Éco-conception

Essentiel

La société humaine a son propre métabolisme basé non seulement sur l’énergie solaire et les flux cycliques de matière, mais aussi sur un flux à sens unique d’énergie et de matière en provenance de la croûte terrestre vers sa surface. L’industrialisation a été, jusqu’à maintenant, caractérisée par ce traitement linéaire de l’énergie et de la matière. Ce processus est devenu une force géophysique, provoquant de profondes modifications dans la biosphère, dont certaines sont irréversibles.

Dans ce modèle industriel standard, la création de la richesse suppose une séquence linéaire:
extraire ö produire ö distribuer ö jeter

Dans l’approche systémique proposée par McDonough et Braungart, tous les produits et matériaux fabriqués par l’industrie doivent, à la fin de leur vie utile, servir de «nourriture» à quelque chose de nouveau. Dans leur vision, tout produit peut contenir deux types de composants: des «nutriments» biologiques et des «nutriments» techniques. Les produits doivent être conçus de telle sorte que les nutriments biologiques retournent dans le cycle organique et les nutriments techniques dans le cycle industriel.

Comme la plupart des objets fabriqués par les humains ne sont pas naturels, ils ne constituent pas une «nourriture» saine pour les systèmes biologiques et souvent ils sont précisément conçus pour ne pas se dégrader dans les conditions naturelles. Les produits fabriqués en matériaux non biodégradables devraient être considérés comme des nutriments techniques et circuler continuellement dans les «boucles fermées» des cycles industriels, i. e. dans le métabolisme technique. Pour que les deux métabolismes restent sains, il est important de veiller à éviter la contamination croisée, c’est-à-dire que les composants qui conviennent au métabolisme technique devraient être tenus à l’écart du métabolisme biologique et vice versa.

Bill McDonough illustre ce principe de belle façon. Chaque pas que nous faisons libère des petites particules en provenance de nos semelles. Ces particules sont souvent des substances dommageables qui peuvent contaminer le sol et en réduire la vitalité. De plus, comme elles sont transportées par la pluie, ces particules peuvent causer des dommages ailleurs dans l’environnement. Selon le célèbre architecte, le design des souliers devrait être tel que les semelles soient biodégradables. Pendant qu’elles seraient usées par les macheurs, les semelles nourriraient le métabolisme biologique plutôt que de l’empoisonner. Les autres parties du soulier pourraient être conçues comme des nutriments techniques et être retournées dans les cycles industriels. Suivant les conseils de McDonough, une telle espadrille est en développement chez Nike. La plupart des produits de notre système industriel sont primitifs dans leurs relations avec la nature. Avec les moyens scientifiques et techniques qui sont disponibles aujourd’hui, ça ne devrait pas être le cas...

Interface a révisé ses procédés et ses produits pour favoriser la circulation cyclique des matériaux en vertu de laquelle le déchet devient un «nutriment» biologique ou technique, c'est-à-dire un composé moléculaire qui peut être fractionné ou scindé pour une éventuelle réutilisation. Interface poursuit plusieurs projets de recherche pour «refermer la boucle» et recycler vraiment tous les composants de ses carreaux de tapis: les fibres en nouvelles fibres et les endos en nouveaux endos. Ce type de recyclage à 100%, par opposition au «décyclage» dans un produit de moindre valeur (downcycling), réduit les besoins d'approvisionnement en matières premières qui, autrement, se retrouvent en bout de piste dans les sites d'enfouissement. Prenons par exemple le revêtement de sol résilient tissé Solenium, un joyau de département de Recherche et développement d’Interface. Son procédé de fabrication a pour objectif de ne produire aucun déchet. La couche de surface du Solenium a été spécialement conçue pour être détachable de l’endos, à la fin de la vie utile du produit. Le polymère sera recyclé en polymère et servira donc de matière première pour le nouveau produit. De plus, les métiers à tisser Jacquard qui fabriquent le Solenium sont alimentés à l’énergie solaire, ce qui réduit encore les besoins en combustibles fossiles. Un autre produit en développement utilise la fibre PLA (polyacide lactique) de Cargill Dow, un polymère fabriqué à partir de l’amidon de maïs. À la fin de sa vie utile, le dessus du tapis pourra être composté!

Enjeux

Pour l’architecte et designer industriel William McDonough et son associé allemand le chimiste industriel Michael Braungart, les produits qui ne sont pas conçus en fonction de la santé humaine et écologique sont inintelligents et inélégants; les deux auteurs de Cradle to Cradle les qualifient de produits «brutes». Dans un monde où le design des produits et des procédés industriels est dénué d’intelligence et destructeur, la réglementation peut réduire les effets nuisibles immédiats. Mais en bout de ligne, la nécessité d’un règlement révèle un défaut de design. Alors, plutôt que de s’attaquer individuellement aux millions de problèmes environnementaux, il convient d’adopter une approche systémique. Il est essentiel de convertir les activités humaines à des processus cycliques compatibles avec les cycles naturels.

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