Individualisme

De Tocqueville: de l'indivualisme dans les pays démocratiques
«L'individualisme est une expression récente qu'une idée nouvelle a fait naître. Nos pères ne connaissaient que l'égoïsme.

L'égoïsme est un amour passionné et exagéré de soi-même, qui porte l'homme à ne rien rapporter qu'à lui seul et à se préférer à tout.

L'individualisme est un sentiment réfléchi et paisible qui dispose chaque citoyen à s'isoler de la masse de ses semblables et à se retirer à l'écart avec sa famille et ses amis; de telle sorte que, après s'être ainsi créé une petite société à son usage, il abandonne volontiers la grande société à elle-même.

L'égoïsme naît d'un instinct aveugle; l'individualisme procède d'un jugement erroné plutôt que d'un sentiment dépravé. Il prend sa source dans les défauts de l'esprit autant que dans les vices du cœur.

L'égoïsme dessèche le germe de toutes les vertus, l'individualisme ne tarit d'abord que la source des vertus publiques; mais, à la longue, il attaque et détruit toutes les autres et va enfin s'absorber dans l'égoïsme.

L'égoïsme est un vice aussi ancien que le monde. Il n'appartient guère plus à une forme de société qu'à une autre.

L'individualisme est d'origine démocratique, et il menace de se développer à mesure que les conditions s'égalisent.»

ALEXIS DE TOCQUEVILLE, De la démocratie en Amérique II, deuxième partie, chapitre II: De l'individualisme dans les pays démocratiques.

Enjeux

«À bien des égards et contrairement à ce que l'on dit parfois, lorsqu'on invoque les tribus, les clans, les nouvelles communautés, il n'y a nullement épuisement de l'individualisme, mais spirale de sa dynamique. J'en veux pour preuve les nouvelles consommations liées aux technologies de la communication et de l'information, la montée des religions à la carte et émotionnelles, la désintitutionnalisation de la famille et, bien sûr, le culte de la santé et de la forme, la recherche de la beauté à tout prix, le refus de vieillir, la surconsommation de médicaments et de psychotropes, l'escalade des régimes et de l'alimentation saine.»

GILLES LIPOVETSKY, «Narcisse au piège de la postmodernité?», dans Métamorphoses de la culture libérale. Éthique, médias, entreprise. Montréal, Éditions Liber, 2002.



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Individualisme et modernité (Alain Touraine)
«Le monde moderne, qui libère l'individu, le soumet à de nouvelles lois, tandis que le monde religieux, bouddhique ou chrétien, affirmait la liberté de l'individu en Dieu een même temps qu'il le soumettait à la tradition. Au lieu d'associer l'individualisme au monde moderne, il faut découvrir dans toutes les sociétés, anciennes et modernes, des formes de soumission de l'individu à la collectivité, mais aussi les recours dont il dispose contre celle-ci. C'est pourquoi, dans le retour actuel des religions et des morales d'inspiration religieuse, il faut voir à la la fois la revanche de l'individu contre les mobilisations sociales et politiques associées à la modernisation, qui ont pris des formes extrêmes dans les régimes totalitaires.»

ALAIN TOURAINE, Critique de la modernité, Fayard, 1992

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