Sur les limites du pouvoir civil
Mercredi le 21 mars 2007
Deuxième partie de la Lettre sur la tolérance. Dans ce passage, on retrouve la définition par Locke de l'État et des limites qui marquent l'étendue de son pouvoir en vertu, d'une part, de la liberté civile des individus et de leur liberté en matière de religion d'autre part.
La tolérance en faveur de ceux qui diffèrent des autres en matière de religion, est si conforme à l'Évangile de Jésus-Christ, et au sens commun de tous les hommes, qu'on peut regarder comme des monstres ceux qui sont assez aveugles, pour n'en pas voir la nécessité et l'avantage au milieu de tant de lumière qui les environne. Je ne m'arrêterai pas ici à taxer l'orgueil et l'ambition des uns, la passion et le zèle peu charitable des autres. Ce sont des vices, dont il est presque impossible qu'on soit jamais délivré à tous égards ; mais ils sont d'une telle nature, qu'il n'y a personne qui en veuille soutenir le reproche, sans les parer de quelque couleur spécieuse, et qui ne prétende mériter des éloges, lors même qu'il est entraîné entraîné par la violence de ces passions déréglées. Quoi qu'il en soit, afin que les uns ne couvrent pas leur esprit de persécution et leur cruauté anti-chrétienne, des belles apparences de l'intérêt public et de l'observation des lois, et que les autres, sous prétexte de religion, ne cherchent pas l'impunité de leur libertinage et de leur licence effrénée ; en un mot, afin qu'aucun ne se trompe lui-même ou qu'il n'abses les autres, sous prétexte de fidélité envers le prince ou de soumission à ses ordres, et de tendresse de conscience ou de sincérité dans le culte divin, je crois qu'il d'une nécessité absolue de distinguer ici avec toute l'exactitude possible ce qui regarde le Gouvernement civil, de ce qui appartient à la religion et de marquer les justes bornes qui séparent les droits de l'un et de l'autre. Sans cela, il n'y aura jamais de fin aux disputes qui s'éléveront entre ceux qui s'intéressent, ou qui prétendent s'intéresser, d'un côté au salut des âmes, et de l'autre, au bien de l'État.
L'État, selon mes idées, est une société d'hommes, établie dans la seule vue de se procurer les uns aux autres la conservation et l'avancement de leurs intérêts civils.
J'appelle intérêts civils, la vie, la liberté, la santé du corps, la possession des corps extérieurs, tels que sont l'argent, les terres, les maisons, les meubles et autres choses cette naure.
Il est du devoir du magistrat civil d'assurer, par l'exacte exécution de lois équitables, à tout le peuple en général, et à chacun des sujets en particulier, la possession légitime de toutes les choses qui regardent cette vie. Si quelqu'un se hasarde de violer les lois de la justice publique, établies pour la conservation de tous ces biens, sa témérité doit être réprimée par la crainte du châtiment, qui consiste à le dépouiller, ou en tout ou en partie, de ces biens ou intérêts civils, dont il aurait pu et même dû jouir sans cela. Mais comme il n'y a personne qui souffre volontiers d'être privé d'une partie de ses biens, et encore moins de sa liberté ou de sa vie ; c'est aussi pour cette raison que le magistrat est armé de la force réunie de tous les sujets, afin de punir ceux qui violent les droits des autres.