Différences entre les jeux olympiques et le mouvement olympique

Leroy Walker
Question - La philosophie du baron Pierre de Coubertin, le fondateur des premiers Jeux olympiques de l'ère moderne, en 1896, incarnait les valeurs de son temps. Aujourd'hui, alors que les Jeux de 1996 se profilent à l'horizon, nous sommes à l'aube du vingt et unième siècle. Le mouvement olympique est-il toujours d'actualité et quelle est la place des États-Unis dans tout cela?

M. Walker - Le mouvement olympique est sans aucun doute d'actualité dans le monde entier. Pensez-donc, il y a près de deux cents pays qui vont participer aux Jeux. Il y a cent ans, ils n'étaient que treize à y prendre part, ce qui correspondait à peu près à trois cents athlètes, alors qu'on en comptera dix mille à Atlanta. La leçon que l'on doit en tirer avant tout, c'est qu'en dépit des différences culturelles et linguistiques, il n'y a aucune raison de considérer la discorde générale comme inévitable.

Il est cependant important d'établir une distinction entre le mouvement olympique et les Jeux olympiques. Lorsque Pierre de Coubertin a eu l'idée des Jeux, dans la foulée de la guerre franco-prussienne et pendant l'affaire Dreyfus, alors que la France lui paraissait terriblement meurtrie et plongée dans la décadence, il cherchait le moyen de pousser les peuples, et en particulier ses compatriotes, à fraterniser. L'important, il en était convaincu, n'était pas de gagner; c'était de participer. C'était l'essence même des sports, tels qu'il les concevait. Le général Douglas MacArthur tint des propos analogues bien des années plus tard: c'est dans le terrain des rivalités amicales qu'il faut semer les graines qui, plus tard, en d'autre lieux, porteront les fruits de la victoire, disait-il.

Malheureusement, la commercialisation commence à toucher les Jeux. La couronne de lauriers et l'honneur d'allumer la flamme olympique comptent moins maintenant que les médailles d'or et les milliers de dollars que peuvent gagner les athlètes en faisant de la publicité. Même si on ne retourne pas au temps de la couronne de laurier, ce n'est pas une raison pour se laisser dominer par l'appétit du gain. Entre ces deux extrêmes, nous devons essayer de retrouver certaines des valeurs premières du mouvement olympique.

Question - Pouvez-vous approfondir encore la question de la différence entre le mouvement et les Jeux olympiques?

Réponse - D'un côté, il y a la fièvre des Jeux - vingt-six disciplines dans vingt-huit sites, une manifestation sportive qui se chiffre à des milliards et des milliards de dollars. De l'autre, il y a les cinq caractéristiques fondamentales du mouvement: l'idéal, la concentration, la persistance, la discipline et la détermination. Ces valeurs s'expriment non seulement pendant les «seize jours de gloire», mais aussi pendant les olympiades, de sorte qu'elles façonnent le style de vie des jeunes athlètes. Le mouvement olympique englobe des stages d'entraînement et de perfectionnement, la création d'emplois et des programmes en faveur des moins expérimentés. Ce sont des valeurs dont il faut encourager le développement à long terme, en tirant parti des multiples occasions d'enseigner qui se présentent dans les gymnases aussi souvent, si ce n'est plus, que dans les salles de classe. Il faut faire comprendre aux jeunes que le succès est un voyage, et non pas une destination. Je ne pense pas qu'on ait perdu cela de vue, mais le public n'en entend pas beaucoup parler. La vérité, c'est que les Jeux olympiques révèlent ce qui a été appris dans le cadre du mouvement olympique. Ce n'est pas quelque chose qu'on apprend pendant les Jeux : à ce moment-là, on se contente de montrer ce qu'on sait.

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