Claude Debussy
Il a fait toutes ses études au Conservatoire de Paris, jusqu'au grand Prix de Rome, qu'il a obtenu en 1884, avec sa cantate L'Enfant Prodigue. Une fois muni de tout le bagage classique, de toutes les connaissances qu'il lui avait été possible d'acquérir en France, il a voyagé à travers l'Europe. C'est ainsi qu'il s'est grandi. L'art populaire de la Russie l'a particulièrement impressionné et bien des musicographes montrent, dans ses oeuvres, les pages où il s'est souvenu des tziganes, comme aussi des rythmes magnifiques, des chants et des danses populaires russes.
Par la suite, Debussy a maintes fois soutenu que l'art ne doit pas être que jeu froid de l'esprit. Il voulait que la musique fut aussi près de la chair. C'est ce qui l'a poussé à écrire que « la musique doit humblement chercher à faire plaisir », et qu'il « y a peut-être une grande beauté dans ces limites » . Il faut, disait-il encore, « que la beauté soit sensible, qu'elle nous procure une jouissance immédiate, qu'elle s'impose ou s'insinue en nous sans que nous ayons aucun effort à faire pour la saisir ». Et puis, il disait encore que la musique « est le plus beau des mensonges », et qu'elle devait rester un mensonge, «sous peine de devenir une chose utilitaire et triste ». C'est cette conception de la musique toute naturelle, toute humaine, qui l'a éloigné des complications savantes et creuses d'une certaine musique qui veut, à tout prix, prouver quelque chose. Il s'agit de l'art. Sa musique n'est pas une leçon de morale, et pas davantage de philosophie. Elle n'est pas, non plus, faite pour être regardée, mais entendue. Elle ose charmer. D'ailleurs, il n'y a peut-être qu'une sorte de musique, ainsi que le disait Debussy, celle qui prend en elle-même le droit d'exister. Peu importe alors qu'elle emprunte le rythme d'une valse ou le cadre imposant d'une symphonie.
Mais Debussy n'a jamais voulu régenter personne. S'il s'est révolté contre les règles du jeu de la composition, il n'a jamais prétendu que celles dont il entendait user étaient les meilleures et les seules bonnes. Il indiquait seulement qu'elles l'étaient pour lui et il n'eut jamais nulle envie, on le sait, de contrarier sa nature. Au Conservatoire de Paris, son maître Guiraud lui demandait un jour quelle était sa règle. « Mon plaisir », répondit le jeune audacieux. Et Guiraud d'ajouter, lui qui était intelligent: « Si vous avez du génie, ça va bien. » Or, le jeune Debussy avait du génie, et il semble que les choses aient bien tourné, car il nous a laissé de nombreux et imposants chefs-d’œuvre.
D'ailleurs, la musique d'aujourd'hui s'intéresse à tous les mouvements de l'atmosphère, aux jeux du soleil, de l'eau, des arbres, de la lune et des nuages. C'est cette musique qu'on a appelée impressionniste, parce qu'elle était une musique d'impression, parce qu'elle traduisait les réactions de l'homme devant la nature. La musique de Debussy est tout cela, mais ayons soin de remarquer que cette musique n'est pas de la photographie. Elle suggère, elle évoque seulement, mais avec une éblouissante précision. Car, même si on n'en connaissait pas le titre, on devinerait que le beau poème pour piano intitulé Et la lune descend sur le temple qui fut, est un paysage lunaire. Ainsi de plusieurs autres oeuvres, qui chantent le soleil, l'eau, ou l'ombre profonde de la nuit.
Debussy a traité à peu près tous les genres: opéra, poème symphonique, musique de chambre, chœurs à capella, mélodies pour chant et piano, musique de piano, etc. Il n'a cependant pas écrit de musique religieuse au sens ordinaire de ce mot, à moins que l'on veuille considérer comme telle la musique de scène qu'il écrivit pour le Martyre de Saint-Sébastien de Gabriele d'Annunzio, et qui est de la musique religieuse au sens le plus large du mot.
Il a abordé toutes les formes et il les a, en même temps, renouvelées. Et non seulement les formes, mais la langue musicale elle-même. Il est certain qu'à ce point de vue, Debussy a eu plus d'importance que Wagner, dont l'apport s'étendit surtout dans le domaine de l'expression lyrique. On reconnaîtra toujours, dans l'histoire de la musique européenne, l'écriture d'avant Debussy et celle d'après. Debussy a changé la face des choses. Il est un point de démarcation dans l'évolution musicale.
Il faut classer dans cette catégorie le Cortège et Air de Danse. Cette musique gracieuse, où perce déjà une personnalité charmante, fait partie de la cantate L'Enfant prodigue, qui valut le grand Prix de Rome à son auteur en 1884. Ces danses sont les meilleures pages de l’œuvre. Mais ce n'est pas encore du Debussy authentique. La musique de La Damoiselle élue, qui date de 1887, en est bien davantage. La Damoiselle élue, c'est un poème lyrique pour soli, chœur et orchestre, sur un texte du poète préraphélite anglais Dante Gabriele Rosetti. C'est une musique séduisante, douce et exquise et déjà personnelle. Quant au Children's corner, c'est une suite de ravissants petits morceaux de piano que Debussy écrivit spécialement pour sa fille. La dédicace se lit ainsi: « A ma chère petite Chouchou, avec les tendres excuses de son père pour ce qui va suivre. » Dans l'une de ces petites pièces, La flûte du petit berger, il chante avec une telle tendresse émue qu'on ne peut pas, me semble, s'empêcher de l'aimer beaucoup. Après cela, une Sérénade à la poupée, délicate et fraîche, divertit les grandes personnes tout autant que les enfants.
Les Danses pour harpe chromatique ou piano et orchestre d'instruments à cordes, où se trouve Danse sacrée, d'une plastique particulièrement émouvante en sa simplicité. Elle évoque le temps lointain où, en Grèce, la danse était une prière. La Danse profane s'enchaîne sans interruption, et nous voici dans le monde moderne, dans le monde laïque, où les rythmes et les harmonies flattent les sens.
Debussy partage avec Fauré l'honneur d'avoir créé les plus belles mélodies de la musique française contemporaine. Il en a écrit une soixantaine. Autant que Fauré, mais bien différemment, il a excellé à traduire la poésie verlainienne. Et mieux que personne, il a exprimé l'atmosphère poétique de Baudelaire, Pierre Louys, Tristan l'Hermite et Charles d'Orléans. Les Ariettes oubliées, qui sont de 1880, sont déjà plus debussystes. La musique de Il pleure dans mon cœur exprime à merveille la mélancolie du poème de Verlaine, cette douce et légère mélancolie des cœurs qui ne savent pas pourquoi ils sont tristes.
La grotte, qui est de 1904, fait partie du recueil intitulé Le Promenoir des deux amants, dont le poème est de Tristan l'Hermite. On ne saurait être insensible à cette musique qui traduit d'une façon si intense l'insondable et profonde tristesse de l'eau dormante. C'est une des plus belles mélodies de Debussy.
La musique de piano de Debussy était déjà , aux environs de 1900, d'une grande nouveauté d'écriture. Elle l'est demeurée. On ne trouve nulle part des oeuvres qui ressemblent, en quelque façon que ce soit, aux vingt-quatre Préludes de Debussy. La littérature du piano offre peu d'exemples de pages aussi parfaitement neuves et réussies que La Cathédrale engloutie, L'Hommage à Rameau, les Poissons d'or ou la Terrasse des audiences du clair de lune.
La lune a intéressé tous les musiciens depuis le romantisme et certains Nocturnes de Chopin et de Fauré, par exemple, sont de merveilleux poèmes lunaires. Debussy s'est souvent inspiré de l'atmosphère et de la clarté lunaires, et les Nocturnes pour orchestre comptent parmi ses plus belles pages. Un petit morceau de piano intitulé Clair de lune est une page d'une exquise simplicité et d'un charme émouvant.
Il est souvent question de proportions parfaites de forme et de fond, à propos de l'art debussyste. Le « Prélude » intitulé La Cathédrale engloutie illustre à merveille ce miraculeux équilibre. Il ne s'agit pas ici de cathédrale qui s'écroule dans l'eau. Non plus d'un raz-de-marée. C'est une évocation, c'est un paysage réduit à l'essentiel. Mais il est grand, celui-là , par le contenu, par le ramassé du sujet évoqué. Si on tient à un sujet littéraire, on peut toujours se souvenir, ici, de la vieille légende de la ville d'Ys, engloutie par les flots. Cette légende dit, entre autres choses, que les paysans des environs d'Ys, certains soirs ou certains jours, entendaient les cloches de la cathédrale engloutie sonner au fond de l'eau. Debussy crée tout d'abord l'atmosphère dans laquelle va se dessiner le paysage. La première page est dans la brume. Peu à peu, la brume se dissipant, le dessin se fait plus net et on entend alors les cloches sonner, solennelles et claires, en do majeur. Il n'y a aucun ornement inutile dans cette cathédrale de Debussy. Aucune fioriture ne dérange les belles et nobles lignes du plan. Par ses proportions et par ses lignes, cette musique est classique et elle demeurera une chose unique dans la littérature du piano. C'est une cathédrale romane.
L'art de Debussy est beaucoup plus simple et beaucoup plus direct qu'on ne l'imagine. Il touche et charme quiconque est susceptible de l'être. Mais, assurément, cet art, il faut le prendre tel qu'il est, et l'écouter sans préjugés. Il faut s'y abandonner.
Claude Debussy marque le point de départ d'une nouvelle musique française. Car, s'il est vrai que la musique française n'est pas née d'hier, et qu'elle a connu un passé glorieux, notamment au XVIe et au XVIIe siècles, il ne faut pas oublier qu'elle a subi une douloureuse éclipse au XIXe siècle. Au sortir de la Révolution, la musique ne passionne plus l'esprit français. C'est alors que, sous la poussée des Meyerbeer, Thomas, Massé et Adam, elle a failli sombrer définitivement dans une sentimentalité honteuse et dans un classicisme de bas étage. Berlioz n'avait pas réussi à lui créer un avenir, et ni Lalo, ni Franck. ni Saint-Saëns n'avaient pu, par la suite, lui donner les titres d'originalité et de noblesse dont elle avait besoin.
Il a fallu la catastrophe de « 1870 » pour que la France, repliée sur elle-même, s'aperçût que, dans le domaine de la musique, elle venait d'être pendant longtemps tributaire de ses voisins d'Italie d'abord, d'Allemagne ensuite. La réaction vint donc, dirigée à la fois contre Wagner, dont l'influence ne correspondait pas au génie de la race, et dirigée aussi contre le romantisme. Des musiciens se trouvèrent qui eurent le courage et le bon esprit de regarder en arrière et de puiser dans leur passé. Ils trouvèrent chez des classiques comme Rameau et les Couperin, non seulement une justification de leurs goûts et de leurs tendances, mais aussi mille sources où restaurer leur esprit et leur génie. Peu à peu, à la faveur d'un orgueil national nouveau, il redevient de bon ton en musique d'être français.
Français, Bizet avait osé l'être, avec sa Carmen, que Nietzche considérait comme un modèle de musique parfaitement française. Mais pour trouver dans l'histoire de la musique française une oeuvre absolument neuve, une oeuvre complète et belle après Carmen, une oeuvre qui soit le commencement d'un âge nouveau en même temps qu'un point capital et achevé, il faut attendre la révélation de Pelléas et Mélisande de Debussy en 1902. Après cela, et si on y ajoute Ariane et Barbe-Bleue de Paul Dukas, Pénélope de Gabriel Fauré, l’œuvre symphonique de D'Indy, Florent Schmitt, Ravel, Roussel, de plus jeunes comme Milhaud et Honegger, on peut dire que la victoire est complète et définitive. Il peut désormais être question d'esthétique musicale française.
Bref, une musique pure de tout alliage a pris naissance en France et a touché son plus haut point de perfection en moins d'un demi-siècle. Et jamais l'école française n'a eu autant de vitalité qu'aujourd'hui, ni autant de curiosité, d'originalité et de diversité. Jamais elle ne s'est imposée à l'attention du monde avec autant de force persuasive et de charme.
Les noms de Debussy, Fauré et Ravel, représentent les aspects les plus caractéristiques et la personnalité essentielle de cette musique. Vincent d'Indy, Paul Dukas et Florent Schmitt paraissent être d'un autre climat, d'une autre atmosphère. Disons qu'ils sont du nord de la France, et que Debussy, Fauré et Ravel sont d'Ile-de-France.
D' Indy, en suivant la filiation Beethoven -Wagner - Franck, en même temps qu'il obéissait à sa vraie nature, n'a fait que développer et acclimater en France la «variation beethovénienne ». Il n'est pas un créateur d'images ni de langue comme le fut Debussy. Sa musique est admirablement construite, savante, émouvante aussi, mais il lui manque précisément cette étincelle qui, chez d'autres, commande l'amour. La musique de d'Indy nous parle comme du haut d'une chaire, et elle démontre toujours quelque chose. Il en est de même de Paul Dukas, qui a l'intelligence des grands classiques, mais dont l’œuvre inspire surtout le respect. On se tient à distance respectueuse des grandes constructions de ce musicien, où tout est noble et réfléchi, où la matière est comme refroidie. Florent Schmitt impressionne tout autant par sa complexité et par sa puissance, mais là aussi on se sent devant des monuments dont l'aspect et l'atmosphère nous glacent. Il y a encore Albert Roussel, disciple de d'Indy, dont l’œuvre est très belle.
Debussy a senti, un des premiers, la nécessité, pour les Français, de s'affranchir de l'esclavage étranger, du wagnérisme autant que du romantisme allemand. C'est lui, un des premiers, qui a conseillé l'étude des XVIIe et XVIIIe siècles français, le siècle de Rameau et des Couperin, où il savait qu'on retrouverait le sens et l'esprit d'une musique française qu'il conseillait de faire simplement, en l'adaptant à notre époque et aux moyens d'expression du XXe siècle, les instruments perfectionnés et les grands orchestres.
Cette musique, il voulait qu'elle soit libre, sensible et près de la chair. Il voulait qu'elle cherche humblement à faire plaisir, et qu'elle ose charmer. Il voulait qu'elle écoute les leçons de la nature et que l'imagination retrouve auprès d'elle ses droits primitifs et souverains, et qu'elle ne connaisse aucune contrainte. Cette musique, il voulait encore qu'elle prenne en elle-même le droit d'exister, dût-elle pour cela emprunter le rythme d'une valse ou le cadre imposant d'une symphonie. Il voulait qu'elle chante et qu'on puisse l'aimer tel un être de chair et d'os. Et voici qu'en marge de toutes ces théories plus ou moins païennes, paraît justement une oeuvre qui illustre avec une abondance et une éloquence rares, ces théories nouvelles et très simples. En effet, dès 1892, Debussy propose à l'attention du monde un des plus étonnants chefs-d’œuvre de tous les temps, un chef-d’œuvre plein de chaleur, palpitant de vie mystérieuse, charnel et à la fois divin.
Ce Prélude à l'Après-midi d'un Faune (inspiré d'un poème de Mallarmé), vieux de quarante ans déjà , conserve une jeunesse éternelle, et nous révèle chaque fois des frissons nouveaux. Avec ce poème symphonique et le plus simplement du monde, Debussy a changé quelque chose à la musique. Il a crée une beauté nouvelle. Pareille chose ne s'était pas produite depuis le Tristan de Wagner.
Grand créateur d'image, puissant novateur, mélodiste original, Debussy s'est crée une langue et des formes à son usage personnel. Il a agrandi et affranchi le domaine sonore laissé par Wagner, il en a augmenté la sensibilité et la subtilité; il a renouvelé l'émotion esthétique; aux gammes déjà utilisées il a ajouté des gammes anciennes et, ce qui était une audace, la gamme par tons entiers, avec l'harmonie qui en découle. Il invente une façon nouvelle d'écrire pour le piano. Ses poèmes symphoniques n'empruntent pas le moule ordinaire, non plus que son opéra Pelléas et Mélisande. Son orchestre sonne neuf.
Il sait qu'à matière nouvelle convient forme nouvelle, et il maîtrise avec le plus rare bonheur les matériaux nouveaux qu'il découvre. Au lieu de développer ses thèmes comme tout le monde, il les laisse se renouveler sans cesse, rebondir toujours vivants, telle une source jaillissante. Cette musique miraculeuse sort de l'eau, de la lumière, des arbres, de la lune, des nuages, mais aussi du cœur. Elle est une force vive de la nature.
On l'a appelée musique impressionniste, sans doute parce qu'elle est sensible à tous les mouvements de l'atmosphère, parce qu'elle traduit les réactions de l'homme devant la nature. A ce point de vue, c'est certainement Debussy qui a écrit les plus beau chefs-d’œuvre de l'impressionnisme, comme aussi ceux du «naturisme»et du symbolisme.
Cette musique est belle comme un beau corps et elle revêt toutes les séductions d'une chair adorable. On ne peut pas ne pas l'aimer si on l'aborde avec simplicité et avec abandon. Des oeuvres comme le Quatuor à Cordes, les Préludes pour le piano, qui contiennent par exemple La Cathédrale engloutie et cette impressionnante Terrasse des audiences du clair de lune, des mélodies pour chant et piano comme Il pleure dans mon cœur, La Grotte, ou encore la plus belle de toutes: La Chevelure, enfin Pelléas et Mélisande, admirable, miraculeuse réussite, bienheureux accident au même titre que le Tristan de Wagner, le Martyre de Saint-Sébastien, aucune de ces oeuvres, il me semble, ne peut laisser personne indifférent, à moins qu'on veuille résister à la caresse des plus beaux agrégats sonores qui soient, à moins qu'on soit absolument dénué de sensibilité. Ou alors, à moins que, décidément, par goût ou par nature, on n'aime pas cela...On en a bien le droit...
Gabriel Fauré a voulu, lui aussi, soumettre la musique «aux lois non écrites des belles lignes et des mouvements harmonieux».Et s'il n'a rien voulu changer aux formes établies avant lui, c'est que sa langue, son écriture, son harmonie, pouvaient s'y mouvoir sans contrainte.
L'art de Fauré est de poésie subtile, d'images et de formes sensibles. C'est un art tendre, délicat, mais vigoureux aussi.
L'harmonie, chez Fauré, est d'une extrême mobilité. Dans le cours d'une mesure, il peut voyager aux tons les plus lointains. Mais c'est quand ce jongleur semble le plus éloigné de la tonalité qu'il en est le plus rapproché. Un tour de note, et nous voici dans le ton initial.
Fauré partage avec Debussy l'honneur d'avoir crée les plus belles mélodies de la musique française contemporaine. Debussy a exprimé mieux que personne l'atmosphère poétique de Baudelaire ou de Pierre Loüys, tandis que Fauré a pénétré avec un bonheur inégalable celle de Verlaine. Les plus beaux mariages de la musique et de la poésie dans notre temps, il semble bien que ce soit Debussy et Fauré avec Baudelaire et Verlaine qui les aient consommés. Des mélodies comme Nell, de Fauré, comme Automne, le célèbre Clair de Lune, Soir, L'Horizon Chimérique, tout le recueil de la Bonne Chanson et celui de la Chanson d'Eve, sont autant de pages éternelles. Un opéra comme Pénélope marque aussi, à sa manière, une date dans l'histoire de la musique française.
L’œuvre pianistique de Fauré est moins répandue que son oeuvre vocale, parce que plus difficile et toute intérieure, et parce qu'elle ne flatte pas le virtuose. Mais que ce soit dans les Barcarolles, dans la musique de chambre ou dans les Nocturnes, personne, au dire de son biographe Charles Koechlin, n'a su mieux que Fauré exprimer la pénombre et la mélancolie des soirs, la clarté lunaire et les ténèbres de la nuit.»
Léo-Pol Morin, Musique, Montréal, Beauchemin, 1946