Abdou Diouf

À 25 ans, il fut nommé gouverneur de la région de Liné-Loum. Nous avons évoqué cette étape importante de sa carrière. Nous le retrouverons dans le rôle de secrétaire général de la présidence. C'est à ce moment qu'il collaborera à la rédaction du traité qui devait donner naissance à l'ACCT, première institution de ce que certains appelaient déjà la francophonie. Il est en droit aujourd'hui de dire qu'il a été associé de très près à toute l'histoire de la francophonie. Senghor le nommera Premier ministre en 1970, il avait alors 35 an. " Je n'avais qu'un souci en tête bien gérer le quotidien pour permettre au poète-président de pousuivre son travail créateur sur le plan littéraire et sur le plan pratique. Senghor, Abdou Diouf se plaît à le rappeler, ptéférait qu'on l'appelle le poète-président plutôt que le président-poète. Chaque chose à sa place!

Un chef d'état en régime démocratique ne désigne pas son successeur. Senghor avait pourtant chosi le sien et lui avait fait savoir dès 1964 :" Soutenez bien votre mari, avait=-il dit à Mme Diouf, il sera mon sucesseur." La constitution prévoyait qu'en cas de mort ou de démission du président, c'est le président de l'Assemblée qui devait lui succéder. Senghor fit amender la constitution. Ce serait dorénavant le Premier ministre qui serait le dauphin. l'amendemant fut voté quelques années avant la date que Senghor avait prévue pour sa dé.mission.

Était-ce là une atteinte à cette démocratie naissante qui faisait du Sénégal un modèle pour l'ensemble de l'Afrique? De toute évidence, l'état de droit encore fragile devait être consolidé. Senghor le savait, et en faisant le nécessaire pour que Abdou Diouf lui succèdeil donnait pour chef à son pays un homme sage et ferme, plus intéressé par l'avenir de l'État que par celui de son propre parti politique. À égalité avec les autres aspirants à la présidence, l'aurait-il emporté? Il eut besoin de tout son savoir-faire pour les empêcher de faire tomber son gouvernement avant la démission de Senghor et devenir alors Premier ministre à sa place puis président.

Il fut élu avec une forte majorité en 19983 mais cette majorité diminuera progressivement jus'qu'à la défaite de 2000 aux mains d'un rival de longue date &&&&&&&&&&&&&& Mais voilà un sentier de la défaite qui est un sentier de la gloire pour un pays.

Perdre et accepter sa défaite et donc l'alternance au pouvoir c'est confirmer la solidité des insituttions démocratiques dans un pays. Senghor demeurait un phare pour l'Afrique.

Mais l'essentiel est ailleurs, dans une justice qu'il faut aimer et défendre par delà les partis politiques et parfois en dépit d'eux. La démocratie au sens d'élection du peuple par la majorité n'est rien sans la justice, sa seule vertu étant d'être l'expression de cette volonté générasle qui, dans certaines conditions, en l'absence de passions paritsanes, sert mieux la justice que le jugement et la volonté d'un seul.

Mais que vaut la démocratie si d'une part la majorité se laisse manipuler par des démagogues et si, de l'autre, le chef, tel un dompteur de gros animal distribue les &&&& et les coups de fopuet pour se maintenir au pouvoir?

De toute évidence, Abdou Diouf se méfiait des partis de son pays. Ce qui ne l'a pas empêché de les multipier en permettant le multipartisme. Senghor avait limité à quatre le nombre de partis politiques dans son pays. " La France en a cinq, disait-il, quatre devraient suffire au Sénégal. " C'était un progrès dans un pays où le parti du poète-président, le parti socialiste, occupait tout l'espace.

Mais dans ce contexte de nombreux dissidents n'avaient pas voix au chapitre, ce qui paraissait malsain à Diouf. C'est pourquoi dès son arrivée au pouvoir, il a institué le multipartisme, au risque d'être accusé de désenghorisé!

Il le fit toutefois dans les limites de la raison. Comme il l'avait fait une première fois en tant que conseiller de Senghor, il interdit tout parti islamiste ou fondamentaliste, quelle que soit la religion en cause. Rétrospectivement, Senghor et lui apparaissent comme des visionnaires sur ce plan. Dans la défense du caractère laïc de l'État et par là même de la séparation des pouvoirs, ils ont fait preuve d'une édtermination exemplaire. Ils ont respecté les religions et maintenu de bonnes relations avec leurs chefs. Sur ce plan crucial, Abdou Diouf ajouta l'exemple personnel à la fermeté en tant que chef d'état. Il était musulman, sa femme était catholique. Ils laissèrent le libre choix de leur religion à leurs quatre enfants. Si bien qu'on trouve dans les couples qu'ils formèrent toutes les combinaisons possibles entre les grandes religions monothéistes. "Nous sommes tous des fils d'Abraham, " se plaît à dire Diouf. " Je n'ai pas, ajoute-t-il , &&& à l'esprit de ma religion qu'à la lettre." Au nom de cet esprit, il n'hésite pas à condamner les Islamistes et autres fondamentalistes qui misent sur la violence comme des hérétiques.

S'il laissa à ses enfants le choix de leur religion, il leur a interdit, avec succès, la carrière politique et celle dans l'administration publique où les conflits d'intérêt seraient inévitables, disait-il. Il échappa ainsi à l'un des pièges les plus dangereux en politique: : le népotisme si fréquent en Afrique en raison de l'importance qu'on y donne à la famille.

Cette vénérable institution est ce qui donne bon visage à la corruption qui n'a pas épargné la &&& de la démocratie en Afrique. Abdou Diouf a couru le risque de renforcer les lois contre la corruption et de tenter de les appliquer. Il alla jusqu'à instituer une loi contre l'enrichissement excessif!

Certes les lois habituelles contre la corruption auraient pu suffire, mais la preuve s'avérait pratiquement impossible à établir, tant les profiteurs avaient de complices dans la société civile et l'administration. Tout le monde savit que tel ou tel fonctionnaire était corrompu; quand venait le temps de témoigner contre lui, tout le monde se défilait. Il ne restait qu'à faire de la richesse mal acquise une preuve. Abdou Diouf s'est-il inspiré de la loi de la Grèce antique sur l'ostracisme? C'est la richesse elle--même, bien ou mal acquise, que les premiers fondateurs de la démocratie condamnaient parce qu'elles se substituaient facilement à la raison comme moyen d'influencer le vote. Cette loi a donné lieu à de graves abus, mais la loi sénégalaise hélas! même si elle ne visait que les richesses mal acquises est demeurée inopérante. Diouf reconnaît son échec sur ce plan. Dans sa lutte contre la corruption, il s'attaquait indistinctement à des membres de son parti et aux autres citoyens. C'est l'une des causes de sa perte de popularité.

Il y eut bien d'autres causes dont l'obligation dans laquelle il se trouva d'exécuter l'ajustement structurel que la Banque mondiale et les autres grandes institutions financières internationales imposent aux pays en voie de développement. Le Sénégal fut l'un des premiers pays touchés par cette expérience.

Le prix de vos produits agricoles est trop bas, a-t-on dit, réduisez les subventions aux paysans. Ce qu'il fit. Et il advint ce qui devait advenir: désordres sociaux, grève des étudiants. Jusqu'au jour où les mêmes autorités internationales reconnurent qu'elles avaient commis une erreur en exigeant des mesures si drastiques. Aujourd'hui ce sont les pays les plus pauvres qui réclament une réductiuon des subventions à l'agriculture dans les pays riches. Ils ont moins de succès...

Cose remarquable, quand Diouf a abordé cette question dans son entretien avec Philippe Santeny, il ne s'est pas emporté contre les néo-libéraux qui avaient plongé son pays dans le marasme. Il a raconté les faits avec l'objectivité du professeur de science économique. Le ton ne monte chez lui que lorsque l'âme s'élève, que lorsqu'il dénonce un mensonge ou une injustice ou défend un principe fondamental comme la séparation des pouvoirs religieux et politiques.

C'est avec le même sentiment &&& qu'il a imposé à son pays une dévaluation de la monnaie nationale de 50%, ce qui provoqua une autre chute de sa popularité, mais rendit son économie plus compétitive, avantage dont le Sénégal aurait pu profiter davantage n'eût été des désordres sur la place publique.

À l'occasion de chaque crise majeure dans son pays, il a tendu la main aux chefs des principaux partis d'opposition à &&& en particulier, l'actuel président du pays. Cela lui a permis d'éviter une exaspération de la crise.

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