Brutus
César a toujours traité Brutus comme son protégé, ce qui n'empêcha pas le fils de Servilia de prendre le parti de Pompée dans la guerre civile entre Pompée et César. C'était la cause de la République que Brutus embrassait en prenant les armes contre son protecteur.
Et quel fut le premier souci de César après sa victoire contre Pompée? Retrouver Brutus, s'assurer qu'il était toujours vivant. Dans des circonstances où Alexandre aurait trouvé un raison supplémentaire de croire qu'il était un dieu, César faisait preuve de la plus humble...et de la plus noble humanité. D'où l'insondable douleur qu'il éprouva lorsque Brutus tourna son poignard vers lui. «Toi aussi, mon fils!»
On pense qu'en cette occasion suprême, César aurait eu recours à la langue des Romains bien nés et bien nourris, la langue grecque, qu'il aurait dit: Kaï sù, tèknon!
La majorité de ceux qui ont une opinion sur Brutus la tienne de Shakespeare qui en fit le personnage principal d'une pièce pourtant intitulée Jules César. Shakespeare est si favorable à Brutus qu'on vient sous son influence à penser que le fils de Servilia a fait un grand honneur au à l'amant de sa mère en le frappant, que son coup de poignard est le premier titre de gloire du vainqueur des Gaulois.
Jugement de Shakespeare sur Brutus, dans Jules César.
C'est Antoine qui parle :
«De tous les Romains, ce fut là le plus noble. Tous les conspirateurs, excepté lui, n'agirent que par envie contre le grand César : lui seul pensait loyalement à 1'intérét général et au bien public, en se joignant a eux. Sa vie était paisible; et les éléments si bien combinés en lui, que la nature pouvait se lever et dire au monde entier: c'était un homme!»
Toujours dans Jules César, voici le discours de Brutus après la mort de César.
«Romains, compatriotes et amis, entendez-moi dans ma cause, et faites silence afin de pouvoir m'entendre. [...]. Censurez-moi dans votre sagesse, et faites appel à votre raison, afin de pouvoir mieux me juger. S'il est dans cette assemblée quelque ami cher de César, à lui je dirai que Brutus n'avait pas pour César moins d'amour que lui. Si alors cet ami demande pourquoi Brutus s'est levé contre César;-voici ma réponse : Ce n'est pas que j'aimasse moins César, mais' j'aimais Rome davantage. Eussiez-vous préfère voir César vivant et mourir tous esclaves, plutôt que de voir César mort et de vivre, tous libres? César m'aimait, et je le pleure; il fut fortuné, et je m'en réjouis; il fut vaillant, et je l'en admire; mais il fut ambitieux, et je l'ai tué ! Ainsi, pour son amitié, des larmes; pour sa fortune, de la joie; pour sa vaillance, de l'admiration ; et pour son ambition, la mort! Quel est ici l'homme assez bas pour vouloir être esclave! S'il en est un, qu'il parle, car c'est lui que j'ai offense. Quel est ici l'homme assez grossier pour ne vouloir pas être Romain? S'il en est un, qu'il parle ; car c'est lui que j'ai offensé. Quel est l'homme assez vil pour ne pas vouloir aimer sa patrie? S'il en est un, qu'il parle; car c'est lui que j'ai offensé... J'attends une réponse.»
SHAKESPEARE, Jules César, III, 2 (trad. François-Victor Hugo, Paris, Pagnerre, 1872)