Glazounov Alexandre

1865-1936
«Glazounow est un musicien que l'on situe assez mal dans la production musicale actuelle. Sait-on seulement que ce musicien russe, né en 1865, a connu une grande célébrité, et qu'il est mort il y a quelques années à peine, en 1936, à Paris? Pour les jeunes générations, Glazounow était un homme du passé, un musicien du 19e siècle oublié dans notre temps. Il est vrai qu'il vivait à l'écart du mouvement musical de son pays, surtout depuis la dernière révolution russe.

Glazounow a plus d'un trait de ressemblance avec Mendelssohn, à qui on l'a quelquefois comparé. Sa position sociale, son influence dans la musique russe, correspondent un peu à celle de Mendelssohn dans la musique allemande. Sa situation de famille rappelle par l'aisance celle de la famille Mendelssohn. Fils d'un riche libraire, héritier de la Maison Balaieff, éditeurs de musique, il a connu le même luxe, le même confort, les mêmes facilités dans la carrière, que Mendelssohn. Ce bonheur, ce manque d'inquiétude, sa musique en est pleine. Et c'est ce qui fait qu'elle n'est jamais d'une sensibilité pathologique. Son classicisme heureux est infiniment plus proche de Saint-Saëns que de Brahms, dont on dit qu'il subit l'influence.

N'a-t-on pas dit des gens heureux qu'ils sont sans histoire? Eh bien! Alexandre Glazounow fut célèbre à Saint-Pétersbourg, sa ville natale, dès l'adolescence. Il a dix-sept ans quand on dirige sa première symphonie et il en a vingt quand il fait entendre Stenka Razin, d'où est sorti le célèbre Chant de la Volga qui a fait le tour du monde. Car c'est lui, l'auteur du Chant de la Volga.

D'une fécondité étonnante, Glazounow n'a jamais cessé d'écrire. Le catalogue de ses oeuvres comprend huit symphonies, cinq suites d'orchestre, des sérénades, des fantaisies, des concertos, dont celui de violon en la mineur, de la musique de chambre, sans compter des oeuvres de circonstance comme l'Hymne à Pouchkine, la Cantate du Couronnement, la Marche Triomphale pour l'Exposition de Chicago de 1893, enfin et parmi d'autres encore, l'Ouverture Solennelle qu'il dirigea lui-même à New-York en 1930. Glazounow a touché à tous les genres, sauf à l'opéra.

Mais Glazounow n'a jamais été un novateur, ni un chef d'école au sens révolutionnaire du mot. Ses disciples, il les doit bien plus à son enseignement qu'à l'influence de ses oeuvres. Son art essentiellement savant et académique devait admirablement servir ses démonstrations pédagogiques, surtout à une époque où le métier parfait était encore peu répandu en Russie. On trouvait réponse à tout dans son savant bagage. Tous les problèmes y étaient résolus selon des lois fixes, conformes aux règles déjà établies par son maître Rimsky-Korsakow.

On retrouve cependant l'influence de Glazounow chez les partisans de la musique pure, chez Scriabine autant que chez Strawinsky ou Prokofieff. On la trouve même chez les jeunes musiciens de la Russie Soviétique comme Shostakovitch, imprécise et désordonnée, sans doute, ce qui prouve combien l'académisme s'est profondément enraciné dans les écoles de Moscou et de Leningrad.

Malgré sa célébrité et sa gloire, Glazounow est toujours demeuré un homme simple. Les fêtes splendides de son jubilé en Russie, aux environs de 1907, il les a accueillies avec modestie, et il a laissé partout le souvenir d'un cœur généreux et désintéressé. Personne ne peut dire ce que deviendra sa musique. Après une éclipse souvent inévitable immédiatement après la mort, il se peut que la musique de Glazounow retrouve le succès d'autrefois le jour où, fatigué de l'anarchie ou de l'absence de beau métier, on reprendra goût aux choses bien faites, fussent-elles froides et impersonnelles. Le retour ou l'entrée triomphale de Rossini dans l'arène symphonique ouvre la porte à toutes les possibilités.»

Source: Léo-Pol Morin, Musique, Montréal, Beauchemin, 1946.

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