Bouchard Serge

Le moineau domestique est un résultat sans intention, l’opération d’un sain d’esprit.» Cette constatation faite par l’auteur lui-même est en soi une première raison de lire Serge Bouchard. Mon Dieu! Un écrivain qui n’écrit pas pour écrire, à qui les mots ne servent pas à masser son âme, à se complaire en soi-même, comme disaient les anciens moralistes. Un anthropologue qui ne nous soumet pas à l’ennui d’une thèse ou d’une recherche, mais dont les pénétrantes observations de la vie courante sont par excellence de l’anthropologie, laquelle ne peut pas être séparée de la philosophie. Car, ne nous laissons pas duper par la verve de ce livre. S’il est plein de pensées insolites, de rapprochements indus qui nous font rire aux éclats, c’est à la famille des Céline, Montaigne, Alain qu’il appartient, ces philosophes sans système auxquels Serge Bouchard fait sans cesse référence.
L‘humour primaire — hélas! le plus répandu — fait rire par l’imitation souvent grotesque de gestes ou de paroles jugés ridicules. L’humour de Serge Bouchard s’appellerait plutôt l’esprit, au sens que le XVIIe siècle donnait à ce mot: «Il faut avouer que Monsieur de Molière a bien de l’esprit.» disait Louis XIV à celle qui pouvait le mieux recueillir et diffuser cette critique royale: Mme de Sévigné. Un esprit qui est une façon d’épingler la contradiction propre à notre humaine condition, perpétuelle union du comique et du tragique, celle qui préside aux fous rires lors des funérailles d’un être aimé, celle qui nous fait pleurer lors d’une chansonnette. (voir le chapitre «La chansonnette»).
L’esprit de Serge Bouchard est voisin de celui de Sol par l’aisance avec laquelle il tord les mots pour en exprimer toute la moelle, et j’ajouterais, de celui de Jean Narrache ou de Raoul Ponchon à cause du ton gouailleur et du rythme des phrases qu’on ne peut s’empêcher de lire à haute voix, comme des poèmes.

Par Hélène Laberge

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