Kepler Johannes

27 décembre 1571-15 novembre 1630
Biographie de Kepler (par Harald Höffding 1843-1931)
«Kepler naquit en 1571 à Weil dans le Wurtemberg. C'était un Souabe, comme tant d'autres penseurs les plus profonds de l'Allemagne. Il fut élevé au séminaire de théologie de Tubingue, où il fit ses humanités, et cultiva la philosophie, les mathématiques et l'astronomie. C'est là qu'il fut initié à la philosophie de la nature d'Aristote, à laquelle il resta longtemps attaché. En astronomie, il avait pour professeur Maestlin qui en particulier doutait de l'exactitude du système de Ptolémée, mais officiellement continuait à l'exposer. Il pendit au croc la théologie pour accepter, à contre-cœur, le poste de professeur de mathématiques au gymnase de Graz. Cette nomination devait décider de son avenir — et de l'avenir de la science. Il conçut alors le projet de donner une nouvelle philosophie de la nature conciliant le système de Copernic avec l'ancienne doctrine qui faisait mouvoir les corps célestes par les substances psychiques. Il se sépare (Epitome astronomiæ Copernicanæ, Op. ed. Frisch., VI, p. 136 et suiv.,) catégoriquement de Bruno en admettant que la sphère des étoiles fixes est la limite de l'univers; d'après la théorie de Bruno, les étoiles fixes seraient à une telle distance les unes des autres que nous pourrions en réalité en voir beaucoup moins que nous n'en voyons réellement. La sphère des étoiles fixes enferme un espace vide au milieu duquel se trouve le soleil. Autour du soleil tournent les planètes, dont la terre. Bruno voyait ici plus juste que Kepler. D'un autre côté ce dernier était à même de soumettre ses idées — malgré leur origine mystique — à une vérification plus précise que Bruno. Le premier ouvrage de Kepler (Mysterium cosmographicum, 1597) part d'hypothèses théologiques et pythagoriciennes. Il veut voir dans l'univers l'image de la Trinité: au Père correspond le centre, au Fils la sphère d'enceinte, et au Saint-Esprit leur rapport réciproque, exprimé par les relations géométriques entre les différentes sphères où tournent les planètes. Car l'esprit divin se révèle dans les rapports harmonieux de grandeur de l'univers. Kepler cherche à montrer que dans les différentes surfaces sphériques où tournent les planètes on peut placer les cinq corps réguliers, établis par Pythagore, qui n'ont que des surfaces égales, avec des côtés égaux et des angles égaux. Les formes fondamentales de la géométrie et la répartition des corps célestes dans l'espace concordaient ainsi exactement. Tel est le mystère cosmographique dont Kepler était enthousiasmé et auquel il resta attaché comme idée directrice, idée qui contribua à favoriser, ou à entraver ses recherches postérieures. Cette idée était l'expression de la conviction qu'il avait, et qu'il n'abandonna jamais, que certaines relations mathématiques de l'univers devaient pouvoir se démontrer, et elle le poussa pour cette raison à faire des investigations sans cesse renouvelées. Mais elle lui causa bien des difficultés à cause de l'hypothèse dont il partait avec l'antiquité et le Moyen Âge tout entiers, que les corps célestes doivent tourner en cercle, car le cercle est la figure la plus parfaite.

Parmi les hommes auxquels Kepler envoya son ouvrage se trouvait Tycho Brahé, qu'il salua du titre de «prince des mathématiciens de son siècle». Tycho répondit en termes aimables, tout en déclarant que les trente-cinq années d'observations sur lesquelles il s'appuyait ne lui permettaient pas de donner son adhésion aux spéculations de Kepler, malgré toute l'ingéniosité qu'il y trouvait d'ailleurs. Il dirigea spécialement ses objections contre la théorie de Copernic. Les rapports ainsi ébauchés de ces deux hommes firent que Tycho Brahé ayant été s'établir à Prague peu de temps après, Kepler fixa également sa résidence à Prague. À la mort de Tycho Brahé son matériel scientifique, considérable, lui fut abandonné, dont il avait écrit à son professeur Maestlin: «Mon opinion sur Tycho Brahé est qu'il possède des richesses dont, comme tant de riches, il ne tire pas tout le profit convenable.» Ayant ainsi hérité lui-même de ces richesses, il pouvait désormais développer et vérifier ses idées. Se basant sur les observations de Bruno, il découvrit les lois désignées d'après son nom et se sentit poussé — ce qui nous intéresse le plus dans l'ensemble, — à remplacer la conception animiste de la nature qu'il avait professée jusqu'alors par la conception mécanique.

Kepler passa le reste de sa vie à Linz, en butte aux attaques violentes du fanatisme protestant et catholique et accablé par les efforts pénibles qu'il faisait pour se procurer les moyens de faire éditer ses œuvres. Il dut retourner pour une année dans le Wurtemberg sa patrie, afin de sauver du bûcher sa mère accusée de magie. Il mourut en 1630 à Ratisbonne où il était allé pour faire valoir à la diète d'Empire ses droits sur des sommes arriérées.»

HARALD HÖFFDING, Histoire de la philosophie moderne, tome I, Paris, Félix Alcan éditeur, 1906. (Voir ce texte)

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