Pompée

29/9/-106-28/9/-48
"Pompée le Grand (Cnaeus Pompeius Magnus) naquit l’an de Rome 648, 106 avant J.-C., la même année que Cicéron. Son grand-père, Q. Pompeius, le premier qui parvint aux honneurs, avait été vaincu par les Numantins. Le fils de celui-ci, Cn. Pompeius Strabon, fit oublier ce revers, et fut l’un des plus habiles généraux romains dans la guerre contre les alliés. Ce fut sous lui que le jeune Pompée fit ses premières armes. Sa piété filiale sauva la vie à Cn. Pompeius Strabon, dont la dureté avait révolté ses troupes. Ce général mourut, et la haine qu’on lui portait sembla poursuive son fils; celui qui devait un jour être l’idole du peuple romain eut à défendre la mémoire de l’auteur de ses jours et à repousser pour son propre compte une accusation de péculat. À l’âge de vingt ans, son éloquence fut admirée des plus célèbres orateurs, qui avaient pris sa défense, et du préteur même, L. Antistius, qui présidait au jugement, et qui, charmé de la grâce et de la noblesse des manières du jeune Pompée, lui donna sa fille en mariage. La république était alors en proie aux factions. Les fureurs de Marius et de Cinna n’avaient pour ainsi dire que préludé à celles de Cn. Carbon, encore plus violent et plus emporté. Pompée, qui avait couru des dangers dans le camp de Cinna, s’en était éloigné secrètement et avait embrassé le parti de Sylla, qui venait d’être rappelé en Italie par le vœu de la plupart des Romains. Les citoyens les plus illustres se rendaient dans son camp comme dans un port assuré. Pompée, qui n’avait alors que vingt-trois ans, ne voulut y paraître qu’avec de justes titres à la reconnaissance de Sylla, et, sans mission, il se créa général de sa propre autorité. Bientôt il eut formé trois légions complètes; il se mit à leur tête, partit pour joindre le dictateur, et battit les généraux qui voulaient arrêter sa marche, et Carbon lui-même en personne. Sylla, qui le savait environné d’ennemis, et qu’il marchait pour le secourir, fut bien étonné de le voir s’avancer vers lui avec des troupes victorieuses. Aussi Pompée ayant salué Sylla du nom d’Imperator, celui-ci lui rendit le même titre et eut pour lui les plus grands égards. Après avoir, de concert avec Métellus Pius, pacifié la Gaule cisalpine, il reprit la Sicile sur les partisans de Marius. De là il passa en Afrique, où Sylla, averti par les leçons du passé, ne voulait laisser subsister aucun reste du parti vaincu. Pompée défit et chassa les proscrits dans l’espace de quarante jours, soumit la province et termina tous les différends des rois du pays. L’éclat et la rapidité de ces succès alarmèrent Sylla, qui le rappela. Vainement son armée, irritée de ce rappel, opposa à ce départ la plus violente résistance; il obéit. Sylla, sur la fausse nouvelle que Pompée s’était révolté contre lui, avait dit à ses amis : « C’est donc ma destinée d’avoir encore sur mes vieux jours à combattre contre des enfants », voulant parler du jeune Marius, qui lui avait fait courir plus d’un danger. Heureusement détrompé, et voyant le peuple disposé à donner à Pompée les témoignages de la plus grande bienveillance, Sylla vint à sa rencontre, l’embrassa avec les marques de la plus sincère affection, le salua du surnom de Grand, et exigea de tous ceux qui l’accompagnaient qu’ils le saluassent de même. Pompée, dont ce titre ne satisfaisait pas l’ambition, demanda les honneurs du triomphe. Sylla, lui rappelant l’exemple du premier Scipion l’Africain, qui, malgré ses exploits en Espagne, n’avait pas triomphé parce qu’il n’était revêtu d’aucune magistrature, lui représenta qu’une prétention si nouvelle dans un simple chevalier, à qui son âge ne permettait pas même d’entrer au sénat, attirerait infailliblement la haine et la jalousie. Il finit en lui déclarant sans détour qu’il s’opposerait à sa demande. « Faites donc attention, répondit Pompée, que le soleil levant a plus d’ardeur que le soleil couchant. » Ce mot hardi avertissait Sylla que sa puissance était sur son déclin et que celle de Pompée était dans son accroissement. Il ne l’entendit pas d’abord; mais à l’air d’étonnement qu’il voyait sur tous les visages, il voulut en être éclairci; et quelqu’un lui ayant répété les paroles de Pompée, il fut tellement frappé de l’audace de ce jeune homme, qu’il s’écria brusquement : « Eh bien, qu’il triomphe! qu’il triomphe! » Pompée le prit au mot, et l’on vit pour la première fois, (en) l’an 81 avant J.-C., un simple chevalier romain honoré de la pompe triomphale. Ses soldats, mécontents de recevoir moins que leur avidité ne leur avait fait espérer, menacèrent de troubler la cérémonie; mais Pompée déclara qu’il renoncerait plutôt à cet honneur que de s’abaisser à les flatter. Cette fermeté lui ramena ceux mêmes qui lui avaient été le plus contraires, et Servilius, un des premiers du sénat, s’écria publiquement : « Je reconnais maintenant que Pompée est véritablement grand et digne du triomphe. » Cependant il ne prit le surnom de Grand que longtemps après, lorsqu’il fut envoyé en Espagne contre Sertorius comme proconsul, ce titre ne pouvant plus irriter l’envie, parce qu’on y était accoutumé.

Pompée, regardé dès lors comme le rival de Sylla, s’opposa quelquefois à ses vues; ce qui déplut tellement à celui-ci qu’il ne le nomma même pas dans son testament, où il avait fait des legs à tous ses amis. Aussitôt après la mort de Sylla, Lépidus (1), qu’il avait désigné pour consul, malgré l’opposition du dictateur M. Emilius, justifia les prédictions de celui-ci en se déclarant le chef des partisans de Marius. Pompée les vainquit, de sorte qu’il ne resta plus à ce parti que Sertorius en Espagne, contre lequel Métellus Pius tentait alors le sort des combats avec assez peu de succès. Pompée vint à bout de s’y faire envoyer en qualité de proconsul, et, après une vicissitude de revers et de succès, la fortune toute seule termina pour lui cette dangereuse guerre par la mort de son rival, qu’assassina Perpenna. Mais une gloire qu’il ne dut à personne, ce fut celle de brûler tous les papiers de ce perfide sans en avoir pris lecture.

De retour en Italie, il acheva la destruction des esclaves révoltés, obtint un second triomphe vers l’an 73 avant J.-C., et bientôt après le consulat, à l’âge de trente-quatre ans. Dès lors son plan fut de se perpétuer dans le commandement, en passant d’emploi en emploi; mais comme il s’attendait à trouver dans les sénateurs une opposition active à ses vues ambitieuses, il saisit l’occasion de flatter le peuple en rétablissant la puissance du tribunat, démarche dont il eut plus d’une fois, dans la suite, sujet de se repentir. Cicéron a voulu l’excuser à cet égard; mais il est difficile de croire que l’intérêt personnel n’ait pas déterminé Pompée en grande partie. Malgré sa dignité de consul, il affecta de paraître comme simple chevalier devant les censeurs. Le plus ancien des deux lui fit la question d’usage : « Cn. Pompée, je te demande si tu as rempli les dix ans de service que tu devais à la république? – Oui, répondit-il en élevant la voix, je les ai tous remplis sans avoir d’autre général que moi-même. » À ces mots, la place retentit d’applaudissements; les censeurs se levèrent et le reconduisirent dans sa maison au milieu du concours et des acclamations de la multitude. À cette époque se manifesta un grand changement dans les manières de Pompée; il ne parut plus que rarement en public et toujours au milieu d’un cortège qu’il était difficile de percer pour arriver jusqu’à lui; conduite qu’il croyait propre à lui attirer plus de respect, mais dont ses ennemis auraient pu profiter pour le rendre odieux.

Une circonstance favorable vint le tirer de l’inaction qui lui pesait. Les pirates infestant la Méditerranée interceptaient le commerce, les convois, et menaçaient Rome même de la famine. Le tribun Gabinius, de concert avec Pompée, proposa de lui donner la conduite de cette guerre. Pompée s’en défendit d’abord et cacha son ambition sous un langage et sous des dehors modestes. Mais le peuple, exaspéré par la cherté des vivres et par les discours de Gabinius, lui conféra, malgré l’opposition du sénat, avec ce commandement une autorité vraiment monarchique et des forces immenses dont l’appareil formidable intimida les pirates et ramena déjà l’abondance des vivres. Pompée, sans perdre de temps, conçut et exécuta son plan en homme supérieur. Toute l’étendue de la Méditerranée étant partagée en treize départements, les escadres romaines donnèrent la chasse aux pirates et les enveloppèrent comme dans un vaste filet. En quarante jours, la mer de Toscane, celle d’Afrique, de Sardaigne, de Corse et de Sicile furent purgées de brigands, et quarante autres jours lui suffirent pour les forcer jusque dans leurs repaires de Cilicie et pour terminer cette guerre avec autant de bonheur que de rapidité. Cette nouvelle parvenue à Rome rendit Pompée l’objet de l’admiration publique, et ses partisans profitèrent habilement des dispositions favorables du peuple, dont il avait si bien justifié la confiance.

Mithridate venait de rentrer dans ses États, et, soutenu de Tigrane, était encore un ennemi redoutable. Lucullus, qui lui avait porté de si rudes coups, avait perdu toute autorité sur ses troupes, et les généraux qui le remplaçaient n’avaient pas plus de talent que de réputation. Pompée, à la suite de ses exploits contre les pirates, avait été amené dans le voisinage du théâtre de la guerre. Tout invitait donc à lui confier la conduite d’une expédition dont son bonheur et son habileté faisaient présager la réussite. Aussi le tribun Manilius, qui, comme Gabinius, était le ministre vénal de l’ambition d’un autre (Vell., II, 33), saisit le moment pour proposer une loi qui, ainsi que l’a remarqué Plutarque, mettait au pouvoir d’un seul homme toute l’étendue de l’empire romain.

La vive opposition du sénat n’eut pas plus de succès que la première fois. César, toujours attentif à favoriser dans un autre ce qu’il désirait pour lui-même, appuya cette loi nouvelle comme il avait appuyé la loi Gabinia; et Cicéron, qui, ayant le consulat en perspective, voulait se ménager la faveur du peuple et le crédit de Pompée, soutint la loi par un discours où il est plus aisé de reconnaître les talents de l’orateur que les principes du citoyen.

Lorsque Pompée reçut les lettres qui lui apprenaient cette nouvelle marque de l’estime de ses concitoyens, fidèle à son caractère de dissimulation, il feignit d’en être affligé. Au milieu des félicitations de ses amis, il fronce le sourcil et s’écrie : « O dieux! Que de travaux sans fin! N’aurais-je pas été plus heureux d’être un homme inconnu et sans gloire? Ne cesserai-je jamais de faire la guerre et d’avoir le harnais sur le dos? Ne pourrai-je jamais me dérober à l’envie qui me persécute et vivre doucement à la campagne avec ma femme et mes enfants? » Ce langage ne trompait personne, et Plutarque observe que les plus intimes amis de Pompée en furent offensés; car ils n’ignoraient pas qu’outre le plaisir de voir son ambition satisfaite, il trouvait un second sujet de joie dans la mortification qu’il causait à Lucullus, pour qui c’en était en effet une très-grande de se voir donner un successeur qui venait lui ravir les honneurs du triomphe. Au reste, Pompée ne trompa point les espérances qu’on avait conçues de lui, et la ruine de Mithridate fut l’affaire d’une campagne.

La fuite de ce prince laissant à son vainqueur toute liberté d’agir, Pompée entra dans l’Arménie et rétablit Tigrane sur son trône, en punissant la déloyauté de son fils. Ensuite, continuant de poursuivre le roi de Pont, il vainquit les Albaniens et les Ibériens en bataille rangée, passa dans la Colchide, pénétra jusqu’à l’embouchure du Phase, et, prescrivant à Servilius, un de ses lieutenant qui y commandait une flotte romaine, de fermer exactement le Bosphore à Mithridate, il crut devoir revenir sur ses pas, régla les démêlés des rois, et arriva en Syrie, dont il dépouilla l’héritier légitime, pour la réduire en province romaine. Les troubles de la Judée causés par les démêlés d’Hircan et d’Aristobule, qui se disputaient la royauté, l’ayant rappelé dans ce pays, il prit Jérusalem, soumit une partie de l’Arabie et reçut dans les plaines de Jéricho la nouvelle de la mort de Mithridate, auquel, en vainqueur généreux, il fit faire de magnifiques funérailles.

Après avoir porté ses conquêtes jusqu’à la mer Rouge, ôté, rendu, donné des couronnes, réparé ou bâti des villes, recueilli d’immenses trésors et reculé les bornes de l’empire, au point que l’Asie mineure qui, avant ces victoires, était la dernière de ses provinces, en occupait alors le centre, il reprit le chemin de l’Italie avec toute la pompe d’un conquérant. Environné de gloire, à la tête d’une armée victorieuse, il pouvait tout oser; et Rome craignit un autre Sylla. Pour calmer ces inquiétudes, Pompée licencia son armée et revint sous les murs de la capitale en homme privé.

Cette modestie après la victoire lui gagna tous les cœurs; son triomphe, un peu différé pour qu’il pût avoir le temps d’en rassembler tout l’appareil, dura trois jours et fit passer sous les yeux des Romains étonnés les trois parties du monde alors connu, en sorte que ses victoires semblaient embrasser l’univers. Outre les richesses de l’Orient qu’il étala aux yeux des Romains éblouis, on vit marcher devant le char du triomphateur les rois, les princes, les grands et les généraux pris dans les combats ou donnés en otage, au nombre de trois cent vingt-quatre. Les avantages de ces conquêtes ne se bornèrent pas à la pompe d’un vain spectacle : vingt mille talents furent versés dans le trésor public; les revenus de l’État se trouvèrent augmentés de trente-cinq millions de drachmes.

On s’était plu à le comparer dès sa jeunesse avec Alexandre. « Il aurait été à souhaiter, dit Plutarque, qu’il lui eût ressemblé en cessant de vivre avant que la fortune l’abandonnât. Le temps qu’il vécut depuis son troisième triomphe ne lui amena que des prospérités odieuses et des disgrâces sans fin, » Au point de gloire et de crédit où Pompée était arrivé, il semble n’avoir besoin pour s’y maintenir que d’une fermeté de principes et d’une droiture de vues qui en eussent imposé aux factieux. Pompée, déjà suspect aux défenseurs de la liberté, tint un langage et une conduite équivoques qui mécontentèrent tous les partis : il s’éloigna du sénat, se livra à la faction populaire et s’abaissa jusqu’à se lier avec Clodius, cet ennemi de Cicéron si justement flétri par l’histoire.

César venait de quitter l’Espagne pour briguer le consulat. Dans ses vues d’élévation, il ne voyait que deux rivaux, Pompée et Crassus. Aussi ambitieux, mais plus adroit que l’un et l’autre, il conçut le projet de les faire servir tous deux à sa grandeur. Ils étaient ennemis, et leur discorde agitait toute la république; mais cette division même avait un heureux résultat. César entreprit de les rapprocher et donna même à cette intrigue une couleur spécieuse. Caton et Cicéron n’y furent pas trompés; le dernier mit tous ses efforts à détourner Pompée d’une liaison qui devait être si préjudiciable à ses intérêts comme à sa gloire. Il perdit l’amitié de Pompée et se fit un ennemi de César.

Alors se forma cette ligue connue sous le nom de premier triumvirat, vers l’an 60 avant J.-C. Les triumvirs dissimulèrent d’abord leur intelligence, affectant même d’être quelquefois d’un avis différent; mais les effets de cette réunion du génie, du crédit et de la fortune ne pouvaient rester longtemps cachés. « Nous avons des maîtres, s’écria Caton, et c’en est fait de la république. »

Ce premier résultat fut pour Pompée la ratification des actes de son généralat, qu’il n’avait pu obtenir l’année précédente. De son côté, César, devenu consul, proposa des lois agraires, et s’appuya du suffrage de son ami, à qui pour lors il échappa de dire que « contre ceux qui menaçaient de l’épée, il le défendait avec l’épée et le bouclier »; mot violent que ses amis mêmes ne purent justifier qu’en le taxant d’irréflexion.

Mais le triumvirat cessa d’être un mystère lorsqu’on vit Pompée épouser Julie, fille de César. C’est ainsi qu’il devint le gendre de celui qu’il avait souvent appelé son Egysthe; car César passait pour être le corrupteur de Mucia, que son mari avait répudié à son retour d’Asie. Pompée ne tarda pas à justifier les craintes de Caton. Il remplit Rome de troupes et se rendit à force ouverte maître de toutes les affaires. Cette conduite devait indisposer les esprits; aussi un acteur ayant prononcé sur le théâtre ce vers : « C’est pour notre malheur que tu es devenu grand », l’allusion fut saisie; le peuple l’applaudit et fit répéter plusieurs fois le même vers. Ces applications se renouvelèrent dans d’autres endroits de la pièce, entre autres celui-ci : « Il viendra un temps où tu regretteras amèrement cette vertu qui jusqu’ici a fait ta gloire et que tu abandonnes maintenant. »

Mais Pompée était trop avancé pour reculer, et quelque pénible que fût pour lui cette expression du mécontentement public, il continua d’obéir aveuglément à toutes les volontés de César. Par là, il excita la joie de Crassus, qui, son ennemi secret depuis longtemps, ressentait une maligne satisfaction de le voir se déshonorer. Pompée acheva de se rendre odieux en abandonnant Cicéron aux fureurs de Clodius. Il ne tarda pas à s’en repentir. Devenu l’objet des insultes et des vociférations de ce forcené tribun, et novice dans ces sortes de combats, il se tint renfermé chez lui, cherchant à regagner par le moyen de ses amis l’estime des bons citoyens. On lui conseilla de répudier Julie, de renoncer à l’amitié de César et de contribuer au rappel de Cicéron : il s’en tint au dernier avis. Cicéron, croyant lui devoir son retour, s’efforça de le réconcilier avec le sénat et lui fit donner la surintendance des vivres, qui rendit Pompée encore une fois maître de tout l’empire. Celui-ci s’acquitta de cet emploi, comme de tous les autres, à la satisfaction de la république. Lorsqu’il se disposait à ramener à Rome les blés qu’il avait ramassés dans la Sicile, la Sardaigne et sur les côtes d’Afrique, le vent était violent, et les pilotes hésitaient à partir, il s’embarqua le premier et fit lever l’ancre, en disant : « Il est nécessaire que je parte, mais il n’est pas nécessaire que je vive »; mot qu’une froide critique a voulu blâmer comme impliquant contradiction, mais qu’il faut juger avec le sentiment qui l’a dicté.

Cependant les guerres des Gaules cimentaient la grandeur de César, qui se servait des armes des Romains pour piller l’or des Gaulois, et de l’or des Gaulois pour asservir les Romains. La ligue triumvirale subsistait encore. Aux termes d’un accord secret, Crassus et Pompée devaient briguer le consulat, et César soutenir leur brigue en envoyant à Rome un grand nombre de ses gens de guerre pour donner leurs suffrages en leur faveur. Le plan réussit malgré l’opposition des meilleurs citoyens. Tous deux, parvenus au consulat par la violence, ne s’y conduisirent pas avec modération. Pompée, au moment où Caton allait être nommé préteur, rompit l’assemblée sous prétexte, dit-il, qu’il avait observé au ciel des augures défavorables. Les triumvirs s’étaient déjà partagé les provinces; ils firent confirmer cette disposition par une loi.

Suivant toute apparence, Pompée avait commencé à ouvrir les yeux sur les vues secrètes de César. Nommé gouverneur d’Afrique et d’Espagne, il craignit que son éloignement ne laissât le champ libre à son rival. Il se contenta de gouverner ces provinces par ses lieutenants, quoique la chose fût sans exemple, pendant qu’il s’occupait à Rome de captiver la faveur populaire par des jeux et des spectacles. À l’occasion de la dédicace d’un théâtre qu’il avait fait construire, et qui était assez vaste pour contenir quarante mille spectateurs, il donna des représentations si magnifiques, qu’au rapport de Cicéron, la pompe de l’appareil en fit disparaître la gaieté.

La mort de Julie et la défaite de Crassus achevèrent de rompre les liens qui unissaient César et Pompée. Celui-ci, sentant la nécessité de se fortifier contre un rival qu’il craignait et qu’il affectait de mépriser, voulut se faire nommer dictateur, et, pour se rendre nécessaire, favorisa les progrès de l’anarchie. Il ne réussit qu’à être élu seul consul, et cette élection sans exemple fut autorisée par Caton et par le sénat, avec la permission de se donner un collègue au bout de deux mois, et ce collègue fut Métellus Scipion, dont il avait épousé la fille Cornélie.

À quelques fautes près, il se conduisit avec sagesse dans ce poste, auquel il ne manquait de la dictature que le nom. Mais en se faisant conférer des pouvoirs extraordinaires, Pompée autorisa les prétentions des amis de César, qui demandèrent pour lui une durée égale de prorogation dans son gouvernement, avec la liberté de briguer le consulat, quoique absent. La mollesse avec laquelle Pompée le défendit prouva aux deux antagonistes qu’ils avaient cessé de s’entendre, et le consul redemanda les deux légions qu’il avait prêtées à César. La maladie qu’il eut alors à Naples et les fêtes par lesquelles toute l’Italie célébra sa convalescence, lui causèrent une ivresse qui détermina la guerre civile.

Dans l’excès de sa présomption, il disait publiquement n’avoir besoin contre son rival ni d’armes ni de préparatifs, et il se vantait de pouvoir le détruire beaucoup plus facilement qu’il ne l’avait élevé. « Ce qui perdit surtout Pompée, remarque Montesquieu, fut la honte de penser qu’en élevant César, comme il avait fait, il eût manqué de prévoyance. Il s’accoutuma le plus tard qu’il put à cette idée; il ne se mettait point en défense pour ne point avouer qu’il se fût mis en danger; il soutenait au sénat que César n’oserait pas faire la guerre, et parce qu’il l’avait dit tant de fois, il le redisait toujours. » Quelqu’un lui ayant dit que si César marchait contre Rome, on ne voyait rien qui pût l’arrêter. « En quelque lieu de l’Italie, répondit-il, que je frappe la terre de mon pied, il en sortira des légions. »

Sur le refus que César fit de désarmer, le sénat rendit un décret qui le déclarait ennemi de la patrie s’il ne quittait son armée avant trois mois. Tel fut le premier acte d’hostilité entre ces deux rivaux de gloire et de puissance. Cependant César faisait ses préparatifs en diligence, tandis que Pompée s’amusait à donner des spectacles et à jouir de sa popularité. Bientôt César s’avança vers l’Italie, et la rapidité de sa marche répandit à Rome le trouble et la consternation. Caton alors rappelant à Pompée ce que dès le commencement il lui avait prédit : « Dans tout ce que vous m’avez annoncé, répondit Pompée, vous avez deviné en homme d’esprit, et moi dans tout ce que j’ai fait, j’ai agi en homme de bien. » C’est sans doute ce dont Caton n’était pas convaincu; mais pour lors, n’envisageant que le danger de la patrie, il proposa de nommer Pompée général avec une autorité souveraine, ajoutant que « ceux qui ont fait les plus grands maux sont ceux qui savent aussi le mieux y apporter les remèdes convenables ».

César avait déjà passé le Rubicon. Pompée, éperdu, ne voyant autour de lui que trouble et que confusion, quitta Rome avec les consuls et fut obligé d’abandonner l’Italie; « ce qui, dit Montesquieu, fit perdre à son parti la réputation, qui, dans les guerres civiles, est la puissance même ». Il se renferma dans Brindes; le sénat, les consuls et le vertueux Caton l’y suivirent, ce qui ne contribua pas peu à faire croire qu’il défendait la république.

Mais, au lieu d’attendre dans cette place forte l’armée qui lui venait d’Espagne, il passa en Grèce avec la précipitation d’un fugitif. César, maître en deux mois de Rome et de l’Italie, vole en Espagne, et, vainqueur des lieutenants de Pompée, se transporte en Grèce pour le combattre lui-même. Aidé des secours de tout l’Orient, son rival avait formé deux grandes armées, l’une de terre, l’autre de mer, et il avait animé ses soldats en prenant part à tous leurs exercices.

D’abord il évita soigneusement d’en venir à une action décisive. César, sentant qu’il ne pouvait l’y contraindre, prit la résolution de l’enfermer dans ses lignes et en vint à bout, quoiqu’il eût un tiers moins de troupes. Pompée, sans attendre les dernières extrémités, attaque les lignes, les force et tue à l’ennemi deux mille hommes sur la place. Il l’aurait entièrement défait s’il avait pu ou s’il eût osé le poursuivre et entrer dans son camp pêle-mêle avec les fuyards; aussi César dit le soir à ses amis : « Aujourd’hui nos ennemis remportaient une victoire complète si leur chef avait su vaincre. »

Réduit par cet échec à une extrême disette, César gagna la Thessalie. Dans le conseil tenu par les amis de Pompée, Afranius ouvrit l’avis de retourner en Italie, qui était le plus grand prix de la guerre; mais le général ne put consentir à fuir une seconde fois devant César, lorsqu’il pouvait le poursuivre à son tour. Il fut donc résolu de le suivre de près, sans jamais hasarder une bataille, mais de le harceler, de le miner par des affaires de détail et par la disette. Ce plan ne manquait pas de sagesse, mais il fallait avoir la fermeté de le suivre; et, « comme Pompée avait surtout le faible de vouloir être approuvé, il ne pouvait s’empêcher de prêter l’oreille aux vains discours de ses gens, qui le raillaient et l’accusaient sans cesse. » (2) On lui reprochait de vouloir goûter longtemps le plaisir de commander, et d’avoir en quelque façon pour gardiens et presque pour esclaves des sénateurs et des consulaires nés pour gouverner les nations. Domitius Ahénobarbus l’appelait Agamemnon, ou roi des rois. Favonius, cet extravagant imitateur de Caton, demandait si au moins cette année ils ne mangeraient pas des figues de Tusculum. Afranius le traitait de marchand de provinces. Ces sarcasmes étaient d’autant plus amers qu’ils paraissaient assez fondés. Dans le système de lenteur et de circonspection que Pompée avait adopté, le zèle de la liberté publique n’était pas son principal motif. Il avait donné assez de preuves de violence et de mépris des lois pour qu’on pût le soupçonner de n’agir que dans la vue de rester le maître de la république. Mais, glorieux comme il l’était, il ne voulut pas s’exposer aux reproches de ses amis, et il abandonna le plan que la prudence lui avait dicté pour embrasser celui que la passion leur suggérait.

En effet, des succès obtenus précédemment avaient fait tourner la tête à cette troupe sénatoriale, et il n’y eut plus moyen de contenir l’impatience des chefs et des soldats. Dans un nouveau conseil de guerre, la bataille fut résolue. Pompée, comptant sur le nombre et sur la supériorité de sa cavalerie, reprit le ton de jactance qu’il avait si mal soutenu, et se vanta de mettre en fuite les légions de César avant qu’on en fût venu à la portée du trait.

C’était tout ce que demandait son rival; et ce fut dans les plaines de Pharsale que se vida la grande querelle qui décida de l’empire du monde. Dans cette célèbre journée, Pompée, tenant ses troupes immobiles en présence de l’armée ennemie, se priva, au jugement de César, de l’avantage qui suit ordinairement l’impétuosité de l’attaque. Sa cavalerie, qui avait dû envelopper l’aile gauche des ennemis, prit honteusement la fuite; le reste de l’armée fut mis en déroute, et la victoire rendit César maître du monde. À cette vue, Pompée perdit la tête; sans tenter de rallier les siens, sans essayer aucune ressource, il se retira dans sa tente; et lorsque les vainqueurs attaquèrent ses retranchements : « Quoi! Jusque dans mon camp! » s’écria-t-il, comme s’il eût été extraordinaire que César voulût achever sa victoire. Sans proférer une parole de plus, il prit un vêtement convenable à sa fortune et se déroba secrètement. « Quelles devaient être, dit Plutarque, les pensées d’un homme qui, après trente-quatre ans de victoires non interrompues, faisait dans sa vieillesse l’apprentissage de la honte, de la défaite et de la fuite! »

Plein de ces pensées affligeantes et de la comparaison de son ancienne fortune avec un isolement tel qu’il échappait même à la vue des ennemis, il arriva à Larisse, gagna la mer, et, à la faveur d’un bâtiment de transport qui le recueillit, il cingla vers Lesbos pour y prendre sa femme, qu’aucun avis n’avait encore préparée à ces tristes nouvelles. L’entrevue fut des plus touchantes. Pompée essaya de consoler Cornélie par des espérances qu’il n’avait pas lui-même : « Cornélie, lui fait dire Plutarque, tu n’as connu jusqu’ici que la bonne fortune, et tu l’as vue me rester fidèle plus longtemps qu’elle n’a coutume de rester avec ses favoris. C’est là ce qui t’a trompée; mais il faut supporter ses revers, puisque c’est le lot de l’humanité, et attendre le retour de ses faveurs. N’en désespérons point; je puis, de l’état où je suis réduit, revenir à ma grandeur passée, comme de ma grandeur passée je suis tombé dans l’infortune où tu me vois. »

Bientôt il apprit que sa flotte ne s’était point séparée et que Caton la commandait. Il reconnut la faute qu’il avait faite en remettant à son armée de terre la décision de son sort, ou du moins en ne se tenant pas à portée de sa flotte, laquelle, en cas de fuite, lui eût offert un asile et une ressource. Mais cette faute était irréparable. Il ne lui restait plus d’autre parti que de recourir aux rois amis de l’empire. Son mauvais destin voulut qu’il préférât la cour de Ptolémée à celle de Juba, et il faut convenir que de puissants motifs justifiaient cette résolution : l’âge du jeune roi, qui n’avait alors que treize ans, la qualité de tuteur, que le sénat avait donnée à Pompée, et la reconnaissance des bienfaits que son père avait reçus de lui.

En arrivant à Péluse, il fit avertir Ptolémée de sa venue et lui demanda retraite et sûreté. Un rhéteur, Théodote, ouvrit dans le conseil l’avis qui, suivant lui, devait gagner la faveur de César et écarter toute crainte de Pompée. Une méchante barque de pêcheur vint recevoir celui qui s’était vu le maître de la mer. Avant d’y entrer, il se retourna vers sa femme et son fils, et leur cita ces deux vers de Sophocle, qui ne s’appliquaient que trop naturellement à la circonstance : « Quiconque va à la cour d’un roi en devient esclave, quoiqu’il y soit entré libre. » Le trajet assez long du vaisseau au rivage se passa dans un morne silence, sans aucun témoignage de bienveillance ou de respect. Enfin, lorsque Pompée se leva pour prendre terre, Septimius, qui avait autrefois servi sous lui, lui porta un coup d’épée par derrière; Salvius, autre centurion, et Achillas, général égyptien, tirèrent leurs épées. Pompée, environné d’assassins, se couvrit le visage de sa robe et se laissa percer de coups, (en) l’an 48 avant J.-C. À ce spectacle, Cornélie et ceux qui l’accompagnaient poussèrent des cris lamentables. Mais le danger qu’ils couraient eux-mêmes ne leur permit pas de se livrer à leur douleur. Ils se hâtèrent de lever l’ancre et de s’éloigner à pleines voiles. Le vent favorisa leur fuite et les déroba à la poursuite des galères égyptiennes.

Ainsi périt le grand Pompée, à l’âge de 58 ou 59 ans, la veille de l’anniversaire de sa naissance, c’est-à-dire le 28 septembre, jour qu’il avait passé quelques années auparavant dans une situation bien différente, triomphant des pirates et de Mithridate. Son corps demeura quelque temps sans sépulture sur le rivage. Un de ses affranchis et un de ses anciens soldats le brûlèrent, recueillirent ses cendres, les enfermèrent sous un tertre élevé de leurs mains, et auquel on mit cette inscription : « Celui qui méritait des temples n’a trouvé qu’à peine un tombeau. » Autour de cette chétive sépulture on ne laissa pas de dresser des statues en l’honneur de Pompée. Mais dans la suite, le sable jeté par la mer sur le rivage cacha le tombeau, et les statues, qu’endommageaient les injures de l’air, furent retirées dans un temple voisin, où elles restèrent jusqu’au règne d’Adrien. Cet empereur, voyageant en Égypte, fut curieux de découvrir le lieu où reposaient les cendres de ce grand homme, le retrouva, le rendit reconnaissable et accessible et fit rétablir les statues. Tel est le récit d’Appien. Suivant Plutarque, les cendres de Pompée furent portées à Cornélie, qui les plaça dans sa maison d’Albe. Les meurtriers présentèrent sa tête à César, qui, soit pitié, soit politique (3), versa des larmes, fit brûler la tête de son rival avec les parfums les plus précieux et en déposa honorablement les cendres dans un temple qu’il consacra à la déesse Némésis.

Pompée s’était marié plusieurs fois; sa première femme fut Antistia, fille d’Antistius qui, étant préteur, présida au jugement de Pompée, mis en cause pour les faits de son père. La seconde fut Émilie, fille de Métella, devenue l’épouse de Sylla, qui, pour se l’attacher par des liens plus étroits, le força à répudier sa femme; Émilie, enlevée à Glabrion, son mari, malgré son état de grossesse, mourut en couches dans la maison de Pompée. Sa troisième femme fut Mucia, dont il eut trois enfants, mais qu’il répudia pour avoir tenu en son absence une conduite peu digne du nom qu’elle portait et de la gloire de son époux. La quatrième fut Julie, fille de César, qu’il aima tendrement, et qui, à la vue de la robe ensanglantée de son mari qu’elle crut tué dans une émeute, fit une fausse couche, dont elle ne put se rétablir. La cinquième fut Cornélie, veuve du jeune Crassus, laquelle, malgré la disproportion d’âge, lui fut sincèrement attachée et resta fidèle à sa mémoire.

Bien des qualités, dit Plutarque, avaient mérité à Pompée l’affection universelle; et d’abord, ce qui frappe le vulgaire, une physionomie douce et majestueuse, une conduite sage et modeste, beaucoup d’adresse pour les exercices militaires, une éloquence insinuante, un caractère de fidélité propre à lui attirer la confiance, un commerce doux et aisé; Cicéron ajoute à ce portrait une pureté de mœurs, une retenue et une décence qui furent toujours sa règle de conduite, trait presque unique dans un siècle aussi corrompu et dans une si haute fortune. Mais il fut tourmenté par une jalousie de prééminence qui lui faisait rechercher sans mesure tous les honneurs. Non content du pouvoir, il voulait l’obtenir avec des distinctions particulières; à l’art de faire valoir ses propres succès il joignait des efforts continuels pour s’attribuer les succès des autres, comme Lucullus le lui reprocha quand Pompée vint lui ravir la gloire de terminer la guerre de Mithridate. Quoique Cicéron vante sa clémence, on eut à lui reprocher plus d’un acte de cruauté gratuite. Deux fois il fut maître d’opprimer la république, et il eut la modération de rentrer à Rome en simple citoyen. « C’est, dit Montesquieu, qu’il avait une ambition plus lente et plus douce que celle de César; celui-ci voulait aller à la souveraine puissance les armes à la main comme Sylla; cette façon d’opprimer ne plaisait point à Pompée : il aspirait à la dictature, mais par les suffrages du peuple. Il ne pouvait consentir à usurper la puissance, mais il aurait voulu qu’on la lui remît entre les mains. » Depuis son troisième consulat, Pompée parut le protecteur des lois, et lorsqu’il prit les armes contre César, il eut cette gloire singulière que sa cause fut regardée comme la cause du sénat et de la république. Mais il est probable que le succès eût manifesté ses vues secrètes; et plus d’un passage des lettres de Cicéron à son ami Atticus prouve que les gens éclairés ne s’y trompaient pas, et craignaient en lui un vainqueur moins modéré que ne le fut César.

Salluste le peint en deux mots, quand il dit qu’il était : oris probi, animo inverecundo, c’est-à-dire qu’il avait la probité sur le visage bien plus que dans le cœur. De là, cette dissimulation profonde dans laquelle il eut soin de s’envelopper; cette duplicité à l’égard de ses meilleurs amis; ce respect apparent pour les lois de son pays, qu’il violait sans pudeur quand son ambition l’exigeait; ce système, si bien soutenu, de vouloir en apparence n’obtenir rien que par son mérite, tandis qu’il ravissait tout par l’intrigue et par la corruption. Il parut revenir, dit-on, aux maximes d’une saine aristocratie, mais il était trop tard. Le manège de César avait échappé à sa pénétration; l’élève de Sylla fut dupe du successeur de Marius et puni de l’appui qu’il avait donné à la faction populaire. Sa mort fut tragique; mais peut-être, s’il n’eût pas trouvé des assassins à la cour du roi d’Égypte, vainqueur, il eût péri comme César.

Sa vie privée offre plusieurs traits qui le font aimer; celui-ci, entre autres, est digne d’un sage : dans une maladie, son médecin lui prescrivit de manger des grives; mais ses valets assurèrent qu’en été on ne pouvait se procurer cet oiseau nulle part, excepté chez Lucullus, qui en faisait engraisser chez lui. « Eh quoi! dit le malade, Pompée ne pourrait donc vivre si Lucullus ne portait pas si loin le raffinement de la sensualité! » Il défendit de s’adresser à lui et demanda un oiseau qui fût moins difficile à trouver.

On peut consulter sa Vie par Plutarque; les Guerres civiles d’Appien, Velléius Paterculus qui en a fait un portrait un peu flatté, les lettres de Cicéron à Atticus, Dion Cassius, liv. 41, 42, 43. (…)

La statue de Pompée, conservée à Rome au palais Spada, et qu’on a prétendu être la même que celle au pied de laquelle César tomba sous les coups de ses meurtriers, a été le sujet de plusieurs dissertations de M. C. Fea et autres."

Notes
(1) C’est ce Lépidus, collègue de Catulus, qui, défait à Cosa, se retira en Sardaigne, où il mourut de chagrin de la mauvaise conduite de sa femme Apuleia, vers l’an 680 de Rome. Le Dictionnaire historique, critique et bibliographique, t. 16, p. 213, le confond d’abord avec le triumvir Lépidus, mort l’an 741, puis avec un Lépidus, mari de Julie, petite-fille d’Auguste, morte en exil vers l’an 780; enfin avec Aemilius Lépidus qui fit ouvrir la voie Aemilia, l’an 667; il était difficile de réunir autant d’anachronismes et de bévues en moins d’une demi-page.
(2) Montesquieu.
(3) On se rappelle les vers que Corneille met dans la bouche de Cornélie :
    O soupirs! O respect! O qu’il est doux de plaindre
    Le sort d’un ennemi, quand il n’est plus à craindre!


Louis-Gabriel Michaud (dir.), Biographie universelle ancienne et moderne : histoire par ordre alphabétique de la vie publique et privée de tous les hommes... Tome trente-quatrième, (Pomaré-Quix). Nouvelle édition revue, corrigée et augmentée. Paris, A. Thoisnier, Michaud, [18..?], p. 20-26

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