Destruction de la forêt cambodgienne
détruite en deux ans...
sans rien rapporter au budget de l'Etat !
Sources : Global Witness, Cambodge Soir, Cambodge Nouveau
Jérôme ROUER, mai 96, mai, juillet 97.
Les numéros 73 et 75 de Cambodge Nouveau (juin, juillet 97) présentent une étude détaillée de la situation forestière.
Fin 1996, il ne reste que 8,8 millions d'hectares de forêt, 420.000 hectares disparaissent chaque année. A ce rythme la forêt dense sera anéantie dans 21 ans.
Dans l'ancien temps, gouverner se disait "manger le pays". Aujourd'hui, à part le roi Sihanouk, le président du PNK, Sam Rainsy, et l'ensemble des organisations internationales (dont le FMI), personne ne se soucie de la déforestation sauvage du Cambodge. Trops de fortunes, privées mais bien visibles, sont en jeu.
Bien qu'une loi interdise tout nouvel abattage d'arbres, 19 permis d'exportation de bois ont été concédés par le gouvernement auprès de compagnies thaïlandaises entre janvier et juillet 1996.
Ces permis représentent (officiellement) 1 079 300 mètres cubes. Chiffre intrinsèquement énorme qui a soulevé une indignation internationale, mais qui n'est qu'une goutte d'eau par rapport à la réalité, car la contrebande officielle fait le plus gros des exportations illégales.
A titre d'exemple :
En 1996, la société malaisienne SAMLING international est concessionnaire, depuis 1994, de 800.000 hectares de forêt dans le nord du Cambodge, soit près de 4% du territoire ! Elle n'a pas hésité à construire une route de 80 kilomètres pour permettre le transport des grumes jusqu'au fleuve...
Encore en 1997, de nombreux contrats restent confidentiels (même l'Assemblée Nationale ne parvient à en avoir communication) et les experts s'accordent pour dire que toute la forêt cambodgienne a été vendue à des intérêts privés du Sud-est asiatique.
En outre, la forêt est largement aux mains des Khmers rouges (même en 1997) acoquinée pour l'occasion avec des militaires. La déforestation échappe donc à tout contrôle : personne n'a plus le pouvoir d'arrêter le cours des choses et cela n'aura rien rapporté ni à l'Etat, ni au developpement du pays.
En 1997, la société Pheapimex, compagnie nationale, "la pire et la plus corrompue" (Global Witness), utilisait des gardes du corps personnel des deux Premiers Ministres et versait 3 $par m3 de bois coupé à la Région Militaire, pour détruire en paix (Un "décret" pris par les mêmes Premiers Ministres interdisait toute nouvelle coupe de bois depuis janvier). Cette compagnie aurait apporté 1,5 millions de dollars aux partis des deux premiers ministres...
A la frontière thaïlandaise, des rails de chemins de fer ont été posés pour transporter les grumes plus aisément...
Sur le plan économique cette appropriation de la forêt :
- pèse fortement sur le budget de l'Etat (les ressources budgétaires en provenance de la vente du bois, première ressource nationale, ont fortement chuté et sont devenues tellement insignifiantes que le FMI s'en est ému et a sanctionné le gouvernement en novembre 1996 en cessant ses paiements !)
- freine et même interdit tout développement d'une "filière bois" nationale : il est moins onéreux d'importer des meubles que de les fabriquer sur place (une simple chaise fabriquée au Cambodge est vendue 15 $. La même chaise fabriquée au Vietnam, avec du bois en provenance du Cambodge, est proposée, rendue Phnom Penh, à 6 $)
- il faudra tôt ou tard remédier aux conséquences écologiques (A la suite des grandes inondations de 1996, le roi a demandé l'aide financiére de la FAO, organisation des Nations-Unies pour l'alimentation et l'agriculture, pour... reboiser !)
-crée des tensions sociales : les richesses étalées par certains militaires et fonctionnaires, alors que la masse du pays souffre pour survivre, créent une situation assez semblable à celle des années 70.
A la demande du FMI, un organisme neutre devrait commencer à s'intéresser à la question et à contrôler les frontières en 1997.
Fin décembre, une "déclaration" du gouvernement a interdit toute exportation de bois à partir du 31 décembre 1996, minuit... Il faut dire que le FMI avait suspendu ses paiements...
En mai 1997, après une nouvelle enquête sur le terrain, Global Witness accusa directement le gouvernement, en particulier les deux Premiers Ministres, et l'armée de trafic.(lire l'article de Cambodge Soir)