Biographie de Charlemagne: l'unification de l'empire d'Occident
1° L'unification de l'empire d'Occident
2° L'empereur et son gouvernement
3° La religion, l'éducation et les arts sous Charlemagne
4° La légende de Charlemagne à travers l'histoire
1° L'unification de l'empire d'Occident
CHARLEMAGNE, roi des Francs et empereur, né probablement le 2 avril 742, ou, d'après d'autres données, en 747 on 748, mort le 28 janvier 814. Il était le fils aîné de Pépin, dit le Bref, et de Bertrade, fille du comte Charibert de Laon. On ignore où il naquit; la tradition qui fixe cet événement à Liège ne date que du XIIe siècle. Il reçut une éducation guerrière mais peu lettrée, ainsi que le prouvent les efforts qu'il fit plus tard pour apprendre à écrire. Lorsque le pape Étienne III vint en France et sacra Pépin roi à Saint-Denis (28 juillet 754), Charles et son frère Carloman reçurent aussi l'onction. Plus tard, Charles accompagna son père dans des expéditions en Aquitaine, en 761-762. Au mois de septembre 768. Pépin partagea ses États entre ses deux fils: Charles reçut l’Austrasie et une partie de l'Aquitaine; quelques jours après (24 sept.) Pépin mourait; le 9 oct. les deux frères étaient couronnés rois à Noyon.
DÉBUT DU RÈGNE. — Entre eux, l'entente ne fut pas longue et on put même craindre parfois une guerre ouverte. En 769, Charles ne put décider Carloman à l'accompagner dans une expédition en Aquitaine où le vieux duc Hunald, sorti du monastère où il s'était retiré, avait repris la lutte contre les Francs. Charles franchit la Dordogne, bâtit Fronsac; Hunald se réfugia citez Lupus, duc de Wasconie; sur les sommations de Charles, Lupus livra le duc d'Aquitaine et se soumit lui-même au roi franc. A partir de cette date il n'y eut plus de ducs d'Aquitaine et Charles administra le pays par des comtes qu'il choisissait. En 770, à la suite d'un voyage de sa mère en Italie, le jeune roi épousa la fille de Didier (elle s'appelait probablement Desiderata), roi des Lombards, au grand regret d'Étienne IV qui craignait que cette alliance avec ses ennemis ne détachât la royauté franque de la papauté. Charles avait aimé auparavant une jeune fille franque de naissance noble, Himiltrude, dont il avait eu un fils, Pépin; il prit en aversion la princesse lombarde, et s'en sépara dès l'année suivante pour se marier avec Hildegarde, qui appartenait à la famille du duc des Alamans. Le 4 déc. 771, Carloman mourut, et Charles fut reconnu seul roi à Corbeny (Aisne); Gerberge, veuve de Carloman, se réfugia avec ses enfants auprès du roi des Lombards.
CHARLEMAGNE EN ITALIE. — Tous ces événements devaient fatalement entraîner une guerre entre les Lombards et les Francs. Un nouveau pape, Hadrien Ier, sommé par Didier de reconnaître comme rois les fils de Carloman, menacé par lui, fit appel à l'intervention de Charles. Celui-ci, après avoir deux fois invité Didier à ne point inquiéter le pape et à rendre les villes qu'il avait enlevées à l'État de saint Pierre, entreprit une expédition en Italie en 773. Il franchit les Alpes par le mont Cenis, tandis qu'une autre partie de l'armée, sous le commandement de son oncle Bernard, passait par le grand Saint-Bernard. Sans qu'aucune résistance eût été opposée aux Francs, Didier fut bientôt bloqué dans Pavie, son fils Adalgis dans Vérone. Gerberge et ses enfants, réfugiés dans cette dernière ville, se livrèrent à Charles, tandis qu'Adalgis s'enfuyait à Constantinople. Pavie résista longtemps; le siège, commencé en septembre ou octobre 773, dura jusqu'au mois de juin suivant. Au printemps, Charles laissa son armée devant la ville pour aller célébrer à Rome les fêtes de Pâques. Il y fut reçu triomphalement, «avec le cérémonial usité pour les exarques ou les patrices», y passa plusieurs jours, et le 6 avril fit à saint Pierre, représenté par le pape, une donation importante: d'après le témoignage contemporain du biographe d'Hadrien, les territoires pontificaux auraient eu désormais pour limite au Nord une ligne partant de Luni et passant par la Cisa, Parme, Reggio, Mantoue, Monselice; ils auraient compris tout l'exarchat de Ravenne, la Vénétie, l'Istrie, les duchés de Spolète et de Bénévent. Ce témoignage a été l'objet de controverses qui n'ont pas encore pris fin. Si on peut admettre que Charles promit en effet de donner tous ces territoires, il est certain qu'il n'exécuta pas sa promesse et qu'il y substitua de nouvelles conventions moins avantageuses pour le pape; de là des plaintes continues d'Hadrien dans la correspondance qu'il entretint avec Charles. Après le retour du roi dans le nord de l'Italie, Pavie capitula; dès le 5 juin, dans un diplôme en faveur de l'abbaye de Bobbio, Charles prenait le titre de roi des Lombards. Didier, sa femme, sa fille furent emmenés en France; Didier devint moine à Corbie. La Lombardie du Nord était soumise, mais Charles laissa en place les ducs et les fonctionnaires lombards à la condition qu'ils le reconnussent comme roi; d'autre part le duché lombard de Bénévent n'avait pas été attaqué et il était au pouvoir d'un gendre de Didier, le duc Arichis; enfin Adalgis, réfugié à Constantinople, appuyé par la cour byzantine, nouait des intrigues en Italie avec tous les mécontents et travaillait à y provoquer un soulèvement. Au commencement de 776, Charles dut y retourner pour réprimer une révolte du duc de Frioul Hrodgaud; il y parvint sans peine et établit alors dans plusieurs villes des comtes francs. En 779, la présence d'Hildebrand, duc de Spolète, à la cour de Charles, alors à Verzenay (Marne), attesta sa dépendance vis-à-vis du roi franc. Dans un troisième voyage, entrepris à la fin de 780, Charles acheva de franciser le royaume lombard et dans la suite plusieurs capitulaires en réglèrent l'administration. Au mois d'avril suivant, Charles se rendit à Rome pour les fêtes de Pâques: son fils Carloman, né en 777, fut baptisé par le pape et prit le nom de Pépin; lui et son frère Louis furent sacrés rois, Pépin pour l'Italie, Louis pour l'Aquitaine. Pépin était trop jeune pour gouverner réellement; de hauts fonctionnaires francs, et notamment l'abbé Adalhard, cousin de Charlemagne, furent chargés d'administrer en son nom. En même temps, Charles cherchait à déjouer les intrigues d'Adalgis et d'Arichis et à leur enlever l'alliance de Byzance par un projet de mariage entre sa fille Rothrude et l'empereur Constantin VI. A la fin de 786, une quatrième expédition en Italie eut pour but d'amener la soumission du duché de Bénévent. Arichis, qui s'était enfermé dans Salerne, dut traiter, jurer fidélité, s'engager à un tribut annuel de sept mille pièces d'or, livrer des otages, parmi lesquels son fils Grimoald (787). L'année suivante, au mois d'août, Arichis mourut et Charles établit Grimoald comme duc, malgré les protestations du pape Hadrien. En 787, Charles avait rompu les pourparlers avec les Grecs au sujet du mariage de Rothrude; Constantin VI voulut se venger, et une armée byzantine, commandée par Adalgis et le patrice Théodore, vint attaquer le sud de l'Italie; elle fut repoussée par Grimoald, le duc de Spolète Hildebrand, et un envoyé du roi, Winegis, qui devint plus tard le successeur d'Hildebrand (788). Dans la suite, Grimoald oublia ses promesses; une expédition dirigée par les deux fils du roi, Pépin et Louis, le rappela au devoir (792). Quant à Charles, il ne reparut point en Italie avant l'an 800.
GUERRES CONTRE LES SARRASINS, RELATIONS AVEC LE MONDE MUSULMAN. — Dans l'Europe méridionale, Charles lutta aussi contre les Sarrasins. Charles Martel et Pépin en avaient délivré la France; leur successeur entreprit de les poursuivre en Espagne et de profiter de la rivalité entre les califats de Bagdad et de Cordoue qui affaiblissait le monde musulman. L'émir de Saragosse, Ibn-el-Arabi, révolté contre le calife de Cordoue, Abderrhaman, était venu à Paderborn solliciter l'appui de Charles. Celui-ci entra en Espagne, en 778, à la tête d'une forte armée, il prit Pampelune, mais il échoua au siège de Saragosse; au retour, l'arrière-garde franque fut attaquée dans les défilés des Pyrénées par les Basques. Là périt Roland, comte de la marche de Bretagne, et cet épisode, transformé par la légende, devint un des plus beaux thèmes de la poésie épique du moyen âge. Dans la suite quelques avantages furent remportés: Gérone en 785, puis Urgel et Vich se soumirent à Charles; en 793 le calife Hescham, profitant de ce que Charles avait à lutter contre les Avares, tenta un retour offensif. Un de ses généraux, Abd-el-Melec, envahit la Septimanie, brûla les faubourgs de Narbonne, et battit les Francs commandés par Guillaume, duc de Toulouse, sur les bords de l'Orbieu, afll. de l'Aude. Mais en 795 une marche d'Espagne fut organisée; une alliance fut conclue avec Alphonse, roi de Galice et d'Asturie, qui, en 798, était vainqueur des Sarrasins; en 799, les îles Baléares se donnèrent à Charles qui prit des mesures pour en assurer la défense; Barcelone fut conquise en 801; en 806 et 807, les Arabes qui ravageaient la Corse furent repoussés mais revinrent dès 809, 810; enfin en 810, une paix fut conclue, à des conditions qu'on ignore, avec le calife el Hakem. Ainsi Charles fut, pendant presque tout son règne, en guerre avec les Arabes d'Espagne, mais la lutte ne prit jamais de grands développements, Charles y eut personnellement peu de part et en laissa souvent le soin à son fils Louis, roi d'Aquitaine. Avec le calife de Bagdad, le célèbre Haroun-al-Raschid, il noua au contraire des relations amicales afin d'assurer plus de sécurité aux chrétiens de Syrie. En 799, un envoyé du patriarche de Jérusalem lui avait apporté à Aix-la-Chapelle la bénédiction de celui-ci et des reliques du Saint-Sépulcre; le prêtre Zacharie fut chargé en retour par le roi de porter des présents aux Lieux-Saints. Il revint de Palestine avec deux moines grecs qui offrirent au roi les clefs de la ville, du Saint-Sépulcre, un étendard, en le suppliant de prendre sous sa protection la ville sainte et de la défendre contre les infidèles (801). Charles s'y engagea et ce fut ainsi que commença le protectorat de la France sur les Lieux-Saints; il fonda des monastères latins, un hôpital pour les pèlerins à Jérusalem; un capitulaire de 810 mentionne les sommes qui doivent y être envoyées pour la restauration des églises; les chrétiens établis dans les pays musulmans reçurent de lui des secours. Ces faits donnèrent naissance à la légende d'après laquelle on crut plus tard qu'il était allé lui-même en Orient. S'entendre avec le calife de Bagdad était le meilleur moyen de préserver les Lieux-Saints et d'éviter des persécutions aux chrétiens: dès 797, il lui avait envoyé une ambassade; en retour il reçut à Ivrée, en 801, des envoyés d'Haroun-al-Raschid; ils lui apportaient des présents et lui amenaient un éléphant qui émerveilla tant la cour d'Aix-la-Chapelle que les chroniqueurs ont enregistré scrupuleusement sa mort en 810; en 807, une nouvelle ambassade offrit à Charles une clepsydre qui ne fut pas moins admirée. Grâce à ces négociations, le calife paraît avoir reconnu à l'empereur franc une sorte de tutelle sur les chrétiens de Jérusalem; Eginhard prétend même qu'il lui céda le Saint-Sépulcre.
GUERRES DANS L'EUROPE CENTRALE CONTRE LES SAXONS, LES BAVAROIS, LES SLAVES, LES AVARES. — Ce fut de ce côté que Charles eut à soutenir les luttes les plus terribles. Soumise en partie par les Mérovingiens, la Germanie avait ensuite profité de leur faiblesse pour s'affranchir, et depuis, les efforts de Charles Martel et de pépin n'avaient pu briser toutes les résistances. La Saxe païenne, vaincue par Pépin en 753, avait dû s'engager à payer un tribut et à laisser aux missionnaires la liberté de prêcher le Christ, mais ces conditions n'avaient point été observées. Dès 772, Charles commença la lutte; partant de Worms, il s'empara d'Ehresbourg et détruisit le tronc de bois que les Saxons adoraient sous le nom d'Irminsul. Mais, taudis que les Francs étaient occupés en Italie, les Saxons voulurent se venger; une de leurs peuplades, les Angriens, détruisit Fritzlar, tandis qu'une autre, les Westphaliens, incendiait Deventer sur l’Yssel (774). Vainqueur des Lombards, Charles résolut, dit un annaliste, «d'attaquer la race des Saxons, perfide et infidèle aux traités, et de ne point se désister de la lutte qu'ils ne fussent ou vaincus et convertis au christianisme ou entièrement détruits.» À la tête d'une forte armée, il s'empara de Sigiburg (Hohensyburg au confluent de la Lenne et de la Ruhr), releva Ehresbourg, détruit par l'ennemi, força le passage dit Weser, grâce à une victoire remportée près de Brunisberg. Les Ostphaliens, sous la conduite de leur chef Hassio, lui jurèrent fidélité et lui livrèrent des otages; les Angriens et leur chef Bruno firent de même; les Westphaliens, qui avaient voulu résister, furent contraints de se soumettre (775). Malgré les succès de cette brillante campagne, les Saxons, dès l'année suivante, profitaient de l'absence de Charles, occupé en Italie, pour reprendre les armes: ils enlevèrent et détruisirent Ehresbourg, mais échouèrent contre Sigibourg. A peine de retour en France, le roi pénètre en Saxe; déconcertés par son arrivée subite, les chefs Saxons allèrent le trouver aux sources de la Lippe, reconnurent son pouvoir, promirent de se convertir (776). Après avoir relevé Ehresbourg, Charles bâtit, pour les surveiller, une nouvelle forteresse sur la Lippe, Karlsbourg; les missionnaires, notamment Sturm, poursuivirent activement la prédication, et le pays fut, dès lors peut-être, divisé en circonscriptions ecclésiastiques. L'année suivante (777) les Saxons arrivèrent cri foule à l'assemblée de Paderborn tenue sur leur territoire même, reçurent le baptême, jurèrent qu'ils resteraient fidèles à Charles, sous peine de perdre leur liberté et leurs biens. Cependant, le plus vaillant des chefs Westphaliens, Widukind, au lieu de se soumettre, s'était enfui auprès du roi des Danois, Sigfrid; en 778, tandis que Charles était en Espagne, il excita un nouveau soulèvement, Karlsbourg fut incendié et les ennemis s'avancèrent jusqu'à la Moselle, dévastant le pays et détruisant les églises. La lutte prenait un caractère à la fois national et religieux. Le grand monastère de Fulde fut menacé, et les moines s'enfuirent avec le corps de saint Boniface. Dès son retour en France, Charles envoya des troupes qui obligèrent les Saxons à la retraite, et les battirent à Lihesi sur les bords de l'Eder. Lui-même, l'année suivante (779), après l'assemblée de Düren, fut vainqueur à Bocholt et obligea les Angrariens et les Westphaliens à une nouvelle soumission. En 780, il poussa jusqu'à l'Elbe, contraignant les populations au baptême, établissant des missionnaires actifs comme Willehad dans le territoire de Wigmodia, comme Megingoz, disciple de saint Boniface, à Paderborn; en 782, dans une grande assemblée tenue aux sources de la Lippe, il introduisit en Saxe la division en comtés du royaume franc, mais, pour gagner les chefs indigènes, il confia ces comtés à des nobles saxons. Un capitulaire promulgué pour la Saxe édicta la peine de mort contre ceux qui attaqueraient les églises ou les prêtres, n'observeraient pas les jours de jeûne ou de maigre, ne se feraient pas baptiser, s'adonneraient à des pratiques païennes. Le manque de fidélité au roi n'était pas moins rigoureusement puni. La sévérité des dispositions de ce capitulaire était, il est vrai, tempérée par le droit d'asile qui s'y trouvait inscrit, et par le privilège accordé aux prêtres de soustraire à la peine de mort les criminels repentants qui s'adressaient à eux. D'ailleurs, malgré la soumission apparente du pays, une nouvelle insurrection était toujours à craindre, car Widukind n'avait point paru à l'assemblée franque de 782. En effet, à peine Charles était-il parti, que, à la suite d'une grande assemblée saxonne à Marklo, un terrible soulèvement éclatait. Le comte Théodoric, parent du roi, qui avait été envoyé avec une armée contre les Sorbes, à cette nouvelle se tourna contre les Saxons. Il les atteignit à Süntal, sur la rive droite du Weser, mais ses lieutenants, espérant lui enlever l'honneur de la victoire, engagèrent le combat sans l'attendre et amenèrent ainsi une défaite où beaucoup de Francs périrent (782), Charles arriva aussitôt, tandis que Widukind s'enfuyait; il ne rencontra aucune résistance, mais, las de voir son œuvre sans cesse compromise par de nouvelles révoltes, il procéda à une atroce répression, 4,500 Saxons furent mis à mort le même jour à. Verden (782). Il avait cru terrifier le pays, mais ces cruautés n'aboutirent qu'à susciter une insurrection générale; il en triompha par deux victoires remportées l'une à Detmold, l'autre sur la Hase près d'Osnabrück, et ravagea le pays jusqu'à l'Elbe (783). L'année suivante, il parcourut la Saxe, abattant les résistances; pour en venir à bout il ne licencia pas son armée, passa avec elle l'hiver de 784-785 dans le pays ennemi. Enfin Widukind lui-même reconnut qu'il était inutile de prolonger la lutte, il vint faire sa soumission à Attigny en 785 et y reçut le baptême. Il fut fidèle à ses promesses; après vingt-trois ans de guerres opiniâtres, la Saxe était rattachée au royaume franc. Cependant, en 792, espérant que les Avares seraient vainqueurs de Charles, elle se souleva encore et l'insurrection ne fut réprimée qu'en 794. Certains districts restèrent hostiles; en 804, Charles dut faire une expédition contre les Saxons qui étaient au delà de l'Elbe et contre ceux des territoires de Wigmodia, Hostingau, Rosogau. Les habitants furent emmenés et dispersés dans diverses parties du royaume franc. Ce fut la dernière résistance. Dans les années qui suivirent furent fondés les premiers évêchés saxons, Brême, Munster, Paderborn. Deux capitulaires spéciaux, la Capitulatio de partibus Saxoniœ (de date incertaine, peut-être 782) et le Capitulare Saxonicum de 797, avaient réglé la situation de la Saxe; ce fut aussi à cette époque que fut mise par écrit la loi des Saxons. — En Germanie, Charles dut encore combattre la Bavière. Ce pays était gouverné par Tassilo, de la maison des Agilolfings, cousin de Charles, qui agissait en souverain indépendant. Déjà, en 781, des envoyés du roi et du pape avaient été chargés de le rappeler à la soumission, et il avait dû venir à Worms renouveler les serments de fidélité qu'il avait autrefois prêtés à Pépin; néanmoins, en 785, un combat eut lieu entre les Bavarois et un des généraux de Charles. En 787, Tassilo envoya à Rome l'évêque de Salzbourg, Arno, et un abbé afin de demander la médiation du pape. Charles, qui était alors en Italie, accepta volontiers de négocier, mais, quand il voulut obtenir des engagements précis, les envoyés répondirent qu'ils n'avaient pas le droit d'en conclure. Le pape, irrité de cette duplicité, menaça Tassilo d'anathème s'il manquait à la fidélité envers Charles. Cette année même, de retour en France, à l'assemblée de Worms, celui-ci somma le duc de Bavière de comparaître. Sur son refus, il marcha contre la Bavière, assiégea Augsbourg; Tassilo, qui ne pouvait même pas compter sur ses sujets, vint se livrer en vasselage à Charles (oct. 787), qui lui rendit son duché, riais emmena des otages, parmi lesquels Theudo, fils du duc. Tassilo n'était point sincère; poussé par sa femme, Liutherge, fille de l'ancien roi des Lombards, Didier, il conspira, paraît-il, pour affranchir de la domination franque et fit même appel aux Avares. Au commencement de 788, à l'assemblée d'Ingelheim, Charles le fit arrêter et juger comme coupable d'harislix ou trahison, crime qui, d'après le droit franc, entraînait la mort. Charles lui fit grâce de la vie, Tassilo devint moine au monastère de Jumièges, puis à celui de Lorsch. La Bavière cessa d'être un duché presque autonome; l'administration en fut confiée à des comtes; l`un d'eux, Gerold, beau-frère de Charles, eut une autorité générale; cependant les Bavarois conservèrent l'usage de leurs lois particulières. Maître de ce pays, Charles dut aussitôt se préoccuper de le défendre contre les Avares qui, établis dans les plaines de la Hongrie, ravageaient depuis longtemps les provinces de l'empire d'Orient et entassaient leur butin dans leur camp ou ring sur les bords de la Theiss. Dès 788, répondant, paraît-il, à l'appel de Tassilo, deux armées avares attaquèrent, l'une le Frioul, l'autre la Bavière, mais elles furent repoussées. Ce fut à partir de 791 que Charles poussa avec vigueur la guerre contre eux. En 795, le khan Toudoun envoya à Charles une ambassade promettant de se soumettre et de se convertir, mais, cette année même, Erich, margrave de Frioul, profitant des divisions intestines des Avares, pénétra jusqu'au Ring et envoya à Charles les trésors qui y étaient entassés. Le roi en adressa une partie à Rome, en distribua aux églises, aux abbayes du royaume, à ses fidèles; l'abondance de l'or introduit ainsi en Occident fut telle qu'il en résulta un changement dans la valeur des monnaies. L'année suivante (796), Toudoun vint en personne à Aix-la-Chapelle, reçut le baptême, se livra au roi, lui et son peuple, mais il manqua bientôt à ses promesses. Le roi d'Italie, Pépin, fut alors chargé d'une nouvelle expédition, il fut vainqueur sur les bords du Danube, détruisit le Ring et acheva d'en emporter les trésors (797). Il se préoccupa aussitôt avec Paulin, patriarche d'Aquilée, et d'autres évêques, de propager le christianisme chez les Avares. Quelques soulèvements eurent encore lieu. En 799, le vaillant margrave Gerold périt dans un combat contre les Avares. En 804, une armée envoyée par Charles amena une nouvelle soumission de Toudoun; établi à Ratisbonne, le roi régla l'organisation de ces pays et ce fut probablement alors qu'il constitua la marche du S.-E. ou Ostmark. L'année suivante (805), on le voit établir et protéger des khans qui sont chrétiens. Arno, évêque de Salzbourg, métropolitain de Bavière, eut la direction des missions chrétiennes dans ces régions. Mais, vers l’E. et le N., Charles avait en outre à lutter contre le flot de la race slave. Les Tchèques qui, à l'époque mérovingienne, avaient formé, sous le commandement de Samo, un vaste royaume, conservaient leur indépendance; d'autres peuplades slaves s'étendaient entre l'Elbe et l'Oder: les Abodrites au N., près de la mer, les Wilzes au centre, les Sorbes au S. Les divisions qui existaient entre ces peuples les rendaient moins dangereux; Charles dut cependant entreprendre de fréquentes expéditions contre eux. Les Saxons trouvèrent souvent des alliés dans les Sorbes, tandis que Charles les dompta avec le secours des Abodrites. En 789, une expédition sur l'Elbe contre les Wilzes aboutit à la soumission de leur chef, Dragowit, qui livra des otages. En 806, un des fils de l'empereur, Charles, fit une campagne contre les Sorbes; leur roi, Miliduoch, fut tué et les autres chefs se soumirent. En 805, Charles voulut soumettre les Tchèques; sous la direction d'un de ses fils, qui portait son nom, la Bohème fut envahie de trois côtés et dévastée, mais l'ennemi se déroba à toute bataille, et, après quarante joues de ravages, les Francs durent se retirer d'un pays ou ils ne trouvaient plus de quoi vivre. Une nouvelle expédition eut lieu l'année suivante. On sait mal les résultats de ces entreprises; cependant, en 817, lorsque Louis le Pieux fit le partage de ses États, il considéra la Bohème comme en faisant partie. Au N., les Danes étaient aussi de dangereux voisins; en 810, leur roi Godfrid, avec deux cents navires, attaqua les Frisons et les força à payer tribut; il déclarait qu'il irait jusqu'à Aix-la-Chapelle. Charles préparait contre lui une grande expédition, lorsque Godfrid fut assassiné; en 811, la paix fut conclue avec son successeur Hemming. Du côté des îles Britanniques, Charles chercha à tenir en échec Offa, roi de Mercie, le plus puissant des rois Angles; il se fit le protecteur de ses adversaires, recueillit à sa cour Eardwulf, qui avait été le compétiteur d'Æthelred, gendre d'Offa, pour le royaume de Northumbrie, puis Egbert, qui avait été chassé du trône par un autre gendre d’Offa. Charles et Offa en vinrent à s'interdire réciproquement leurs ports; la guerre eût éclaté sans l'intervention d'Alcuin. Un traité fut signé plus tard, mais, après la mort d'Offa (795), Charles suscita des difficultés à son successeur, Cenwulf, il rétablit Egbert dans le Wessex, Eardwulf en Northumbrie.