Pour un véritable débat sur la gestion de l'eau au Québec

Michel Patry
Écologogie et économie, deux mots dont l'étymologie est voisine. Michel Patry s'efforce de montrer comment le souci de l'une et de l'autre de discipline peut conduire à un bon partage des rôles entre le privé et le public dans la gestion de l'eau.
Pourquoi débattre?

Pourquoi faudrait-il débattre de la gestion de l'eau au Québec? Les québécois ne disposent-ils pas d'un approvisionnement en eau de grande qualité à des coûts ridicules? À qui servirait d'engager un débat public sur ces questions?

La recherche effectuée depuis quelques années par un groupe de chercheurs du Centre interuniversitaire de recherche en analyse des organisations (CIRANO) permet d'apporter des éléments de réponse à ces questions. Nos travaux sont cependant limités au traitement de l'eau potable et des eaux usées, et le présent article se limitera à l'examen de ces questions. Bien entendu, une politique de l'eau devra également composer avec plusieurs autres enjeux d'importance, comme la question des eaux souterraines ou celle de l'exportation de l'eau.

Pour quelle raison devrions-nous procéder à un examen minutieux de nos modes de gestion de l'eau au Québec? Nous pensons que le temps est venu d'évaluer notre performance en matière de gestion de l'eau. La rareté de la ressource, de même que sa valeur stratégique et symbolique justifient pleinement que cet examen soit entrepris. Ce qui surprend, c'est que la gestion de l'eau n'ait jamais reçu ici l'attention qu'elle devrait avoir et qu'elle reçoit ailleurs dans le monde Peut-être est-ce parce que le Québec est privilégié au plan des ressources hydriques.

Notre assurance serait-elle signe de négligence ou même de complaisance? Il se pourrait bien que ce soit le cas. L'eau est perçue comme étant abondante et peu coûteuse dans notre coin du monde. À l'opposé, le Canada et le Québec ont été confrontés au défi de composer avec un éparpillement de la population sur un vaste territoire. Nos industries des communications et du transport se sont développées pour surmonter ce défi. Le résultat est que les entreprises canadiennes et québécoises de télécommunications et de transport se hissent en tête du peloton de tête mondial pour leur capacité d'innovation, la qualité de leurs produits et leur productivité. Notre gestion de l'eau supporte-t-elle la comparaison avec celle de d'autres pays? Avec d'autres secteurs d'activité?

En définitive, seule une évaluation de la performance de nos institutions, de nos politiques et de nos modes de gestion permettra de porter un jugement. Cette évaluation suppose que nous ayons à notre disposition un cadre normatif ou des critères pour juger de cette performance. Nous esquissons les grandes lignes d'un tel cadre normatif dans les prochains paragraphes. Puis, nous revoyons rapidement certaines données sur la gestion de l'eau au Québec. Enfin, nous suggérons que cet exercice justifie que l'on étudie sérieusement plusieurs modifications au mode actuel de gestion de l'eau.

Comment juger de la performance?

Une particularité de l'eau est qu'elle doit être considérée à la fois comme un bien ou une ressource économique et comme un bien social. La gestion efficace d'une telle ressource est donc compliquée par la poursuite de plusieurs objectifs simultanément.

Certains s'objecteront tout de suite à l'affirmation que l'eau est une ressource économique. Curieusement, ce sont souvent les mêmes personnes qui prônent une gestion écologique de la ressource. Les deux perspectives, loin de s'opposer, sont pourtant conciliables. Dire de l'eau qu'elle est une ressource économique signifie précisément que cette ressource est rare. C'est cette rareté qui lui donne une valeur et qui justifie que nous cherchions à éviter tout gaspillage et à préserver la ressource. De plus, nous savons que cette valeur ira en s'accroissant au cours des prochaines années, puisque la demande mondiale d'eau potable croît très rapidement. Par exemple, l'ONU prévoit que seule une poignée de pays à l'échelle de la planète ne souffriront pas de stress hydrique en 2025. Le Canada est parmi ce petit groupe de pays riche en«or bleu». L'eau est donc une ressource rare qui peut et doit être vue dans son«économie».

Le caractère économique de la ressource renvoie également à son coût: l'eau potable doit«être produite», traitée, transformée. Cette transformation, ce traitement ont un coût qui est très méconnu parce que nos gouvernements ont opté pour un financement public des infrastructures et des coûts d'opération. Ce coût est non négligeable. Pour une grande ville, comme Montréal, il peut facilement dépasser les cent millions de dollars annuellement. L'eau a donc un coût, même si son prix apparent pour le citoyen est souvent nul (notons que ce n'est pas le cas de tous les utilisateurs: les utilisateurs industriels, en majorité, paient un prix pour chaque litre utilisé).

La perspective écologique met en évidence l'interdépendance des systèmes dans un vaste écosystème et la nécessité de préserver la ressource pour les générations futures. Or l'expérience du vingtième siècle montre assez clairement que le meilleur moyen de détruire une ressource ou un écosystème, c'est d'en ignorer la logique économique. L'air pur est un bien rare, comme les stocks de morue. L'absence de réglementation économique de ces ressources est la principale cause de leur détérioration. Il n'en va pas autrement de l'eau!

Pourtant, l'eau n'est pas une«ressource comme les autres». Les utilisateurs d'eau ne détruisent jamais complètement la ressource et la retournent à l'environnement. Ils génèrent ainsi ce que les économistes appellent des externalités. La présence de telles externalités signifie qu'un marché, abandonné à lui-même, ne parviendrait pas à une gestion socialement et économiquement désirable. D'où son caractère social. De quoi résulte ce que nous appelons l'impossible démission de l'état dans ce dossier. Il ne s'agit pas de débattre si l'état doit jouer un rôle ou si celui-ci doit s'éclipser devant les entreprises privées. Il s'agit, au contraire, de voir quel rôle l'état doit jouer et quelles responsabilités, s'il en est, il doit confier à d'autres agents économiques et sociaux.

Ces considérations ont mené l'équipe de chercheurs du CIRANO à identifier quatre critères pour évaluer la performance des institutions dans la gestion de l'eau. Ces quatre critères, ou objectifs que la gestion de l'eau devrait poursuivre, sont: l'efficacité, l'équité, l'imputabilité et le développement économique. Ces quatre critères sont fondamentaux mais ne sont pas toujours compatibles entre eux. Une des fonctions essentielles d'un gouvernement consiste à trouver le compromis socialement désirable entre ces valeurs. Il s'agit là d'une première tâche qui est dévolue à nos gouvernements et qu'aucune autre institution ou corps social ne peut assumer dans un régime démocratique.

Passons en revue chacun de ces critères de performance.

Qu'est-ce qu'une gestion efficace? C'est produire à moindre coût, éviter tout gaspillage. C'est chercher constamment les améliorations et les innovations qui sont susceptibles d'économiser la ressource et les ressources qui entrent dans le traitement de l'eau. C'est également donner l'assurance que l'eau potable produite soit de meilleure qualité, qu'elle respecte les meilleures normes. L'efficacité signifie également que la ressource est allouée d'abord aux utilisateurs pour qui celle-ci a la plus grande valeur. Enfin, l'éco-efficacité implique une gestion soucieuse du développement durable.

Cette recherche d'efficacité est toujours contingente à un environnement physique et à un état des choses donnés. C'est ce qui rend les comparaisons des coûts ou des prix de l'eau entre villes ou régions si difficiles à effectuer. Toute comparaison fondée méthodologiquement doit faire intervenir de nombreux facteurs, tels la proximité et la qualité des sources d'approvisionnement, l'étendue et la topologie du territoire à desservir, la taille et la densité de la population visée, les normes de qualité en vigueur, la vétusté des infrastructures, etc. De nombreuses études sur la performance relative dans la gestion de l'eau sont tombées dans le piège de comparer les fameuses «pommes» avec les non moins fameuses «oranges»!

L'équité est évidemment une question plus subjective. Certains principes semblent cependant faire l'objet d'un consensus assez large dans la population. Ainsi, en ce qui concerne la gestion de l'eau, peu s'objecteront au principe d'un accès universel. L'eau étant un bien essentiel à la vie, une société prospère et juste doit permettre à chacun l'accès à cette ressource. Remarquons que cet objectif n'implique pas la «gratuité» de l'eau, telle que la plupart des québécois la connaissent présentement. Assurer à chaque citoyen, à un coût abordable, l'accès à une eau potable de qualité n'implique en rien qu'un usager puisse consommer n'importe qu'elle quantité d'eau pour tout usage qui lui sied.

Un second principe dérivant de l'objectif d'équité qui reçoit un appui très large dans la population est celui de «l'utilisateur-payeur». On admet assez facilement qu'au-delà des besoins essentiels, les utilisateurs d'une ressource doivent normalement supporter le coût de leur consommation. C'est cette logique qui est invoquée par les administrations municipales lorsque celles-ci tarifent les utilisateurs industriels et commerciaux selon leur volume de consommation (notons au passage que ce ne sont pas tous les utilisateurs commerciaux et industriels qui paient l'eau au compteur).

Un troisième principe d'équité est celui de la redistribution des richesses en faveur des individus ou des ménages les moins fortunés. C'est ce principe très général qui est parfois invoqué pour favoriser un abaissement des tarifs aux locataires, qui sont, dans l'ensemble, moins fortunés que les propriétaires. L'argument redistributif n'est pas sans valeur, mais plusieurs se demandent si cet objectif n'est pas davantage et mieux servi par les gouvernements centraux qui disposent, notamment, de l'impôt sur le revenu pour moduler une politique de redistribution. D'autre part, mentionnons que la gestion présente de l'eau au Québec génère de nombreux transferts de revenus dont on parle peu: transferts de revenus au bénéfice des gros utilisateurs (comme certains usagers commerciaux, comme les propriétaires de piscines, de jardins et d'automobiles) et de certains groupes d'employés dans les cas où la gestion locale est peu efficace.

L'imputabilité de la gestion de la ressource signifie que l'État a un rôle incontournable à jouer et que, quel que soit le mode de gestion retenu, les citoyens tiendront toujours les élus pour les responsables ultimes de la performance sociale. Ceci n'est pas sans poser certaines difficultés. En effet, la gestion de l'eau implique que des investissements importants, d'une longue durée de vie et qui sont peu visibles soient réalisés. Or les élus, on le sait, ont souvent un horizon temporel relativement court. On ne peut d'ailleurs le leur reprocher. Ces derniers ne font que s'ajuster aux contraintes et incitations générées par nos institutions politiques. Pourtant, il serait dans l'intérêt de la collectivité que les décisions concernant les investissements dans les infrastructures et l'entretien de celles-ci soient prises avec un long horizon. C'est une des difficultés confrontant tout mode de gestion de l'eau, qu'il fasse ou non intervenir des entreprises privées. Cette question est donc au centre du problème de design institutionnel: quel ensemble de règles est le plus susceptible d'inciter les preneurs de décision à adopter un horizon de long terme?

Il n'en reste pas moins que l'État est ici investi d'une mission fondamentale. Il doit procéder aux arbitrages entre les valeurs fondamentales que nous invoquons 'efficacité, équité, imputabilité et développement économique'et choisir un mode de gestion de la ressource qui est le plus susceptible de rencontrer les objectifs qu'il a fixés. La mission de l'État implique en plus qu'il doive rendre des comptes aux citoyens. La gestion de l'eau doit par conséquent être aussi transparente que possible.

Enfin, les Québécois, privilégiés qu'ils sont au plan des ressources hydriques, ont des raisons d'espérer que notre gestion de l'eau puisse servir de levier au développement et au rayonnement des entreprises et des expertises québécoises en ce domaine. Le succès des firmes québécoises en ingénierie n'est pas indépendant des politiques que les gouvernements et les grandes entreprises publiques ont poursuivies. Rien n'interdit d'imaginer que le savoir-faire québécois en matière de gestion de l'eau puisse non seulement améliorer l'efficacité domestique mais servir de base au développement d'un secteur économique compétitif internationalement.

Pourquoi jauger notre performance?

Affirmer sans plus que la performance des institutions québécoises est excellente revient à offrir une faible défense. Notre gestion est-elle efficace et équitable? Est-elle suffisamment transparente? Sert-elle suffisamment le développement économique?

Considérons quelques faits connus sur la gestion de l'eau au Québec:

- La consommation apparente d'eau potable au Québec est supérieure à celle des autres provinces canadiennes et de beaucoup supérieure à celle des autres pays industrialisés;
- Les normes de qualité de l'eau potable au Québec sont inférieures aux normes canadiennes, américaines et européennes;
- Il y a une sérieuse carence d'information sur l'état des réseaux d'aqueduc et d'égouts. Les estimations de fuites dans le réseau d'aqueduc sont très variables, mais de nombreux experts pensent que celles-ci sont de l'ordre de 30 à 40 p. cent!
- Il y a une carence d'information sur les coûts de l'eau potable et des eaux usées: peu de municipalités sont en mesure d'évaluer avec précision le coût effectif du traitement d'un litre d'eau'
- L'expertise québécoise en matière de traitement et de gestion de l'eau est peu connue mondialement.

Quel propriétaire qui connaîtrait mal l'état de sa propriété et son coût d'entretien et qui dépenserait beaucoup sur les réparations annuelles oserait affirmer qu'il ou elle gère mieux que quiconque son patrimoine' Peut-on efficacement gérer une ressource sans en connaître le coût' Quelle assurance peut-on avoir que nos administrations publiques ont consenti tous les efforts nécessaires pour rendre les services d'eau efficaces? Quelles incitations ces administrations auraient-elles d'agir ainsi?

Les faits évoqués ci-haut ne démontrent pas que la gestion québécoise de l'eau soit déficiente. Mais ils ne permettent pas non plus de conclure que celle-ci ne puisse être améliorée!

Une occasion de revoir nos modes de gestion

Évaluer notre gestion de l'eau et considérer la possibilité d'améliorer celle-ci soulève des questions fort intéressantes. Celle de la possibilité de déléguer la gestion de l'eau, pour certaines activités, à des organisations publiques ou privées autre que les administrations municipales est une de ces questions qui soulèvent autant d'intérêt que de passion. Une autre est celle du choix d'un mode de tarification: doit-on maintenir l'approvisionnement en eau sur une base forfaitaire ou introduire une tarification qui fait dépendre la facture du volume consommé?

Nous discutons brièvement ces deux questions avec pour seul but de montrer l'intérêt d'en débattre. Nous pensons que le jeu en vaut la chandelle.

Considérer la possibilité de la gestion déléguée de l'eau, c'est poser le problème du choix d'un mode d'organisation des activités de production et de distribution de l'eau potable et du traitement des eaux usées dans une communauté. Choisir un mode d'organisation, c'est choisir une manière de coordonner les comportements et les décisions de nombreux agents économiques et de motiver ceux-ci afin de maximiser la performance sociale des décisions.

Dans le cas de la gestion de l'eau, les gouvernements nord-américains ont adopté depuis le début du siècle la solution de l'entreprise publique. D'autres solutions sont évidemment concevables, qui font une place plus ou moins grande à l'intervention de l'entreprise privée. Le «modèle» même de l'entreprise publique n'existe que dans une multitude de variantes. Le choix d'un mode de gestion doit en dernière analyse dépendre d'un examen rigoureux des différentes alternatives ou options.

Le débat actuel sur cette question est empreint de partisanerie et cache souvent des intérêts de groupes influents. On laisse entendre que de grandes entreprises s'enrichiraient aux dépens des citoyens si l'État concédait la gestion de l'eau, en tout ou en partie, à des entreprises privées. Si la chose n'est pas impossible, elle est certainement évitable, et un cadre de gestion déléguée adéquat devrait la prévenir. Mais cette question est en fait secondaire. Ce qui compte, c'est la performance des institutions à servir les intérêts de la collectivité. S'il se trouve que des entreprises peuvent créer de la richesse et des rendements intéressants tout en servant les intérêts de la collectivité, c'est tant mieux. D'autres pointent du doigt les intérêts de groupes de travailleurs ou de fonctionnaires dans le maintien du régime de gestion publique. Encore là, ce qui importe, c'est de servir la collectivité. Tout réaménagement du système de gestion de l'eau devrait prendre en compte des coûts de transition.

Dans le domaine de la gestion de l'eau, le recours à la gestion déléguée s'est énormément étendu au cours des dix dernières années. Dans de nombreux pays industrialisés comme en développement, les gouvernements ont adopté depuis vingt ans des solutions où les administrations publiques acceptent de confier d'importants mandats à des entreprises privées. Cette délégation est normalement encadrée ou contrôlée par des ententes, des contrats, des règles, une réglementation, etc. qui visent à inciter les opérateurs à l'efficacité tout en assurant que les objectifs d'équité et d'imputabilité soient rencontrés.

Ces changements profonds sont en partie attribuables à des modifications dans la perception que les gouvernements ont de leur rôle. Les gouvernements en Europe, en Amérique du Nord et de plus en plus dans le reste du monde en viennent à la conclusion que leur mission consiste davantage à déterminer ce qui doit être fait qu'à réaliser eux-mêmes des opérations. L'état entrepreneur a, dans bien des cas, cédé sa place à un état stratège: un état qui considère que sa mission consiste à procéder aux arbitrages fondamentaux entre valeurs et objectifs concurrents, à déterminer ce qui est socialement désirable et à mettre en place les conditions nécessaires à l'atteinte de ces objectifs. L'implosion des économies planifiées et la croissance spectaculaire des économies les plus libéralisées ont contribué à cimenter un consensus graduel à l'effet que la croissance économique et le bien-être des populations sont mieux servis par une organisation sociale qui fait une large place à des marchés concurrentiels et à des interventions étatiques plus limitées, plus ciblées et plus sophistiquées.

Dans le cas des télécommunications ou du transport aérien, par exemple, la plupart des gouvernements occidentaux ont conclu que l'efficacité et le dynamisme de ces secteurs sont mieux servis par de fortes entreprises privées opérant sous une réglementation gouvernementale que par des monopoles publics. Bien que l'heure du bilan définitif de la déréglementation de ces secteurs n'ait pas encore sonnée, la grande majorité des analyses montrent que la réforme réglementaire et le recours au secteur privé sont largement responsables des bonds prodigieux accomplis dans ces secteurs depuis dix ans.

Le temps est-il venu de considérer de nouvelles options pour la gestion de l'eau? Quelles leçons peut-on tirer des expériences réalisées ailleurs au Canada, aux États-Unis, en Amérique latine et en Europe? Des gains de productivité et de bien-être peuvent-ils être obtenus dans la gestion de l'eau, comme ce fut le cas dans les industries des télécommunications et du transport?

En ce qui concerne la tarification, mentionnons d'entrée de jeu que mode de gestion et tarification sont des questions relativement disjointes. Ainsi, dans certaines villes, l'eau est tarifée au volume par une entreprise publique. Dans d'autres villes, des entreprises privées sont chargées de l'approvisionnement en eau mais n'ont aucun pouvoir de tarification: c'est l'État qui paie des redevances à l'entreprise et qui se finance par la voie des impôts et taxes. D'autres combinaisons sont évidemment envisageables.

La véritable question de la tarification concerne les avantages et les coûts d'introduire une forme de tarification variable selon la consommation. Quels usagers, domestiques, commerciaux et industriels devraient être assujettis à une telle tarification? Quelle forme de tarification serait souhaitable? Quel impact la tarification aurait-elle sur la préservation de la ressource? Doit-on continuer de subventionner certains gros utilisateurs, qui sont souvent relativement fortunés, à l'aide des taxes perçues sur l'ensemble de la population?

Les analyses empiriques sur ces questions montrent de manière convaincante que la tarification au volume réduit significativement l'utilisation. Reste à débattre de la pertinence et de la désidérabilité d'introduire une telle tarification.

Pour un débat éclairé sur la gestion de l'eau

L'eau est une ressource rare. Le design d'institutions susceptibles de faire une gestion efficace, équitable et responsable de cette ressource mérite que l'on débatte des avantages et désavantages du mode de gestion actuel comme des alternatives à celui-ci.

Seul un examen rigoureux du rôle et des responsabilités de chacun des agents économiques et sociaux qui sont impliqués dans la gestion de l'eau permettra de dégager le pourtour d'un mode de gestion approprié au contexte québécois. Quelle est la place des administrations publiques dans ce modèle, quelle est celle des gouvernements centraux - fédéral et provincial - quelles responsabilités doivent incomber au Ministère des Affaires municipales et de la Métropole, à celui de l'environnement?, quelle place doit-on faire à l'entrepreneurship québécois et étranger? Autant de questions auxquelles on ne peut espérer de réponses convaincantes sans un véritable débat franc et ouvert.



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