Le Bernin et l'étude de l'antique
Examinons un moment cet aveu remarquable: on peut en tirer un argument contre l’artifice qui l’a fait, et une preuve frappante de l’excellence des ouvrages Grecs. Bernin reconnaît que la Vénus de Médicis lui a fait voir des beautés dans la nature qu’il n’y avait pas encore découvertes, et que vraisemblablement il n’y aurait jamais cherchées, puisque cette statue a pu seule lui en faire imaginer l’existence. Que faut-il donc conclure de sa déclaration? C’est qu’il est évident que les plus belles lignes de beauté se découvrent plus aisément dans les statues grecques que dans la nature même; qu’elles y sont moins dispersées, et qu’elles produisent une impression plus puissante et plus sensible, étant réunies dans ces copies sublimes, que lorsqu’elles sont éparpillées dans l’original.
En convenant que l’étude de la nature est absolument indispensable aux artistes, il faut convenir aussi que cette étude conduit à la perfection par une route plus ennuyeuse, plus longue et plus difficile que l’étude de l’antique. Les statues grecques offrent immédiatement aux yeux de l’artiste l’objet de ses recherches: il y trouve réunis dans un foyer de lumière les différents rayons de beauté divisés et épars dans le vaste domaine de la nature. Ainsi quand le Bernin exhortait les jeunes artistes à étudier la nature choisie, il leur donnait sans doute un bon avis, mais il ne leur montrait pas la route la plus courte pour arriver à leur but.
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(I) Voyez Baldinucci, Vita del cav. Bernino (retour au texte)