Égalité des chances

Parmi les méthodes que l'on peut utiliser pour réduire les inégalités économiques et sociales, il en est deux qui ont une importance particulière: La redistribution des revenus, qui comporte pour les plus pauvres des avantages immédiats mesurables et l'égalité des chances, qui consiste à donner aux pauvres et aux riches, les mêmes occasions de déployer leurs talents et d'être récompensés ainsi selon leurs mérites et non en fonction d'une position favorable au point de départ. L'assurance-maladie est l'une des formes que peut prendre la redistribution. L'accès gratuit à l'école unique est le moyen le plus souvent évoqué pour illustrer l'égalité des chances. Dans ce cas, les avantages, présumés, sont lointains et difficiles à mesurer. Diverses mesures, comme l'imposition d'une taxe sur l'héritage ou les grandes fortunes, peuvent, ainsi le veut la doctrine, favoriser l'égalité des chances.

Essentiel

À l'occasion de la parution du livre du sociologue Raymond Boudon sur l'inégalité des chances, paru en 1973, en anglais en en français simultanément, la revue Contreproint a organisé un débat sur la question. Dans son texte d'introduction, Alain Gérard Slama, aujourd'hui éditorialiste au Figaro, précise l'origine de la notion d'égalité des chances.

«Inventée par Gaston Bergery pour camoufler le tempo alla turca avec lequel il s'éloignait du parti radical, la notion fut, par l'entremise du même, utilisée par le maréchal Pétain pour justifier sa politique sociale. Il est étrange qu'il ait fallu attendre Raymond Boudon pour s'inquiéter d'une tarte à la crème susceptible d'être mise à tant de sauces.

Le thème est né avec l'époque -les années trente --qui découvrit l'art de revêtir des oripeaux du « réel » la rêverie politique. Epoque justement obsédée par la question sociale, mais étrangement allergique à la politique (c'est-à-dire au conflit) et à l'économie (c'est-à-dire à la rareté) -époque où l'imagination surabondait pour déployer le mythe de la transparence et de la cohérence sociales, mais faisait cruellement défaut pour comprendre la fonction du député et du sac d'écus. Bergery, on ne s'en étonnera pas, était, en même temps que le hérault de l'égalité des chances, le théoricien du « rassemblement » politique et de l'«abondance ». On peut dire que du «frontisme » de Bergery aux « réformateurs », en passant par le gaullisme, la plupart des modernismes réformistes ont vécu sur cette confusion. Le thème de l'égalité des chances, comme le montre le débat qu'on va lire, suppose une élasticité parfaite du corps social et de sa capacité productive. Il procède de la même erreur qui condamna le Front populaire comme elle condamne le Programme commun: la confiance dans la fluidité parfaite du marché du travail. Or le corps social n'est pas une somme d'organes interchangeables, ou dont les fonctions spécifiques échappent à l'influence de l'ensemble auquel elles collaborent. La volonté générale, comme l'avait vu Rousseau, n'est pas davantage l'ad­dition des volontés particulières : elle en est la résultante. D'où la nécessité de dépasser la sociologie « fonctionnaliste » qui présente le double inconvénient de méconnaître la complexité des « systèmes » ou des «r sous-systèmes » sociaux, et de croire que les finalités implicites des sociétés sont les mêmes que leurs finalités explicites, ou du moins se définissent par rapport à ces dernières.

1- L'inégalité des chances: la mobilité sociale dans la société industrielle, Paris, A. Colin, 1973, 237 p.

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