Turin entre doute et espoir à l'heure des Jeux olympiques

Sénat français - Groupe d'amitié France-Italie
Il est devenu clair aux yeux des Turinois que, quelles que soient les décisions à venir des dirigeants de FIAT sur les localisations des unités de production du groupe, la capitale piémontaise n'en sera plus le centre. Après avoir perdu en vingt ans près de 100.000 emplois, il ne reste à Turin que 16.000 salariés dans le secteur de l'automobile, dont l'avenir reste en suspens. Le risque existe que l'activité industrielle s'interrompt en fait définitivement, et que Turin n'abrite plus dans le futur que le siège de la direction opérationnelle avec, le cas échéant, une production de niche dans les voitures de luxe.

Un certain nombre d'indicateurs négatifs peuvent être cités. En premier lieu, le redimensionnement des usines FIAT, commencé dès le début des années 80, a provoqué une implosion démographique dont les effets se font toujours sentir aujourd'hui. Turin comptait, en effet, une population de 1,2 million d'habitants au milieu des années 1970, contre un peu plus de 900.000 en 2003. De plus, la moyenne d'âge des Turinois s'accroît au détriment des moins de 35 ans. On note parallèlement l'augmentation d'une population immigrée marginalisée, peu intégrée, constituée surtout de marocains, sénégalais, nigérians, albanais et philippins.

Turin garde toutefois de nombreux atouts pour réussir le passage à l'après FIAT. Mettre fin à la dépendance quasi exclusive de Turin de la seule industrie automobile n'est pas un thème nouveau pour les responsables politiques et économiques locaux. La crise des années 80 avait déjà provoqué une prise de conscience de la nécessité de se diversifier pour survivre. La ville a ébauché depuis lors une transformation profonde qui touche non seulement le secteur économique, mais aussi des domaines aussi variés que l'urbanisme ou le patrimoine culturel.

Turin dispose en effet, à la différence d'autres grandes villes italiennes, d'un important patrimoine immatériel, fait de savoirs et de compétences professionnelles, qui constitue une ressource décisive pour affronter les changements en cours. Pour beaucoup, même sans la FIAT, Turin possède encore un avenir dans l'automobile, pour autant qu'elle sache faire fructifier le savoir faire incomparable accumulé au fil des ans dans ce secteur. Des entreprises comme Pininfarina ou Bertone, par exemple, ont su démontrer qu'elles étaient capables de prospérer dans un domaine de pointe, le design automobile, grâce à des commandes de constructeurs étrangers et à un désengagement progressif à l'égard de FIAT.De très nombreuses PME impliquées dans la production de composants automobiles ont suivi un chemin similaire et ont réussi à diversifier leurs activités et leurs clientèles. Turin ambitionne en fait de devenir un pôle d'excellence pour l'automobile, en misant sur le travail intelligent, créatif et à forte valeur ajoutée.

La culture du travail et le talent d'entrepreneur des industriels turinois ont trouvé à s'exercer dans d'autres secteurs prometteurs. S'appuyant sur des centres de recherche parmi les plus en pointe d'Italie, et sur une université et une école polytechnique de grande qualité, Turin a réussi en peu de temps à devenir une ville phare en Italie en matière de nouvelles technologies et l'information et des services (53 sociétés et plus de 140.000 salariés répertoriés). Des entreprises aussi emblématiques que Motorola, Colt ou Alenia se sont ainsi récemment installées près de Turin.

Cet élan est la conséquence d'une mobilisation de toutes les forces vives du monde des affaires et politique qui, dès 1997, ont entrepris de favoriser la diversification des activités de production et de séduire les investisseurs étrangers. La création de Torino internazionale, organisme chargé de vendre Turin à l'étranger, et de l'Agence pour les investissements à Turin et au Piémont (ITP) ont été les instruments de cette politique qui a conduit à attirer à Turin plus de cinquante entreprises étrangères dans la période comprise entre 1998 et 2003 ;

Les Jeux Olympiques d'hiver, en 2006, constituent une grande opportunité, susceptible de servir d'accélérateur pour les mutations en cours, et de favoriser des projets de rénovation urbaine. De fait, de nombreux chantiers parsèment la ville, dont les plus importants sont la construction d'un métro et celle de la nouvelle gare ferroviaire. Les Jeux Olympiques sont également l'occasion pour Turin d'exploiter des possibilités supplémentaires de développement économique et touristique. Sans prétendre rivaliser avec des villes comme Venise ou Florence, Turin entend bien valoriser des richesses culturelles non négligeables et encore peu connues de l'extérieur (musée égyptien, musée du cinéma...). La municipalité tente aussi d'imposer la ville, qui a toujours été à l'avant-garde dans ce domaine, comme la référence en Italie en matière d'art contemporain, et de lui donner ainsi une image de modernité et de dynamisme.

De nombreux dirigeants turinois sont enclins à considérer que l'avenir de leur ville passe par un redimensionnement régional et européen. La réalisation de l'axe ferroviaire à grande vitesse Lyon-Turin-Milan est au coeur de ces projet et revêt un caractère crucial pour les Turinois : Milan serait en effet à 40 minutes, et Lyon à 1H30. L'idée d'une nouvelle aire urbaine regroupant Milan et Turin, forte de six millions d'habitants et dotée d'un énorme potentiel économique, commence à faire son chemin, même si la rivalité historique entre ces deux villes demeure encore bien présente. Conscients par ailleurs des futurs enjeux à l'échelle de l'Europe, les décideurs turinois envisagent avec de plus en plus de faveur la constitution d'une euro-région, qui pourrait réunir le Piémont, Rhône-Alpes et éventuellement PACA.

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