Compétition

Quand Littré nous rappelle la dimension morale et psychologique des mots les plus usuels.

Nous n’avons plus qu’un mot confus, compétition, pour désigner cette forme particulière de l’élan vital qui consiste à désirer égaler et dépasser un concurrent dans le sport ou en affaires. Autre occasion de faire l’éloge de Littré. À propos du mot compétition, il se limite à indiquer qu'il s'agit d'une prétention rivale. Nous sommes au dix-neuvième siècle. Le mot compétition ne s’est encore imposé ni dans le commerce, ni dans le sport. L'article sur l'émulation est beaucoup plus riche. À ce mobile qu'il estime généreux, Littré oppose la rivalité, plus mesquine, plus agressive, proche de ce que nous appelons compétition.

Dans Les travaux et les jours, le poète grec Hésiode distinguait une bonne et une mauvaise Eris, terme qui est l'équivalent en grec ancien de notre mot compétition. Eris est aussi le nom d’une déesse. Le plus souvent, dans les ouvrages de mythologie, on ne parle que de la mauvaise Eris, celle qui sème la discorde partout où elle passe. On oublia de l'inviter aux noces de Thétis et Pélée. Elle se vengea en jetant au milieu des convives une pomme d'or gravée de ces mots: «à la plus belle.» D'où la contestation entre Héra, Aphrodite et Athéna, puis le jugement de Pâris et enfin, par contrecoup, l'enlèvement d'Hélène et la guerre de Troie.

Cette mauvaise Eris, jalouse et fielleuse, soeur du dieu de la guerre Arès, correspond à la rivalité, à la compétition. La bonne Eris, fille de la Nuit, bienfaisante et généreuse, correspond à l'émulation. Elle pousse le paresseux au travail, elle incite le potier à dépasser le potier, le barde à dépasser le barde.

J.D.

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Émulation

Jacques Dufresne

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