Corruption

«1. La corruption est apparemment un phénomène vieux comme le monde; elle remonte au moins au moment où une société organisée a pour la première fois créé des institutions publiques pour se préserver et se développer. Aristote en parlait déjà longuement en son temps. De nos jours - alors que les sociétés complexes dans lesquelles nous vivons se sont dotées d’un secteur public imposant -, les occasions de pratiquer la corruption se sont sans nul doute multipliées. Il est probable que la corruption elle-même a augmenté, mais les moyens de détection de la société ont peut-être également augmenté, eux aussi. Nous avons sans doute l'impression que nos sociétés sont corrompues parce que le phénomène est devenu plus visible. Quoi qu'il en soit, il est vital de dénoncer la corruption partout où elle existe, à la fois pour la moralité de nos sociétés en général et pour leur évolution sociale, économique et politique, [...] faute de quoi c'est la confiance réciproque entre les pays qui en pâtira, et avec elle les investissements et les autres contacts. [...]

4. La corruption - que l'on pourrait définir comme étant «l'utilisation et l'abus du pouvoir public à des fins privées» - doit enfin être reconnue pour ce qu'elle est: un cancer qui ronge le corps social de nos pays, en particulier, et la communauté internationale en général. Alors que l'économie mondiale - grâce aux communications et mouvements de capitaux instantanés d'un endroit à l'autre de la planète - devient une réalité, le phénomène de la corruption est devenu un phénomène préoccupant tant au niveau national qu'international. [...]»

Source: Rôle des parlements dans la lutte contre la corruption. Doc. 8652, 18 février 2000. Rapport. Commission des questions économiques et du développement, Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe.

«La corruption, la « politique du ventre » pour reprendre une expression d'origine camerounaise est une pratique généralisée et répartie sur toutes les surfaces du globe. Elle fut et demeure de tout lieu et de tout temps. Qu'elle prenne pour nom pot de vin, dessous-de-table, escroquerie, détournement de fonds, ou encore narcotrafic. Qu'elle soit active ou passive. Qu'elle soit seulement électorale. Petit business négocié au marché du coin, juteuse affaire contractée contre promesse de commission ou fortune colossale détournée via société écran dans un paradis fiscal des Caraïbes, sa nature se veut multiple. Etats présumés corrompus de l'intérieur, hommes forts mêlant habilement enrichissement personnel et gestion publique ou malversation à la petite semaine banalisée, presque érigée en moeurs loocales... Mais quelle qu'elle soit, et outre d'êtrre contraire à la morale, la corruption est néfaste pour un pays. Et certainement pour un pays en développement.»

Corruption (présentation du dossier), Le Courrier ACP-UE, no 177, octobre-novembre 1999 (site Europa) - format PDF

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Essentiel

«La corruption, ce peu d'aptitude à goûter les avantages de la liberté, a nécessairement sa source dans une extrême inégalité. » (Machiavel)

Enjeux

«6. La situation actuelle au regard de la corruption en Europe et dans le monde pose deux questions en particulier. Premièrement, utiliser une fonction publique à des fins privées signifie-t-elle toujours qu'il y a corruption? [...] tel est le cas, car si les gouvernants ne gouvernent pas exclusivement dans l'intérêt du bien public, la confiance des citoyens dans ses gouvernants, et dans la démocratie elle-même, en pâtira. Deuxièmement, la corruption peut-elle être «fonctionnelle» en ce sens qu'elle favoriserait le développement? [... Non] car le développement économique dépend de manière cruciale d'un contrat social de confiance entre les divers acteurs économiques, y compris le grand public. Dans une société libre de toute corruption, les citoyens peuvent s'occuper de leurs intérêts en sachant qu'ils contribuent à l'enrichissement de tous - en exerçant une activité économique, en contribuant à la culture et aux arts, en s'occupant des personnes âgées ou encore en assurant l'éducation des jeunes. En revanche, lorsqu'une telle confiance n'existe pas, chacun devient méfiant. L'avidité et l'égoïsme remplacent les efforts légitimes de chacun en vue d'améliorer sa situation. [...]

12. La corruption prend diverses formes: les pots-de-vin, l'extorsion, le trafic d'influence, le népotisme, la fraude, «l'argent accélérateur» (notion que l'on expliquera plus loin), le vol pur et simple et le détournement de fonds. Telle ou telle activité, considérée comme de la corruption dans un pays donné, ne sera pas, dans un autre, comme condamnable à ce titre. Toutefois, sous la pression de la mondialisation, les diverses définitions de la corruption devront s'harmoniser, tout comme les sanctions prévues pour leurs différentes expressions concrètes. [...]

19. De manière générale, [...] la corruption semble prospérer lorsque les institutions étatiques sont faibles, lorsqu'il existe des échappatoires dans les politiques gouvernementales ou les régimes de réglementation qui le lui permettent, et lorsque les institutions qui servent de garde-fous - le parlement, le pouvoir judiciaire ou la société civile, notamment la presse - sont marginalisées ou elles-mêmes touchées par la corruption. Même si l'interaction de la sphère du public et de celle du privé est un terreau particulièrement fertile pour la corruption, l'apparition de ce phénomène est aussi fortement liée à l'évolution politique et juridique d'un pays, à ses conditions socio-économiques et à son administration. La corruption ne peut être mise en échec que si les libertés civiles sont fermement garanties (notamment la liberté de la presse et le droit d'association, qui permettent au grand public d'être informé). On peut dire que la corruption est inversement corrélée au degré de libertés civiles dans un pays. En d'autres termes, plus la société civile est bien développée, plus les gens seront nombreux à pouvoir faire entendre leur voix et influer sur le gouvernements, moins il y aura de place pour la corruption. [...]

22. L'OCDE estime que quelque 80 milliards de dollars changent de main chaque année dans le monde du fait de la corruption. [...]

36. [...] en octobre 1999, Transparency International a publié - c'est là une grande première - son «Indice sur la perception des pays corrompus» (qui figure en annexe au présent rapport). Cet indice permet de classer les grands pays exportateurs en fonction du niveau de perception du degré de corruption de leurs entreprises. Sur une échelle de 0 à 10 - 10 représentant une corruption négligeable et 0 un niveau très élevé -, la Chine (y compris Hong Kong) est la moins bien classée, avec un score de 3,1. Elle est suivie par la Corée du sud, Taiwan, l'Italie et la Malaisie. Le Japon, la France et l'Espagne leur emboîtent le pas, suivis par Singapour, les Etats-Unis, l'Allemagne et la Belgique. Le Royaume-Uni est plutôt bien placé, avec un score de 7,2, et les Pays-Bas, la Suisse et l'Autriche font mieux avec un indice proche de 8. Selon cette mesure, basée sur une étude de près de 800 cadres d'entreprise et conduite dans 14 pays des marchés émergents, le Canada, l'Australie et la Suède sont classés parmi les pays les moins disposés à verser des pots-de-vin à l'étranger, avec des scores supérieurs à 8 sur l'échelle de 0 à 10.»

Source: Rôle des parlements dans la lutte contre la corruption. Doc. 8652, 18 février 2000. Rapport. Commission des questions économiques et du développement, Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe.

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