Technologie
Pourquoi a-t-on recours au mot technologie? «De deux mots, il faut choisir le moindre», disait Valéry. Or, il existe un mot, qui est moindre que technologie et qui signifie la même chose: technique. Pourquoi recourir au logos, qui signifie science alors que le mot technê qui signifie art est une racine grecque dont notre mot technique n'a pas à rougir et qui, en outre, permet de distinguer les applications de la science elle-même.
Le mot technique a un sens clair, proche de celui du mot méthode : il y a une technique du violon, il y a une technique du béton. Comme le rappelle Jacques Ellul, on commet déjà l'erreur d'employer le mot technique à la place du mot machine ou machinisme. Pourquoi ajouter à la confusion en employant le mot technologie, encore plus général, à la place du mot technique ?
Parmi les explications qu'il faut retenir, il y a l'influence de l'anglais, mais les mots anglais ayant, en l'occurrence, les mêmes racines grecques que les mots français, la même question se pose à leur sujet: pourquoi ne pas choisir le moindre?
C'est, semble-t-il, l'Américain John Bigelow, professeur à l'université Harvard, qui a lancé le mot technologie au milieu du XIXe siècle. Le mot technologie dans le sens qu'on lui donne depuis lors désigne la technique en tant que fondée sur la science moderne, par opposition aux techniques traditionnelles, celles du violoniste ou du peintre par exemple, qui étaient d'origine empirique. Mais à ce sens qui justifie peut-être la substitution du mot technologie au mot technique dans certains cas s'en ajoute un second, qui est proprement religieux: chaque fois qu'on utilise le mot technologie, on annonce le paradis sur terre et on adresse une prière à l'Homme, maître et souverain de la nature. Il s'agit d'une parole sacramentelle.