La médicocréation
« On peut être irrité à tort; on n'est indigné que lorsqu'on a raison. » (Hugo)
L'assistance médicale à la procréation: une inversion du cours du temps
Dans un article dont le titre excite notre curiosité « Il est né le médecine-enfant »1, Christian Monnin nous décrit les dernières manoeuvres de la science de la procréation-- non pas en s'abstrayant du sujet selon les lois d'une soi-disant objectivité mais en s'en indignant: « Un retournement est en cours, une inversion du cours du temps affecte le rhizome généalogique. Annonçant l'ère de la co-reproduction, prélude au clonage, une descendance du troisième type aide ses parents à rafistoler leur premier enfant: le bébé-médicament , un être humain conçu pour guérir un frère ou une soeur atteint d'une maladie génétique incurable. »
Science fiction, diront les profanes non avertis! Au contraire, conséquence extrême de l'escalade de manoeuvres entreprises il y a déjà plusieurs décennies et que les timides objections des éthiciens n'ont pas empêchées. Comme le souligne l'auteur: « Congélation d'embryons, ''dons'' de sperme ou d'ovules, mères porteuses, insémination massive ou post-mortem artificielle [...] figurent maintenant au rayon des accessoires courants [...] »
Dépassé le diagnostic de maladies génétiques proposé à l'heure actuelle à la future mère qui a été fécondée selon les lois de la nature (il faut le spécifier!). Dans le cas de la fécondation in vitro, on pratique maintenant le DPI, le diagnostic préimplantatoire. « [...] le DPI consiste à effectuer un contrôle qualité sur les embryons mitonnés en éprouvette avant d'implanter ceux qui sont sains dans l'utérus de la mère. » Nous reportons le lecteur à l'article de Monnin pour les détails de ce prélèvement. Bien que le DPI soit encore interdit dans plusieurs pays à cause de la destruction ou de la mise à l'écart des embryons non conformes, « un spécialiste estime à plus de 50 000 dans le monde le nombre de cycles de fécondation in vitro effectués avec la sanction de ce test et à 10 000 le nombre d'enfants nés profilés à la satisfaction générale. »
Des distinctions subtiles sont apparues entre eugénisme négatif (celui qui consiste à écarter les embryons défectueux) et eugénisme positif, reconnu légalement, notamment en France, en Belgique et aux États-Unis . Il consiste en une sélection parmi les embryons sains (c'est l'auteur qui souligne) ceux qui sont compatibles avec l'ainé receveur (le premier enfant). Car il faut garder à l'esprit que ces manipulations ont pour objet de créer un bébé-médicament « destiné à procurer du sang ombilical ou de la moelle pour soigner un premier enfant atteint d'une maladie génétique sévère.[...] Avant d'obtenir la perle rare, une moyenne de trente embryons sont conçus dont l'ivraie est détruite [...] ».
Pour justifier cet eugénisme positif, un médecin, Philippe Burlet de l'hôpital Necker à Paris propose un objectif : « éliminer les connotations eugéniques (entendez les points de vue éthiques et religieux!) rattachées aux techniques de sélection d'embryon, sans renoncer aux avantages du progrès scientifique et technique. ». Quant à la ministre de la Recherche (toujours en France) ce qu'elle éliminerait c'est l'expression ''bébé-médicament'' qu'elle remplacerait par ''bébé du double espoir'', « un enfant désiré et indemne de la maladie et qui, en plus, puisse guérir », comme le définit le professeur Frydman, lui-même père du premier enfant conçu selon ce procédé.
Bifurquons vers les droits de l'homme; jusqu'à ce jour, les États reconnaissent à tout être humain le droit d'accepter ou de refuser le don d'organes pendant sa vie ou à sa mort. Mais que devient dans ce marchandage médico-parental, dans cette instrumentalisation du bébé-médicament « le droit inaliénable de naître pour lui-même » ? On n'ose même plus évoquer la terrible et merveilleuse liberté de la conception naturelle avec ses exclusions, ses destructions et ses chefs d'oeuvre. La science actuelle a donné aux humains le pouvoir de violer la nature de toutes les façons; au nom de quoi s'abstiendrait-elle de jouer au jeu de la vie ?
Notes
1. La revue Égards, no 32, été 2011.