Pline l'Ancien et l'histoire de la médecine

Charles Daremberg
« Quand on écrit sur l’histoire générale de la médecine, il n’est pas possible d’oublier Pline, ni de lui refuser une place, si petite qu’elle soit, et certes elle n’est pas tout à fait petite. S’il est vrai que Celse en son beau langage résume toute la médecine ancienne, Pline, en son style énergique et concis, nous révèle presque tous les secrets de la médecine populaire et superstitieuse; il a aussi donné le ton et fourni la matière à tant d’ouvrages du moyen âge, qu’il ne faut presque jamais le perdre de vue, pas plus que Galien ou Avicenne; enfin, la plupart des recettes actuelles que les bonnes femmes ou les charlatans mettent effrontément en circulation sous leurs noms, dérivent de Pline ou de quelques-uns de ses émules du IVe, Ve ou du VIe siècle.

Mais là ne se borne pas encore le rôle de Pline; il en a un autre plus élevé et non moins important (car je tiens pour très-importante l’histoire de la médecine populaire). L’auteur de l’Histoire naturelle nous a conservé, au milieu des innombrables extraits qu’il a faits dans une multitude infinie d’ouvrages, une foule de textes empruntés à de très-anciens médecins, et nous a fait connaître leurs pratiques médicales, ou du moins l’emploi qu’ils faisaient des substances tirées des trois règnes de la nature.

Dans les trop fréquents passages anonymes, on distingue assez aisément l’origine médicale et l’origine populaire des recettes ou des prescriptions, quand des investigations attentives au milieu des débris de notre littérature ne nous font pas retrouver ces passages chez les auteurs conservés, chez Dioscoride, par exemple, chez Hippocrate, et aussi parmi les fragments des Alexandrins ou de leurs prédécesseurs immédiats. – Enlevez à Pline comme aux autres compilateurs tout ce qu’ils ont emprunté, il ne leur restera rien en propre; mais, en revanche, de quels trésors l’histoire ne se trouvera-t-elle pas enrichie aux dépens de leur érudition, et combien d’auteurs ne reprendront-ils pas ce qui leur appartient légitimement!

C’est là, Messieurs, une des premières règles et des plus essentielles de la critique historique. Avant de croire à ceux qui vous vantent l’originalité des compilateurs, des abréviateurs ou des encyclopédistes, originalité à laquelle souvent eux-mêmes n’ont pas prétendu, vérifiez les assertions, écoutez les échos de la tradition médicale, interrogez tous les textes conservés, et vous verrez les illusions d’un esprit prévenu ou mal informé s’évanouir à la lumière de ces recherches rétrospectives sur les sources originales des travaux de seconde main. »

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