La gauche morale

Christian Authier

La gauche en tant que force politique et projet philosophique visant à transformer la société vers plus d’égalité et de justice, vers une meilleure répartition des richesses, n’existe plus. Le qualificatif de “plurielle” dont elle s’affuble aujourd’hui n’est qu’un piètre cache-sexe au renoncement. La gauche française, convertie depuis 1983 aux bienfaits du capitalisme, ne rêve plus de “changer la vie” mais privatise, démembre les services publics, instaure les fonds de pension et se prépare à la “mondialisation heureuse” en faisant rougir la Bourse de plaisir. La gauche est nue. Il ne lui reste donc que les postures.

Alors, pour perpétuer le mythe, elle s’arroge - encore et toujours - la morale. La gauche morale s’invente des ennemis (un fascisme menaçant qui n’est en fait qu’un gonflement électoral protestaire dû à l’incapacité des gouvernements sociaux-libéraux qui se succèdent depuis 74 à apporter des réponses à la crise sociale et économique qui détruit le pays) ou se réfugie dans les querelles du passé qu’elle ranime avec gourmandise (Dreyfus, l’esclavage, les mutins…). Ah! c’était le bon vieux temps! Le Bien / le Mal, les gentils (nous la gôche !) / les méchants (tous les autres)…

Le communisme ne s’envisage plus qu’à travers le livre noir de son histoire rouge sang riche de 80 millions de morts? Le mythe de la “lutte des classes” en marche boite bas? L’indépendance des anciens pays colonisés n’a accouché que de dictatures sanglantes ou corrompues? Peu importe! On invente d’autres stéréotypes (l’immigré clandestin, le jeune des banlieues…) censés remplacer le “prolétaire” et le “colonisé”. Combien de temps la “gauche morale” perpétuera-t-elle ce jeu de dupes?

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