Adulte


Se dit d'un être vivant qui est parvenu au terme de sa croissance, ayant normalement la capacité de se reproduire. Au demeurant, la plupart des êtres humains parvenus à l'âge adulte sont des enfants qui ont trop grandi.


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Une définition du mot "adulte" par Olivier Reboul
«Le mot adulte n'est pas un terme technique, propre aux sciences humaines ou à la philosophie: il appartient au langage commun, et c'est à ce niveau qu'il faut d'abord le prendre et le comprendre.

Maturité et majorité
Au premier abord, il signifie l'achèvement d'une croissance. Or cet achèvement lui-même s'exprime par deux mots qui ne sont pas synonymes: maturité et majorité. La maturité, concept biologique et, par extension, psychologique, signifie l'état d'un organisme qui a atteint son plein développement; le signe le plus clair en est l'aptitude à la reproduction. La majorité, concept d'ordre juridique et social, est l'âge légal où l'on attribue à l'être humain l'entière responsabilité de ses actes, ainsi que les droits qu'elle implique; être majeur, c'est être homme ou femme à part entière, c'est pouvoir exercer les rôles essentiels à la vie sociale, dont les principaux sont le mariage, le métier, la citoyenneté, le plein usage de ses biens et pour l'homme, le service militaire. Il va de soi que l'âge de la maturité n'est pas toujours identique à la majorité; dans nos sociétés industrielles, l'âge où l'on peut exercer un métier, l'âge de la production est nettement postérieur à celui de la reproduction; et Rousseau voyait déjà dans ce décalage une des grandes sources de nos misères. Quant à la maturité psychologique, cette sûreté de jugement qu'on n'acquiert que par une longue expérience, elle n'arrive que fort tard, parfois même jamais.

Différents l'un de l'autre, ces deux concepts sont, chacun, relatifs. La maturité biologique varie avec les époques et les climats. Quant à la majorité, chaque civilisation et même chaque période de l'histoire la déterminent à leur manière. Dans les sociétés archaïques, l'accès à l'état adulte ne va pas de soi; l'individu doit authentifier son changement d'âge par des rites de passages, épreuves douloureuses et dangereuses, qui symbolisent à la fois la mort de l'enfant et la naissance de l'homme. Si, dans notre civilisation, les rites de passages (examens, initiations, service militaire, etc.) sont moins précis, il reste que l'état adulte est déterminé par un code, juridique ou moral; comme le dit Philibert, l'échelle des âges n'est jamais un tapis roulant. Il faut passer à l'âge adulte, et ce passage n'est pas garanti pour tous également. Ainsi, dans les civilisations antiques, il semble qu'on est plus ou moins «majeur» selon la fonction sociale qu'on assume; lorsque Platon affirme qu'il faut cinquante ans pour faire un homme, cet homme fait se limite à la caste des gardiens-philosophes; les autres terminent leur éducation bien plus tôt et sont par là même moins adultes puisque, n'ayant pas accès aux vertus supérieures (courage, sagesse), ils ne disposent pas de l'autorité qu'elles confèrent. Chez Aristote, le maître est plus adulte que l'esclave, le contemplateur que l'artisan, le sage que l'intempérant, le vieillard que le jeune homme, le mari que la femme.

Notre civilisation a sans doute "démocratisé" le concept d'adulte, mais plus dans les institutions que dans les consciences; on entend souvent dire que les prolétaires ne sont pas mûrs, que les femmes ne sont pas majeures, que les indigènes sont de grands enfants. Le plus révoltant dans ce genre d'affirmation est la part de vérité qu'elles comportent; une société qui traite toute une catégorie d'hommes en irresponsables peut se justifier ensuite en arguant de leur infantilisme. Et si tant d'opprimés s'avèrent finalement plus mûrs que leurs oppresseurs, ce n'est pas tant grâce à la société où ils vivent que contre elle.»

OLIVIER REBOUL, «L'adulte: mythe ou réalité», Revue Critère, juin 1973

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