Zeuxis

Zeuxis, par Viardot (Merveilles de la peinture, 1868)
«Des rivaux de Parrhasius le plus illustre fut Zeuxis, d'Héraclée. Je ne raconterai point leur bizarre dispute pour le prix de peinture, les raisins becquetés par des oiseaux, le rideau si parfaitement imité que les spectateurs demandèrent qu'il fût tiré pour voir ce qu'il cachait, etc. Bien que des hommes graves, Cicéron et Pline, rapportent tous deux cette anecdote, ce sont là des puérilités qu'il faut laisser aux recueils de contes, mais qui rabaisseraient l'art si l'on rabaissait l'histoire en les reproduisant. Veut-on comparer ces deux grands artistes contemporains? Alors il faut dire, avec Aristote et Quintilien, que Parrhasius l'emporta par l'expression, Zeuxis par le coloris. En effet., si ce dernier inventa réellement la manière de ménager les jours et les ombres (luminum umbrarumque invenisse rationem traditur), c'est du clair-obscur qu'il est l'inventeur, dernière et plus haute qualité de la peinture pour le rendu des objets, celle qui fait surtout sa supériorité, qui l'élève au-dessus des autres arts. Zeuxis, comme Parrhasius, fut célèbre, riche, orgueilleux. Il avait fini par ne plus vouloir vendre ses ouvrages, disant que nul prix n'en égalait la valeur, mais il en faisait payer la vue, et, par exemple, il montra pour de l'argent cette admirable Hélène, dans laquelle il avait rassemblé les traits et les formes des cinq belles jeunes filles que lui envoyèrent les habitants de Crotone, et qui fut dès lors appelée Hélène la courtisane. Verrius Flaccus rapporte qu'ayant peint une vieille femme, Zeuxis fut pris d'un tel accès de fou rire devant ce portrait qu'il en mourut: autre conte digne d'accompagner ceux de Cicéron et de Pline sur les raisins et le rideau.»

LOUIS VIARDOT, Merveilles de la peinture, Paris, Bibliothèque des merveilles, Hachette & Cie, 1868, p. 15

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