire de perroquet et non d'inventeur : celle-là fait obstruction, fermant les voies de la pensée au profit des mots et des formules closes. Mais il est une mémoire amorcée en tous sens et en état de perpétuelle découverte. Dans son contenu, il n'y a rien de « tout fait » ; ses acquis sont des semences d'avenir ; ses oracles sont des promesses. Or une telle mémoire est elle aussi extatique ; elle fonctionne au contact des sources d'inspiration ; elle ne se complaît point en elle-même ; ce qu'elle renferme estintuition encore, sous le nom de souvenir, et le moi dont elle est l'hôte se donne par elle à l'exaltante Vérité tout autant que dans la recherche.»  Source: A-D. Serlillanges, La vie intellectuelle, préface de l'édition de 1937.

Quelques figures de l'extase

«L’extase (eκστασis, extra stare) est comme une sortie de l'esprit hors de lui-même. Les mystiques la désignent aussi par les mots : excessus mentis. Dans l'extase, l'âme sort de son milieu ordinaire, s'élève au-dessus de ses modes communs de connaître et de sentir, et, conséquemment, atteint d'autres objets que ceux qu'elle est accoutumée d'atteindre ou atteint les objets qui lui sont propres selon un degré, une mesure qui dépasse le degré, la mesure où s'arrête son ordinaire activité. (S. Thomas, Sum. theol., IIa Iae q. xxxviii, a. 3.)

 Le ravissement, raptus, est l'extase violente, brusque. (S. Thomas, Sum. theol., IIa Iae, q. cxxxv, a. 1 et 2.) I. — Dans l'extase, les facultés de connaître et de sentir se concentrent, s'absorbent en un objet, en Dieu chez les mystiques chrétiens. C'est la contemplation extatique, l'union extatique. L'union extatique est une des étapes de l'union mystique. Voir CONTEMPLATION.

L'âme en état d'union extatique a une perception comme expérimentale de Dieu, perception où l'âme se tient passive, laissant le divin agir sur elle, l'impressionner, l'imprégner, patiens divina, selon l'expression du pseudo-Denys (Des Noms divins, chap. n, § 9). Cette prise de possession de l'âme par Dieu est loin de laisser celle-ci inerte. Le Dieu de vie, en s'unissant à l'âme, lui communique la vie, excite en elle et met en action toutes les puissances profondes de vie. Mais cette activité de vie se produit par rejaillissement, par le contre-coup de l'action divine sur l'âme : c'est la réponse à cette action.

 Cette union à Dieu selon un mode excellent, avec toutes les lumières, tous les enrichissements qu'elle apporte à l'âme, constitue la partie précieuse de l'extase C'est par là qu'elle est sanctifiante. Cependant les auteurs s'attachent surtout à l'extase par son côté extérieur, par les effets qu'elle produit sur la sensibilité, effets plus tangibles et par là même se prêtant mieux à l'étude. Quels sont ces effets ?

a) Dans l'extase, l'âme s'affranchit des sens. Il y a alienatio a sensibus. Cela veut dire que l'âme suspend le concours qu'elle donnait aux sens comme organes et instruments de connaissance. Par suite, leur activité en tout ce qui est connaissance est elle-même suspendue « Le plus souvent, écrit sainte Thérèse, le sentiment se conserve, mais on éprouve je ne sais quel trouble, et bien qu'on ne puisse agir à l'extérieur, on ne laisse pas d'entendre; c'est comme un son confus qui viendrait de loin. Toutefois, même cette manière d'entendre cesse lorsque le ravissement est à son plus haut degré, je veux dire lorsque les puissances entièrement unies à Dieu demeurent perdues en lui. Alors, à mon avis, on ne voit rien, on n'entend rien, on ne sent rien. » (Vie écrite par elle-même, chap. xx.)

b) Le cours de la vie végétative, circulation du sang, respiration, battement du coeur, se ralentit. « L'âme, dit encore sainte Thérèse, dans ces ravissements, semble quitter les organes qu'elle anime. On sent d'une manière très sensible que la chaleur naturelle va s'affaiblissant, et que le corps se refroidit peu à peu, mais avec une suavité et un plaisir inexprimables... Tant que le corps est dans le ravissement, il reste comme mort, et souvent dans une impuissance absolue d'agir. Il conserve l'attitude où il a été saisi : ainsi, il reste sur pied ou assis, les mains ouvertes ou fermées, en un mot dans l'état où le ravissement l'a trouvé... Pour n'être pas troublée par les sens, les moindres de ses ennemis, l'âme les suspend à son gré, parce que telle est la volonté du Seigneur. Les yeux demeurent presque tout le temps fermés, quoiqu'on ne voulût pas les fermer; et si quelquefois ils s'ouvrent, ils ne distinguent ni ne remarquent rien, ainsi que je l'ai déjà dit. En cet état, le corps a perdu tout pouvoir d'agir. » (Ibidem.)

A cette sorte d'inertie vitale il y a cependant des exceptions. Le Dialogue de sainte Catherine de Sienne a été composé dans l'extase. Trois de ses intimes écrivaient sous sa dictée. C'est la merveille que raconte le P. Raymond de Capoue, confesseur de la sainte et son biographe très autorisé... «De retour à Sienne, dit-il, Catherine, s'occupa diligemment de la composition d'un livre, qu'elle a dicté en langue vulgaire sous le souffle de l'Esprit d'en haut. Elle pria les secrétaires qu'elle avait près d'elle pour écrire les lettres qu'elle envoyait en divers pays, d'être attentifs à l'observer pendant les extases qu'elle avait si fréquentes, et de mettre à ce moment avec soin par écrit ce qu'elle dicterait. Ils s'acquittèrent exactement de leur tâche. ... Ce qu'il y a de singulier et de merveilleux en cette dictée, c'est qu'elle la fit toute alors que son esprit ravi enlevait à ses sens toute opération qui leur fût propre. Ses yeux ne voyaient pas, ses oreilles n'entendaient pas, son odorat ne percevait aucune odeur, son goût aucune saveur, son toucher n'avait plus de sensibilité tant que durait le ravissement. Et cependant, par l'action du Seigneur, c'est en pareil état qu'elle dicta tout ce livre. » (Vita S. Catharinse Senensis. Acta SS., die 30a Aprilis, t. xii, p. 945.) Dans sa déposition au procès de canonisation, Francesco Malevolti, un de ses secrétaires, rapporte que parfois la sainte dictait trois lettres à la fois. « Par instant, elle se voilait le visage, ou levait les yeux au ciel en joignant les mains. Parfois, elle entrait en extase, et même en cet état, elle continuait à dicter. » (Image: mariage mystique de Catherine de Sienne, par Giovanni di Paolo di Grazia )

 

On rapporte de même de sainte Catherine de Ricci, de sainte Madeleine de Pazzi, de sainte Angèle de Foligno qu'elles parlaient dans l'extase. Cas plutôt exceptionnel. Sainte Thérèse décrit ce qui se passe d'ordinaire dans l'extase quand elle dit : « Les sens ne sont à l'âme d'aucune utilité; ils entravent plutôt sa jouissance et lui nuisent au lieu de la servir. Parler devient impossible : on n'arrive pas à former intérieurement un seul mot, et quant à l'articuler, le plus violent effort n'en donne pas le moyen. C'est que toutes les forces extérieures défaillent. » (Vie, chap. xviii.)

Il est manifeste que l'extase des mystiques n'a pas de loi absolue. Si certaines manières d'être, certains ensembles de phénomènes se rencontrent plus fréquemment et nous semblent obéir à une certaine mènes sont de leur nature nécessaires et indissociables. Dieu se réserve le pouvoir de les disjoindre. Il arrivait à saint François d'Assise de ne pas se rendre compte des lieux qu'il parcourait. Le soir, il demandait si l'on atteindrait bientôt tel village qu'il avait traversé pendant le jour. Perdu en Dieu par une longue extase qui faisait qu'il ne voyait rien, n'entendait rien, ne sentait aucun contact, qu'il ne parlait pas de toute la journée, cependant il marchait, ou lorsqu'il s'avançait malade, monté sur un âne, il se prêtait à tous les mouvements que cette façon de voyager demandait. Il arriva, raconte-t-on, à sainte Madeleine de Pazzi de grimper sans échelle le long d'une colonne de l'église. Le même fait est rapporté de Catherine Emmerich quand elle était sacristine et qu'il y avait à nettoyer ou à orner quelque endroit inaccessible. Par contre, sainte Catherine de Sienne avait parfois les muscles si tendus dans l'extase qu'un jour que sa mère voulait dans sa simplicité lui redresser le cou, elle faillit le lui rompre.

L'extase tantôt s'accompagne de délices enivrantes, tantôt d'angoisse. A lire sainte Thérèse, il semble que l'extase profonde passe d'abord par un stade d'appréhension et d'effroi. L'âme sent que tout ce qui est terrestre, matériel va lui manquer. Elle comprend que Dieu demande au corps lui-même un détachement total, absolu. « Puis viennent les suprêmes angoisses du trépas. Mais il y a dans cette agonie de la souffrance un si grand bonheur que je ne sais à quoi le comparer. C'est un martyre ineffable à la fois de douleur et de délices. » E t chose étrange, il arrive que cet état violent qui semblerait devoir laisser le corps épuisé lui rend vigueur. « Souvent, dit sainte Thérèse, le corps, infirme et travaillé de grandes douleurs avant l'extase, en sort plein de santé et admirablement disposé pour l'action. » (Vie, chap. xx.)

c) Le phénomène le plus remarqué et le plus souvent signalé dans l'extase, c'est, selon un terme moderne, la lévitation. L'extatique est soulevé au-dessus du sol. Ici encore très variées sont les manifestations, même chez le même sujet. Écoutons sainte Thérèse décrivant, si on peut ainsi parler, une attaque brusquée de l'Esprit de Dieu : « Tous mes efforts pour résister étaient vains. Mon âme était enlevée, ma tête suivait presque toujours ce mouvement sans que je pusse la retenir, et quelquefois tout mon corps était enlevé de telle sorte qu'il ne touchait plus à terre. J'ai été rarement ravie de cette manière. Cela m'est arrivé un jour que j'étais au chœur avec toutes les religieuses, et prête à communier. Ma peine en fut extrême, dans la pensée qu'une chose si extraordinaire ne pouvait manquer de causer beaucoup d'émoi... En plus d'une circonstance j'ai fait ce que je fis le jour de la fête du saint patron (saint Joseph) de notre monastère. Pendant le sermon auquel assistaient plusieurs dames de qualité, je vis que la même chose allait m'arriver; je me jetai soudain à terre, mes soeurs accoururent  pour me retenir, tous leurs efforts furent inutiles, et le ravissement ne put échapper aux regards.» ( Vie.c.xx.) Et encore : « Lorsque je voulais résister, je sentais sous mes pieds des forces étranges qui m'enlevaient; je ne saurais à quoi les comparer. Nul autre de tous les mouvements qui se passent dans l'esprit n'a rien qui approche d'une telle impétuosité. C'était un combat terrible, j'en demeurais brisée. Quand Dieu veut, toute résistance est vaine : il n'y a pas de pouvoir contre son pouvoir. » (Ibidem.) Parfois le ravissement se produit avec plus de douceur. « Souvent, dit encore la sainte, mon corps en devenait si léger qu'il n'avait pas de pesanteur. Quelquefois, c'était au point que je ne sentais plus mes pieds toucher à terre. » (Ibidem.) Dans la vie de plusieurs saints, on voit que le rapt se faisait insensiblement, et s'accompagnait d'une irradiation bienheureuse du visage. (Thérèse d'Avila et Jean de Lacroix, en lévitation)

d) Variable aussi le temps de l'extase. Les vies des saints présentent un grand nombre d'extases qui ont duré plusieurs heures. La bulle de canonisation de saint Thomas de Villeneuve mentionne qu'une fois, en lisant l'office de l'Ascension, il fut saisi par l'extase, et resta douze heures suspendu en l'air. L'extase même peut se prolonger plusieurs jours, comme il arriva pour la bienheureuse Angèle de Foligno, sainte Catherine de Sienne, sainte Claire de Montefalco, la bienheureuse Blanche de Rieti, Marine d'Escobar, sainte Colette, sainte Madeleine de Pazzi. Une créance longtemps accréditée en Espagne attribue à saint Ignace un ravissement qui dura huit jours. Sainte Thérèse a-t-elle sur ce point une doctrine particulière ? Ne dit-elle pas que l'extase d'ordinaire est courte ? Il semble bien qu'elle a ici en vue uniquement la suspension de toutes les puissances. Cette suspension totale « ne dure jamais longtemps; c'est beaucoup quand elle va jusqu'à une demi-heure, et je ne crois pas qu'elle m'ait jamais tant duré... Toutes les fois que cette suspension générale a lieu, il ne se passe guère de temps sans que quelqu'une des puissances revienne à elle. La volonté est celle qui se maintient le mieux dans l'union divine... Elle les ramène et les suspend de nouveau: elles demeurent ainsi tranquilles quelques moments et reprennent ensuite leur vie naturelle. L'oraison peut avec ces alternatives se prolonger, et se prolonge de fait pendant quelques heures. » ( Vie, chap. xiii.) « Quoique d'ordinaire on ne perde pas le sentiment, il m'est arrivé d'en être entièrement privée. Ceci a été rare, et a duré fort peu de temps... Le ravissement se prolonge quelquefois plusieurs heures. — C'est qu'il n'est pas continu. » (Vie, chap. xx.)

II — Ce qu'il importe de remarquer, c'est que l'extase, considérée en ses manifestations extérieures, n'est ni le tout ni le point culminant de l'état mystique. Significative est à cet égard la thèse formulée par Barthélémy Saint-Hilaire au début de son livre sur l'École d'Alexandrie et résumée dans l'article Extase du Dictionnaire des Sciences philosophiques de Franck. Pour lui, l'extase explique tout le mysticisme, est le but de tout mysticisme. Ainsi pensent beaucoup de psychologues modernes, comme Pierre Janet et William James. Ce qu'il faut dire, c'est que l'extase occupe dans la vie des mystiques une place d'exception. Qu'il s'agisse de l'union extatique avec élévation au-dessus du sol ou avec simple enchaînement de l'activité extérieure et des facultés imaginatives, on peut compter les heures qu'elle occupe dans la vie des mystiques connus. Il n'est même pas démontré que tous les mystiques passent par l'état de suspension de l'extase. Il faut ajouter, pour être exact, que l'extase n'est pas le sommet de la vie mystique. Ce n'en est qu'une étape. L'âme, au témoignage des mystiques eux-mêmes, peut s'élever à un degré supérieur, où la vision de Dieu, affranchie des premières ténèbres, devient plus claire, où l'union avec l'absolu n'est pas transitoire, mais permanente, où, par un heureux contrecoup de cette union, les passions sont entièrement soumises à la raison, et la raison à Dieu. Mais, en même temps, les puissances de l'âme, purifiées et fortifiées par le procédé éducatif de l'extase, recouvrent leur exercice, l'activité sensorielle et l'activité motrice entrent de nouveau en jeu. L'entendement, la mémoire gardent assez de liberté pour s'occuper et s'appliquer aux affaires du dehors. Ceux qui ont à traiter avec ces âmes ne s'aperçoivent pas que leur pensée s'alimente de la plus sublime contemplation, qu'elle reste unie à Dieu sans s'y absorber État admirable de repos et d'activité. C'est l'union consommée, l'union transformante, appelée encore mariage spirituel. En ce plein épanouissement, la vie mystique dépasse le degré extatique.

III. Y a-t-il des extases naturelles ? — Sur ce point, les auteurs se divisent. Les uns admettent le fait d'extases naturelles : ils invoquent l'autorité de saint Thomas, lequel (Sum. theol., II» II83, q. ci.xxv, a. 1 ) distingue les extases en naturelles, démoniaques, divines. D'autres, acceptant la possibilité de l'extase naturelle, nient qu'on en ait vraiment constaté la réalité. Pour résoudre la question, il importe de la faire porter uniquement sur l'extase proprement dite, celle qui consiste dans une concentration intense de l'intelligence et de l'imagination sur un objet avec abolition de la sensibilité. Il est manifeste que l'application de l'âme à un objet la rend étrangère aux autres objets : Intensa meditatio unius abstrahit ab aliis (S. Thomas, Sum. theol., Ia IIae, q. xxiii, a. 3 ) . Mais arrive-t-il que la concentration des facultés de connaissance sur un objet aille jusqu'à l'abolition totale de la sensibilité ? Dans les cas relatés de philosophes, de mathématiciens, de chercheurs, comme Archimède, on ne peut dire que la sensibilité soit totalement suspendue. On pourrait à plus juste titre invoquer l'exemple de saint Thomas qui, ayant à subir l'application du cautère à la jambe, se mit au lit avant l'intervention du médecin, s'absorba dans ses spéculations et ne perçut pas la brûlure. Rien n'indique qu'il s'agisse ici d'une extase d'origine divine. Excitation douloureuse, mais, en somme, locale et d'une intensité restreinte, quoi qu'on dise de la délicatesse de tempérament de saint Thomas. On cite chez d'autres personnages des exemples du même genre. Un autre fait qu'on raconte du saint docteur, la chandelle qui lui brûlait les doigts sans qu'il s'en aperçût, se rattacherait plutôt à l'extase divine.

Les Alexandrins, Plotin, Proclus, Jamblique ont prétendu enseigner l'art de produire l'extase. Elle s'obtiendrait par une simplification voulue, méthodique des opérations de l'âme. Cette simplification irait jusqu'à suspendre l'exercice de toutes les opérations imaginatives ou inférieures, ne laissant en jeu que la seule activité intellectuelle. Mais on se trouve ici en présence d'un engourdissement de la personnalité entière, connaissance et sensibilité, plutôt que d'une extase. Ou si l'on veut voir en cela une extase, c'est une extase d'immobilité que le Sage produit en faisant le vide en sa pensée. Telle l'extase du Yoghi indou qui se perd dans le nirvana. Tout autre est l'extase des mystiques chrétiens. L'objet auquel le mystique chrétien ramène toute sa pensée, où il s'absorbe et se perd, ce n'est pas l'être réduit à sa plus simple entité, c'est l'Absolu, c'est Dieu, Dieu qu'il considère comme le principe premier de toute réalité, comme le terme final de toute activité. Simplification non par appauvrissement, mais par coordination; conséquemment simplification d'enrichissement. La vie du mystique gagne en intensité ce qu'elle se retranche en dispersion. Elle ne se concentre que pour se fortifier et se répandre ensuite sur tout ce qui participe de son objet principal. Le sage bouddhiste, s'il cherche lui aussi l'absolu, prétend le contempler en lui-même coupé de toute relation avec le monde créé. Autour de cet objet, qu'il simplifie à la façon d'un point mathématique, sa pensée s'alanguit, s'engourdit, s'exténue et se dissout. Il est, au contraire, à remarquer que les grands mystiques chrétiens ont été des actifs. Chez eux, la contemplation était ordonnée à l'action et l'action était soutenue par la contemplation, double activité intérieure et extérieure, non juxtaposée, mais fondue par une pénétration réciproque, activité simultanée dans la mesure possible. William James trouverait presque sainte Thérèse « trop débrouillarde ». Il présente saint Ignace comme un vrai mystique et ajoute : « Son mysticisme a fait de lui un des plus grands hommes d'action que le inonde ait connus. » (L'Expérience religieuse, p. 351.) C'est aussi par l'activité que l'extase des mystiques chrétiens se distingue le plus manifestement de l'hypnose et de la catalepsie. L'état hypnotique ou cataleptique est stérile, en même temps qu'il est de pure inertie. Le sujet, mis en cet état, est incapable de toute conception personnelle, de toute initiative, même de toute réaction. C'est une chose inerte et purement passive aux mains de celui qui le domine. Au sortir de l'hypnose ou de la catalepsie, peut-être exécutera-t-il un commandement donné, jamais il ne cherchera à réaliser une idée qui lui appartienne, encore moins une entreprise conçue avec méthode et demandant un effort continu. Tout au contraire, que de grandes pensées, que de vastes desseins conçus, nourris, renouvelés dans l'extase des mystiques chrétiens I En s'unissant à Celui qui est vie, le mystique chrétien reçoit un admirable, un indéfini accroissement de sa vie supérieure.»

Ste Thérèse, Vie par elle-même, ch.xviii, xx ; S. Thomas, Sum. theol., Ia IIae, q . xlxxv, a. 3; IIa IIae, q. XLXXV, a. 1, 2; A. Poulain, Des grâces d'oraison, 10° édit., Paris, 1923, ch.xiii, xviii, xxxi, § 3; J. de Bonniot, Le miracle et ses contrefaçons, 5e édit., Paris, 1895, p. 355-384; A. Farges, Les phénomènes mystiques, 2e édit., Paris, 1923, t.1, p. 197- 210; t. ii, p. 158-243; L. Roure, En face du fait religieux, Paris, 1908, p. 151-158. Avec des réserves nombreuses : Th. Ribot, Psychologie de l'attention, Paris, 1889, p. 138-150; William James, L'expérience religieuse, trad. F. Abauzit, Paris, 1906, p. 327-352.

SourceLucien ROURE, in J.Bricout, Dictionnaire pratique des connaissances religieuses, Paris-VI, Librairie Letouzé et Ané, Paris 1926, Tome III  p. 136-140

 

Enjeux

 

Bien des auteurs, Nietzsche et dans son sillage, Ludwig Klages, ont vu un ascétisme excessif et malsain, dans les phénomènes que J,Bricout décrit dans le passage que nous venons de lire. Dans De l’Eros cosmogonique Klages a précisé sa conception de l’extase.  Pour comprendre ce propos, il faut savoir que Klages a une conception négative de l’esprit, qu'’il l’identifie à ce que nous appelons aujourd’hui la raison instrumentale, pour l’opposer ensuite à l’âme. On est étonné qu'il subsiste malgré tout de grandes ressemblances entre sa conception de l’extase et la conception chrétienne : même dissolution du moi, même fusion avec la Vie, une Vie qui toutefois est l’autre nom de l’Esprit dans un cas et son contraire dans l’autre.

  

Au lieu de dire que l'âme individuelle se fond dans l'extase, nous pouvons également dire qu'elle se libère et qu'elle est libérée de certaines barrières et de certains liens qui caractérisent son attitude habituelle; les questions suivantes pourront alors nous guider:

1. Qu'est-ce qui se libère dans l'extase?

2. De quoi est-ce que cet élément se libère?

3. Que l'élément libéré gagne-t-il par sa libération?

 Nous pouvons répondre tout de suite aux deux premières questions, avant de poursuivre nos considérations: ce n'est pas, comme on l'a cru, l'esprit de l'homme qui se libère, mais l'âme; et celle-ci ne se libère pas, comme on l'a cru, du corps, mais, justement, de l'esprit! Le cosmos est vivant, et toute vie est polarisée selon âme (psychae) et corps (soma). Partout où il y a un corps vivant, il y a une âme; partout où il y a une âme, il y a un corps vivant. L'âme est le sens du corps; l'image du corps est la manifestation de l'âme. Tout ce qui se manifeste a un sens; et tout sens se révèle en se manifestant. Le sens est vécu au dedans, la manifestation au dehors. Le premier doit devenir image s'il veut se communiquer, et l'image doit s'intérioriser si elle doit agir. Ce sont, sans métaphore, les pôles de la réalité. -  […]

 

Or, si dans l'extase l'âme se libère de l'esprit, elle doit aussi se libérer du soi. Nous en trouvons la confirmation entre autres dans la langue, et notamment dans la langue allemande. «Extase» se traduirait ainsi non pas par Weggerücktsein, «ravissement» au sens littéral d'enlèvement, mais par Aussersichsein, « être en dehors de soi ». La personne ivre ou enthousiaste, que ce soit par le moyen de narcotiques ou non, n'est plus « chez soi» (bei sich sein), il lui est « arrivé d'être hors de soi» (auj3er sich geraten), il court le risque d'« oublier soi-même» (sich vergessen), et, dégrisé, « revient chez soi» (wieder zu sich kommen). Il est cependant parfaitement fondé que l'on emploie exactement les mêmes termes pour désigner l'effet surpuissant d'une pulsion. Car c'est bien dans la dépossession temporaire de l'esprit que l'excitation purement pulsionnelle et l'excitation extatique se rencontrent tout à fait. On peut « s'oublier soi-même », « sortir de soi» aussi bien dans la colère, et après l'acte pulsionnel d'un assassinat aussi, on « revient chez soi ».

Néanmoins, si dans l'extase, comme nous l'exposerons plus loin, le soi est momentanément abandonné, au moment de l'excitation commune, en revanche, il se trouve simplement sous la domination d'une pulsion somatique; et s'il est vrai que la pulsion brise la barrière du libre arbitre, elle ne brise pas pour autant celle de l'individu. Dans la pulsion, l'esprit est diminué sous le poids excessif de la vie individuelle; dans l'extase, il est diminué par le pouvoir vital du monde. Dans la pulsion se manifeste la vie animale, dans l'extase se révèle la vie élémentaire. La première se montre à nous par la virulence de l'ébranlement qui nous saisit; la seconde par sa profondeur. Aussi ne trouve-t-on, parmi les langues indo-européennes, pas une seule qui ne décrive la profondeur et le pouvoir des sentiments comme quelque chose de subi, comme un état de souffrance et un accès de quelque chose! « Pathos), « passion» (passio), «Leidenschaft»: trois fois une souffrance (par définition «subie ») pour dire le degré maximal du sentiment qui jaillit des profondeurs de l'âme! Si seulement on s'était posé la question: qu'est-ce, au juste, qui subit, et qu'est-ce qui fait subir, on n'aurait pas pu manquer la réponse: ce qui est passif, subissant, souffrant, assailli, est notre moi, et il est assailli par la puissance triomphante de la vie. Du moment que nous voulons ou pensons, nous disons: je pense, je veux, je fais, et nous soulignons d'autant plus nettement le moi que nous pensons et voulons avec plus d'insistance. Mais quand nous avons vécu et ressenti quelque chose de grand, il nous semble insipide et faible de dire: je ressentis la chose suivante; au lieu de cela, on dit: je fus saisi, ébranlé, bouleversé, ravi, transporté par etc. (es hat mich ergriffen etc.)! Qu'est-ce qui nous transporte? La vie! Et qu'est-ce qui est transporté? Le moi! – […]

 

Nul doute: l'extase n'est pas la décorporation de l'âme, mais une dépossession et parfois une déspiritualisation. S'il en est ainsi, toute extase doit parcourir deux phases: la phase dans laquelle le moi sombre, et celle où la vie resurgit. Celle-là est la partie préparatoire, celle-ci la partie d'accomplissement, la telete des Ordres secrets, dont Aristote (selon Synésios) a interprété avec justesse le caractère immédiat en observant que ce n'est pas par un « mathein », c'est-à-dire, par un apprentissage, mais par un « pathein », c'est-à-dire par une souffrance que celui qui se prépare à recevoir le mystère se parfait.   À côté de l'extase par implosion, il y a l'extase par dissolution intérieure. La première est attestée dans la fureur des Ménades (et le vin, en tant qu'il « brise les soucis »), la seconde est confirmée par le fait que tous les dieux de l'ivresse, et en premier lieu Dionysos, Bacchus, et Éros, sont surnommés « Lysios », « Lysimeles », donc « dissolvants », « qui dissolvent les membres ». Et comme l'implosion fait penser à la mort physique, la dissolution fait penser au sommeil «qui détend les membres ». Si par conséquent le sommeil et la mort peuvent libérer l'âme de son antagoniste le plus terrible, le moi, nous comprenons pourquoi c'est justement l'âme qui peut participer au penchant immémorial des hommes pour les « poisons» narcotiques […]  (Caspar David Friedrich, La fenêtre ouverte.)

Tandis que dans l'extase implosive se manifeste la promptitude de l'âme libérée à« sortir », à « vagabonder », à « errer », la dissolution intérieure prépare, en revanche, à son «ravissement ».[…] . Nous avons réussi, voici plusieurs décennies, à démontrer l'existence de ces trois formes fondamentales, à savoir la forme héroïque, la forme érotique, et la forme magique.[…]  mais l'extase est originellement toujours la solitude la plus accomplie, puisqu'elle est une plénitude complète, qui - au delà de toute scission dualiste - porte en elle-même le pôle complémentaire. Le gamos de l'ivresse érotique lui aussi est un gamos intérieur ou l'autofécondation d'un être qui s'élargit au monde et qui, partant, engendre et reçoit. […] lamentation profondément érotique d'une femme Maori: 

Dans l'obscurité roulent des nuages sombres

Autour de la cime Pukehina

Au-dessus du sentier où mon bien-aimé

Pour toujours s'est perdu de ma vue !

 Reviens ô reviens une seule fois encore!

 Afin que le fleuve de l'amour puisse couler

De ces yeux fatigués par leurs larmes,

Un tribut de l'amour vrai.

Tes bras familiers me serraient,

Moi l'indigne, contre ton sein, jadis,

 Depuis, mon coeur battant t'a enlacé

 De ses lianes les plus fortes.  […]

Mais comment est-ce que l'émotion érotique peut, lorsqu'elle devient une extase authentique, rester sympathétique? Si l'homme en extase a non seulement abandonné son moi, mais les limites mêmes de son individualité, et s'il est alors lui-même devenu cette trinité dans laquelle s'intériorisent les pôles du monde, comment y aurait-il encore de la place dans son ivresse pour l'ivresse d'un autre? Cela semble impossible, et s'il devenait pourtant réalité, ce serait alors le mystère le plus profond de l'âme. Nous ne lèverons pas le voile, tout au plus allons-nous avancer jusqu'au seuil; mais il nous faut terminer d'abord  […]

Comparée au sacre de l'éros cosmogonique, la pulsion d'union charnelle est un adiaphoron, et la volupté de la satisfaction une solution qui reste dans les limites du bonheur animal. Ce qui en distingue  le frisson érotique, c'est le fait qu'au moment de l'accomplissement suprême, il reste un éros du lointain et que dans l'ivresse l'un est à l'autre un autre avec lequel il ne se confond jamais, comme l'oeil de l'univers qui le regarde dans la nuit pourpre. S'abandonner à celui-là ne signifie pas: le désirer; embrasser celui-là ne signifie pas: se fondre à lui; et sombrer en lui signifie: s'éveiller! La solution de ce que l'on appelle l'énigme du monde est l'intériorisation extatique du mystère du monde. Pourquoi les questions du Sphinx sont-elles fatales à l'homme - pourquoi la Gorgone pétrifie-t-elle ceux qui la regardent - pourquoi est-il néfaste de lever le voile d'Isis? Mieux que ne saurait le faire une réponse sobre, l'immémoriale question même du destin est le symbole qui nous révèle que seulement quelque chose d'éternellement éloigné peut dispenser une félicité extatIque. D'une certaine manière, nous venons d'énoncer la parole magique qui déteindra sur tout ce que nous dirons par la suite. Or, puisque pour beaucoup de lecteurs elle ressemble à une rune que l'on ne peut traduire par un signe connu, nous essayerons de nous approcher de sa signification secrète à l'aide de quelques exemples. De cette façon, même si un lecteur en retient sans doute plus qu'un autre, chacun pourra s'avancer jusqu'aux limites de sa propre expérience vécue. - Peut-être le mot immédiatement convaincant de Stendhal selon lequel la beauté artistique parfaite est une « promesse de bonheur» veut-il vraiment dire dans l'esprit de son auteur ce que Nietzsche lui prête afin d'étayer sa propre conception de l'art, dont la finalité serait de persuader celui qui le contemple d'affirmer la vie à tout prix. Néanmoins, cette formule nous apprend encore autre chose, si nous prenons en considération le fait que la «promesse» que recèlent la douleur chantée, l'amour fait poème, la grâce devenue marbre, l'orage peint et la filiation stellaire que commémorent par exemple les pierres de la Porta Nigra, ne trouve son accomplissement en aucun lieu de l'existence diurne. Celui dont le coeur a jamais battu plus fort en contemplant les lointains de la mer ombreuse suscitée par le pinceau de Bocklin dans l'ivresse mélancolique du regard des Tritons, comment celui-là pourrait-il espérer voir expirer le frisson d'une nostalgie surhumaine dans une satisfaction qui y mettrait un terme! Celui qui se promène le long de la Via Appia, fasciné et hanté par l'éclat lointain de millénaires irrémédiablement éteints, comment celui-là pourrait-il jamais s'imaginer que l'Insaisissable fût devenu son bien propre, s'il devait vivre à l'époque de la Rome impériale! Celui que tourmente la douleur sans nom des steppes dans les chants perdus de la Volga, comment celui-là pourrait-il croire trouver l'endroit, dans ses pérégrinations, où ce cortège aurait atteint sa destination! Ainsi donc, ce que la maxime de Stendhal exprime à propos d'une expression vitale et d'une médiation humaine vaut à plus forte raison pour le mystère vital en lui-même. De la proximité fait partie, en tant que son pôle opposé, le lointain, que l'on n'atteindra jamais. Tout regard qui s'ouvre sur l'immensité de l'espace fait naître une attirance et une promesse; seulement, ce par quoi il est attiré, nous ne le trouverons jamais si nous nous mettons en route pour « parcourir les lointains» : l'horizon recule devant nous et nul voyageur encore n'a traversé les rougeurs du soir. - Après ces prolégomènes, nous pouvons faire part d'une expérience apparemment sans importance et que probablement tout un chacun a vécue à « l'âge de la poésie et des aspirations », même s'il l'a oubliée à l'âge de l'action. Par une nuit d'été, dans les senteurs des lilas et sous des lueurs incertaines, le scintillement d'un regard humide l'avait frappé et le remplissait d'une promesse de bonheur indicible; le sourire mystérieux et profond l'avait traversé et 119 transformé; le charme magnétique de la figure furtive l' entourait comme dans un enchantement: le ravissement l'emporta dans son courant dissolvant et la flamme de l'amour, comme élancée par le vent, se mêlait dans son jaillissement au mouvement giratoire du firmament. Mais malheur à lui si, peu avisé, il prit cet instant d'accomplissement seulement pour une promesse, qu'il confondit le charme du phénomène avec son support physique et que le signe mystique le mena par erreur vers une relation possessive! Il ne connaîtra pas la réalisation de la promesse que la minute délimitée semblait garantir, et bien vite il trouvera au lieu de l'éclatante figure divine un être fini, limité et mesurable ! Ce que nos sens humains avaient pris pour une promesse était plutôt une gorgée bue dans la coupe de l'éros du lointain, qui nous transporte du monde tangible des choses vers la réalité des images, à jamais intangible! L'image est un leurre mystérieux :

Des lointains qui aiment donner à l'âme

Du poison sous les plus plaisants appas.

Ce qu'ils enlèvent devient beau, fût-ce

 Lieu d'horreur et de décomposition!

Ils sont l'énigme innée de la vie –

Peinte en l'univers par ses crépuscules,

La question du vivant sur l'origine;

L'aura couronne de rais l'intangible

Et s'éteint lorsque nous voulons l'étreindre.

Car les lointains ne sont jamais au lieu

Où nous sommes; mais un désir secret

Veut les approcher et les faire siens. […] 

Nous ne contestons pas le bonheur unique de la vie profonde de deux amants dévoués; mais nous contestons qu'il soit possible de répéter le frisson bouleversant des premiers instants, et nous souscrivons à l'affirmation que les premiers instants seuls déverrouillent la porte du mystère du monde, et non les jouissances des intimités secrètes- aussi humainement chaleureuses qu'elles soient. - Ce qu'on appelle le romantisme se plaçait comme aucune autre époque connue sous le signe de l'éros du lointain (tout comme le présent se place sous celui de la sexualité). Que l'on relise donc dans une strophe d'Eichendorff que la supposée promesse n'est que le sentiment humain qui accompagne l'accomplissement doux et douloureux: Les astres scintillent sur moi Avec leurs regards amoureux. Les lointains parlent dans l'ivresse Comme d'un grand bonheur futur. - Subrepticement, nous avons ainsi déjà introduit la réponse à la troisième des questions qui guident notre analyse. La première était: qu'est-ce qui se libère dans l'extase? Nous répondîmes: l'âme. La deuxième: de quoi est-ce qu'elle se libère? De l'esprit. La troisième était: qu'est-ce que l'âme libérée gagne par cette libération? Afin d'obtenir à cette question une réponse tout aussi nette, nous devons écarter d'abord la forme érotique de l'ivresse et déterminer en premier lieu quelles sont pour l'extase en elle-même les conséquences de la dépossession de l'âme.  nt

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