Moyen Âge
Régine Pernoud à la télévision de Radio-Canada
« Le moyen âge, c'est, malgré toutes ses barbaries et au-dessus de ses contradictions, un âge d'équilibre et d'unité. Tout n'y est pas parfait. Sans doute. Tout de même cet âge a su dans chaque sphère de son activité culturelle et religieuse préserver une vision extraordinairement clairvoyante de l'existence. Ce regard total, qui l'a rendu si «un», il l'a reçu de sa croyance. Toujours un livre, un seul livre, continue à enseigner, à révéler à tout homme, au Franc des Gaules comme au Germain de l'Est, quelle devrait être, s'il désire le vrai bonheur et mener à bien l'heureux voyage qui doit le conduire au paradis, la direction la plus sûre de ses pensées et de ses actions. Ce grand livre, véridique et chéri au-dessus de tous les autres, transcrit avec toutes les vénérations imaginables, multiplié, enluminé, transposé dans tous les domaines de l'art et de la pensée, dans tous les milieux, ouvert aux porches des cathédrales, c'est la Bible. Autour de cette écriture, sainte, et de ces pages de foi et de prière, le moyen âge vient organiser, unifier et contrôler sa vie. »
BENOÎT LACROIX, Pourquoi aimer le Moyen Âge, Montréal, L'oeuvre des tracts, mars 1950, pp. 1-2.
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La philosophie au Moyen Âge
«Arrêtons-nous à la marche de l'esprit au Moyen Âge sous sa forme classique, mettons même à part les germes d'un développement ultérieur qui se présentent à nous dans la vie intellectuelle de cette époque, et nous verrons que le Moyen Âge a contribué considérablement au développement intellectuel, et qu'il n'était nullement un désert ou un monde de ténèbres, comme on le peint souvent encore. Il a approfondi la vie de l'esprit, dont il a aiguisé et exercé les facultés d'une façon considérable; dans tous les cas, il ne le cède à aucune autre période pour l'énergie avec laquelle il tira parti des moyens de culture qui étaient à sa disposition, moyens très restreints, en raison de l'état de choses existant. Les périodes postérieures plus favorisées, disposant d'une abondante matière, n'ont guère mis à élaborer et à s'assimiler cette richesse une énergie plus grande que celle que le Moyen Âge appliqua à son matériel indigent. Quelques points de détail que nous allons indiquer montreront les qualités que présente la pensée du Moyen Âge, et l'influence préparatoire qu'elle a exercée.
La pensée du Moyen Âge était théologique. La théologie d'une religion monothéiste part de l'idée fondamentale qu'il y a une cause unique de toutes choses. Abstraction faite des grandes difficultés que présente cette idée, elle a le grand et utile effet qu'elle habitue à négliger les différences et les particularités pour préparer à l'hypothèse de rapports entre toutes choses, rapports régis par des lois. À l'unité de cause doit correspondre l'unité de loi. Le Moyen Âge a élevé les générations dans cette pensée, à laquelle l'homme, inclinant plutôt au polythéisme, ne tend pas naturellement, confondu qu'il est par la diversité des phénomènes. C'est donc la préparation à une conception du monde déterminée par la science. Car tout en devant reconnaître que l'idée d'une loi unique et suprême est un idéal inaccessible, chaque science s'efforce de ramener les phénomènes au plus petit nombre de principes possible.» (voir ce texte)
HARALD HÖFFDING, Histoire de la philosophie moderne, tome I, Paris, Félix Alcan éditeur, 1906