Articles sur «les Carrache» de la Grande Encyclopédie

V. Champier
Biographies de Lodovico, Agostino, Antonio et Franceschino Carrachi (Carrache), membre de la célèbre famille de peintres originaires de Bologne.

CARRACCI (Lodovico), peintre, graveur et sculpteur italien, né à Bologne le 21 avril 1555, mort le 13 déc. 1619. II est l'aîné de cette famille des Carrache qui a fait la gloire de l'école bolognaise. Fils de Vincenzo Carracci, un boucher, il fut d'abord placé par son père chez Prospero Fontana qui ne montra pas grande confiance dans sa vocation et l'engagea à se choisir une autre carrière que celle des arts. Ses camarades ne furent pas plus encourageants. Ils l'appelaient «le Boeuf» et Lodovico quitta l'atelier. II se rendit à Venise et entra chez Le Tintoret qui, lui non plus, ne put croire à l'avenir de son élève. Alors, le jeune homme résolut d'étudier par lui-même. II voyagea, copiant les tableaux d'Andrea del Sarto, étudiant ceux du Parmesan, du Corrège et de Jules Romain. Cette sorte de gymnastique lui donna l'idée de la formule qui est l'essence de la doctrine bolonaise, c.-à-d. d'une peinture un peu emphatique et déclamatoire empruntant un peu partout son inspiration et ses procédés. Revenu à Bologne, il y fonda cette Académie à laquelle est resté attaché le nom de Carrache. Ses deux cousins, Annibal et Augustin, en furent avec lui les maîtres. Sa renommée s'étendit bientôt par toute l'Italie. Le cardinal Farnèse l'appela à Rome avec Annibal pour y décorer son palais. Mais Lodovico, dont la véritable passion était pour son Académie où se formaient des artistes tels que le Dominiquin, le Guide, l'Albane, préféra envoyer à sa place son jeune cousin, Augustin Carrache. Ce ne fut que lorsque les travaux du palais Farnèse furent achevés qu'il se décida à aller à Rome, pour satisfaire Annibal et Augustin qui étaient inquiets de leur oeuvre et voulaient avoir les conseils de celui qui jusque-là avait été leur guide. Lodovico revint bientôt à Bologne, où l'appelait le soin de son enseignement. Cet enseignement, on peut le dire, valait mieux que ses oeuvres, encore que celles-ci obtinssent auprès de ses contemporains les suffrages des gens de goût. Les quatre ou cinq tableaux que possède de lui le Musée du Louvre et les treize peintures qui se trouvent à la pinacothèque de Bologne indiquent qu'il lut, comme dit P. Villot, «un artiste au génie élevé, à l'exécution gracieuse», mais surtout un réformateur, car c'est lui qui opposa à la manière expéditive et libre, trop en faveur à cette époque parmi les peintres de la Lombardie, «l'étude réfléchie de la nature et de l'antique ». Sa Nativité de saint Jean -Baptiste et sa Transfiguration sur le mont Thabor, du musée de Bologne, ne donnent assurément pas une haute idée de son talent, pas plus que l'Annonciation, la Nativité de Jésus-Christ ou l'Apparition de la Vierge à saint Hyacinthe, du Musée du Louvre, où éclatent des exagérations de rhéteur. Pour ce dernier tableau, Lodovico Carracci avait, parait-il, modelé d'abord en terre la composition, et les plâtres qui en furent faits servirent longtemps à l'étude des élèves de son Académie. Voilà qui est caractéristique et explique la manière de cet artiste dont le principal mérite, encore une fois, réside dans son enseignement. Cela suffit, en définitive, à sa renommée.

CARRACCI (Agostino), peintre et graveur italien, cousin de Lodovico et frère d'Annibal Carracci, né à Bologne le 15 août 1557, mort à Parme le 22 mars 1602. Il était l’aîné d'Annibal, et son père le destinait à l'orfèvrerie. Mais, comme son frère et son cousin, le goût de la peinture l'entraîna, d'abord dans l'atelier de Fontana, puis dans celui de Passarotti. Pour n'avoir pas su choisir entre la gravure et la peinture, il n'a pas atteint la renommée d'Annibal. Il parait même qu'une assez vive jalousie divisa longtemps les deux frères. La disproportion des bénéfices qu'ils retirèrent l'un et l'autre de la décoration du palais Farnèse n'était pas pour atténuer cette jalousie. A l'Académie de Bologne, Augustin semble avoir été surtout le théoricien. C'est lui qui avait rédigé les traités servant de base à l'enseignement de l'école. Il existe même un sonnet de lui dans lequel sont condensés les principes qu'il professait et où l'on recommande « le dessin de l'école romaine, le mouvement et les centres des Vénitiens, le beau coloris de la Lombardie, le style terrible de Michel-Ange, la vérité et le naturel du Titien, le goût pur et souverain du Corrège, la prestance et la solidité de Pellegrini, l'invention du docte Primatice, et un peu de la grâce du Parmesan ». On voit qu'il y en avait pour tous les goûts et qu'Agostino Carracci allait loin dans le plus tolérant des éclectismes. Suivant l'usage du temps, cet artiste avait beaucoup voyagé. C'est ainsi qu'à Venise, il rencontra Véronèse, le Tintoret et cultiva la gravure sous la direction de Domenico Tibaldi. Il se perfectionna dans le maniement du burin à l'école du Hollandais, Corneille Cort. Parmi ses tableaux, la Communion de saint Jérôme, que possède le Musée du Louvre, est un des plus remarquables. On cite aussi l'Assomption, de l'église San Salvador, à Bologne ; les Amours dormant, de Naples; le Saint-François d'Assise, de Madrid; sa Fuite en Egypte et son Ecce Homo, de Venise, et un Paysage avec musiciens, qui se trouve à Florence.

CARRACCI (Antonio), fils naturel d'Augustin, né à Venise en 1583, mort à Rome en 1618. A la mort de son père, il fût adopté par son oncle Annibal. Il donnait les plus grandes espérances, quand la mort le surprit à l'âge de trente-cinq ans. Le Louvre possède son meilleur tableau, le Déluge, estimé 5,000 livres tournois dans l'inventaire du cardinal Mazarin. Il y a encore de lui un Saint Thomas à Rome, et un Portrait d'homme à Vienne.

CARRACCI (Franceschino), frère d'Annibal et d'Augustin. II naquit à Bologne en 1595 et mourut à Rome en 1622. Il n'est guère connu, si ce n'est pour avoir tenté d'élever une école rivale de celle de son cousin Louis, son maître, et de ses frères. Sur la porte, il avait fait graver cette inscription : « Ici est la véritable maison des Carrache. » Sa présomption et son ingratitude ne lui portèrent d'ailleurs pas bonheur. II dut émigrer à Rome où il mourut à l'hôpital. Il était plutôt dessinateur que peintre.

source: V. Champier, article «les Carrache» de La grande encyclopédie: inventaire raisonné des sciences, des lettres et des arts. Réalisée par une société de savants et de gens de lettres sous la direction de MM. Berthelot, Hartwig Derenbourg, F.-Camille Dreyfus [et al.] Réimpression non datée de l'édition de 1885-1902. Paris, Société anonyme de «La grande encyclopédie», [191-?]. Tome neuvième.

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