Cinq réalisations depuis Rio

Hunter Lovins
Cinq réalisations depuis Rio
1) Le développement de la responsabilité sociale des entreprises
2) L’essor de la société civile
3) L’avènement de l’investissement socialement responsable
4) La création de standards et de nouvelles formes d’évaluation
5) Les coalitions d’ONG, d’entreprises et de gouvernements



1) Le développement de la responsabilité sociale des entreprises

Le plus important phénomène de la dernière décennie est peut-être la prise de conscience générale que le monde des affaires est à la fois le premier véhicule de la non-durabilité 13 mais aussi une institution qui peut et doit se sentir responsable de renverser la situation et de réaliser le développement durable14. Plusieurs leaders du monde des affaires reconnaissent que la responsabilité sociale des compagnies (qui inclut la responsabilité environnementale) n’est pas seulement une fonction morale et légitime des entreprises, mais que sans elle elles ne pourront plus réussir et durer sur les marchés et dans les économies modernes. De plus en plus, les entreprises se rendent compte que le succès commercial et un comportement responsable se renforcent mutuellement au lieu de s’exclure. Les valeurs et pratiques de la responsabilité sociale dans les entreprises gagnent le courant dominant partout dans l’hémisphère Nord, mais dans certains cas le Sud bouge encore plus rapidement. Par exemple, Empresa, la plus importante association d’entreprises prônant la responsabilité sociale connaît un succès fou à travers les Amériques. Les membres de l’organisation brésilienne Ethos, créée en 1997, représentent maintenant près de 20% du produit national brut du Brésil.

Depuis Rio, un grand nombre de réseaux d’affaires consacrés au développement durable et à la responsabilité sociale sont apparus, et ceux qui n’existaient qu’en petit nombre avant Rio ont été renforcés. Ils comprennent:
Le rôle de ces organisations est de plus en plus reconnu par les Nations Unies. Ainsi, le sommet mondial de l’ONU à Istanboul comprenait non seulement d’importantes contributions de la société civile, mais aussi une formation de trois heures sur la responsabilité sociale et environnementale des entreprises pour tous les délégués. Cet atelier était animé par des représentants du Social Venture Network Europe et par d’autres gens d’affaires. L’idée que les entreprises peuvent avoir un programme de responsabilité sociale et environnementale n’avait jamais effleuré l’esprit de plusieurs délégués. Le Contrat Mondial (Global Compact) de Kofi Annan arrive à propos pour inclure la société civile et les représentants de la communauté des affaires dans les processus des Nations Unies, mais il ne va pas assez loin.

Un nombre croissant d’ONG travaillent maintenant avec les entreprises pour les guider vers le développement durable. Ils comprennent notamment:
Dans le livre Natural Capitalism, on peut trouver des centaines d’exemples des moyens que prennent certaines compagnies et communautés pour rentabiliser le développement durable. Depuis sa publication en 1999, diverses figures de proue dans le secteur industriel ont commencé à mettre sur pied le genre d’approche globale exposée dans le livre. Elles comprennent Interface, Nike, Ricoh, Shell, ST Microelectronics, Bristol-Myers Squibb et Sony. De plus en plus, les grandes marques réalisent que pour conserver leur crédibilité elles doivent prouver à leurs clients qu’elles se sont engagées à traiter l’environnement de façon responsable et qu’elles entendent agir en conséquence. Cette tendance est assez importante pour que l’indice Dow Jones Sustainability Group Index (DJSGI) suive à la trace la performance du premier 10% des compagnies engagées dans cette voie, au sein de son indice global de 2000 entreprises. En octobre 2000, le DJSGI comprenait 236 entreprises provenant de 68 industries dans 21 pays avec une capitalisation boursière totale de 5,5 billions de dollars ou 19% de l’indice mondial global de Dow Jones.

Une des compagnies inscrites à cette cote, Dow Chemical Co., s’est engagée à gérer ses 123 unités de production dans 32 pays d’après les principes du développement durable. Elle s’est fixé comme objectif de réduire de 50%, d’ici 2005, son taux de déchets par livre de produit et sa consommation d’énergie de 20% par rapport aux niveaux de 1995. Elle s’attend aussi à diminuer ses émissions de CO2 de 65% de 1990 à 2010 tout en augmentant sa production de 6% par année. De plus, elle introduit des matières premières renouvelables dans sa production.

En avril 2001, les usines de Ricoh Electronics, Inc. à Tustin en Californie, à Lawrenceville en Géorgie et à Toluca au Mexique ont toutes cessé d’envoyer des déchets aux sites d’enfouissement et elles ont récupéré la totalité des ressources. Ricoh s’est engagée à refuser, retourner, réduire, réutiliser ou recycler les articles qui auraient précédemment été jetés, en travaillant avec ses marchands pour développer de nouvelles technologies pour la réduction, la réutilisation et le recyclage des déchets.

Le président de Ricoh, Takahide Kaneko, a fait cette déclaration: «Nous prenons conscience que la conservation de l’environnement n’est pas qu’une préoccupation sociale, mais un élément crucial de gestion. Nous ne prenons pas des mesures pour protéger notre environnement seulement dans le but de satisfaire aux règlements; nous le faisons parce que c’est essentiel pour continuer d’assurer le succès de notre entreprise»15.

Toute entreprise en compétition non seulement sur le marché des produits et services, mais aussi sur d’autres marchés comme celui du personnel compétent, doit prendre en considération les consommateurs, les employés, et à travers eux les communautés du monde entier. Les entreprises ne sont pas des entités monolithiques et homogènes, elles se composent de plusieurs individus qui sont motivés par divers intérêts. Dans les économies qui dépendent d’une main d’œuvre qualifiée, les professionnels ont de plus en plus tendance à travailler pour des entreprises qui sont conformes à leurs valeurs sociales et environnementales.

Même les compagnies qui n’ont pas encore pris d’engagement global à l’égard du développement durable mettent en marché des produits qui vont contribuer de façon significative à résoudre les problèmes environnementaux dans le monde. Ainsi, bien qu’aucun manufacturier d’automobiles ne se soit formellement engagé à rechercher la durabilité écologique, presque tous font des efforts crédibles pour créer des systèmes de propulsion sans carbone utilisant des moteurs hybrides ou des piles à combustible. La transition rentable vers une économie de l’hydrogène passe par ces véhicules sans rejets. Par ailleurs, on installe déjà des piles à combustible dans certains édifices car c’est un système d’alimentation de réserve ultra-fiable. Au fur et à mesure qu’elles deviennent plus accessibles, les piles à combustible présentent un intérêt pour les édifices ordinaires à cause de la chaleur qu’elles dégagent. Dans ces édifices, les mêmes systèmes qui convertissent le gaz naturel en hydrogène pour les piles à combustible peuvent alimenter les véhicules Hypercar. Ces véhicules ultra-légers propulsés par une pile à combustible peuvent continuer à fonctionner quand ils sont stationnés à l’extérieur. Ces «mini génératrices sur roues» peuvent alors fournir de l’énergie au réseau public d’énergie dont l’utilité pourrait être remise en cause puisque la puissance génératrice des automobiles est dix fois supérieure à celle des services publics américains. Cette technologie dérangeante menace également le charbon, l’huile, le nucléaire, ainsi que les industries de l’acier et de l’aluminium. Les technologies nécessaires à sa production sont déjà disponibles et l’Hypercar devrait arriver sur le marché d’ici quelques années. L’«hyperauto» n’est qu’un exemple du type de technologies qui pourraient être rapidement introduites sur le marché. Elles exigent moins de ressources ou utilisent des ressources renouvelables et, de bien d’autres façons, peuvent aider les gens à réduire leur empreinte écologique sur la planète.


2) L’essor de la société civile

En même temps que se multiplient les programmes d’entreprises visant à promouvoir la durabilité, la société civile gagne en pouvoir et en capacité. Ensemble, ces deux acteurs ont produit la plupart des progrès accomplis jusqu’à ce jour en matière de développement durable. L’Amérique du Nord et l’Europe possèdent depuis longtemps une société civile vigoureuse, mais la dernière décennie a connu, à travers le monde, un accroissement impressionnant du nombre de personnes désirant relever les défis du développement durable. En plus des groupes mentionnés plus haut, il y a littéralement des milliers d’ONG travaillant sur le plan local, national et international à la mise en oeuvre des idées exposées dans Action 21 Le Collective Heritage Institute est à développer une base de données de ces organisations et des solutions qu’elles proposent. La liste qui suit est très sélective mais elle donne un avant-goût de ce qui est en train d’émerger.

Le groupe international prédominant est peut-être l’INRIC, International Network of Resource Information Centers, qui comprend le groupe Balaton. Ces analystes et militants de partout dans le monde sont unis par les travaux de Dana et Dennis Meadows et de leurs livres Limits to Growth et Beyond the Limits. Balaton est maintenant le chef de file international des groupes de partisans du développement durable. Ses membres communiquent quotidiennement via un serveur de liste; ils collaborent à des conférences, des projets et des publications et

En Europe et en Amérique du Nord, ces travaux ont incité un nombre grandissant de citoyens à se demander ce qu'il faut pour être heureux («How much is enough?»): «Comment la consommation et l’accumulation de biens contribuent-elles à notre bonheur?» Ils sont soutenus par des groupes comme Center for a New American Dream et The New Road Map Foundation. Les commentateurs Paul Ray et Sherry Anderson appellent Cultural Creatives ce nombre croissant d’individus qui partagent un ensemble de valeurs comprenant la simplicité volontaire, le développement durable, les modes de vie sains et un sentiment du sacré. Ils en estiment le nombre à 50 millions aux États-Unis. D’autres observateurs pensent qu’ils sont moins nombreux, mais qu’ils constituent tout de même une force de changement en progression, bien que peu organisée, mais dont plusieurs membres sont à tracer leur voie vers d’importants postes de pouvoir et de décision dans la société.

De plus en plus de consommateurs votent avec leurs dollars, choisissant de préférence les compagnies qui adoptent un comportement responsable envers la société et l’environnement. Des mouvements de consommateurs ont réussi à changer les politiques de compagnies comme Shell Oil, Home Depot et Nike à l’égard du capital naturel et humain. Chez Nike, des stratégies de développement durable ont été adoptées aux plus hauts nivaux de la compagnie. Shell, l’une des plus grandes sociétés du monde, a été prise à parti par les consommateurs. Sous la pression de la société civile, le gouvernement britannique s’est vigoureusement opposé à ce qu’il voyait comme une liquidation, et Shell, tout en discutant les détails techniques, a tenu compte des préoccupations concernant sa responsabilité sociale. La compagnie entière s’est publiquement engagée à se diriger vers un développement durable.

Dans le rapport de Shell sur la durabilité (Shell Sustainability Report), publié en réponse aux attaques qu’elle avait subies à cause de son comportement au Nigéria et de ses décisions concernant Brent Spar, le président, Sir Mark Moody-Stuart affirme: «Les compagnies de Shell reconnaissent également qu’elles ont la responsabilité de contribuer à satisfaire aux conditions économiques, sociales et environnementales du développement durable. Il est essentiel pour notre prospérité à long terme d’inspirer confiance quant au respect des attentes de la société. Nous nous sommes engagés à être transparents et à développer et intégrer nos rapports sur la manière dont les compagnies de Shell s’acquittent de leurs responsabilités... Le développement durable est à la base de notre stratégie et il est présent dans toutes les activités de Shell ­ dans le secteur de l’huile et de l’essence aussi bien que dans celui des énergies renouvelables. Nous devons faire des affaires dans le vrai monde avec toutes ses complexités. Nous nous tournons vers les gouvernements pour créer les conditions qui vont promouvoir le développement économique et social, mais certains n’ont pas les moyens de créer ces conditions. Nous croyons que les entreprises responsables favorisent le développement. Nous soutenons le programme Global Compact de Kofi Annan et les Global Sullivan Principles».

Ces décisions montrent clairement les deux côtés de la médaille: un nombre croissant d’entreprises reconnaissent que le fait de se comporter de façon responsable n’est pas seulement important pour leur image de marque mais est aussi une source de rentabilité. Par ailleurs, les individus prennent conscience que les efforts de la base, s’ils sont organisés, constituent un formidable pouvoir dans le monde d’aujourd’hui.

Plusieurs ONG supportent les actions individuelles pour améliorer la société. Ainsi, le réseau Ashoka développe la profession d’entrepreneur social à travers le monde en investissant dans des personnes exceptionnelles qui ont des idées novatrices pour apporter du changement dans leurs communautés. Ils permettent à des entrepreneurs sociaux de travailler à temps plein à la mise en oeuvre de projets dans les domaines de l’éducation, du développement de la jeunesse, de la santé, de l’environnement, des droits humains et de l’accès au développement technologique et économique. C’est extraordinairement efficace.

Les collèges et les universités commencent à créer des programmes d’enseignement sur l’environnement et le développement durable. Totalement absents des disciplines académiques il y a dix ans, des cours sur le développement durable sont maintenant offerts dans plusieurs institutions. Comme les enfants et les étudiants partout dans le monde deviennent plus conscients de l’environnement, cette tendance va s’accentuer. En outre, plusieurs institutions académiques prennent les devants en réduisant leur propre utilisation de ressources. Le collège Oberlin propose aux étudiants d’analyser les facteurs qui contribuent aux changements climatiques sur le campus même, et de créer et mettre en oeuvre les moyens de les neutraliser (climate-neutral) d’ici 202016. Il a l’intention d’étendre cette pratique à une centaine d’autres campus, ou davantage, dans les années à venir.

Il est clair que les institutions d’enseignement qui encouragent leurs étudiants et leurs professionnels à comprendre l’importance du développement durable et des moyens d’y parvenir sont des leviers importants à travers le monde. Un étudiant et même un jeune enfant, passionné par le concept de durabilité et amoureux de l’environnement, peut avoir un effet positif sur la façon de penser de ses parents. Par ailleurs, le manque d’approches multidisciplinaires et systémiques du développement durable limite sérieusement le potentiel des étudiants en architecture et en génie lorsqu’ils deviennent les concepteurs des futures gammes de produits. Il est important d’instaurer des programmes d’enseignement du développement durable à tous les niveaux académiques et d’en maximiser l’impact.

Les groupes confessionnels constituent un autre élément important de la société civile. En plus de nous rappeler qu’une grande partie de ce qui compte vraiment n’a pas de prix - on ne peut y attacher une valeur monétaire - les religions du monde ont longtemps constitué une force prônant la justice sociale et environnementale. Même dans une société laïque comme les États-Unis, on évalue que 70% de la population est croyante. Le soutien croissant des églises aux causes qui concernent le développement durable renforcera le rôle de la société civile dans ce domaine.

La prolifération des services d’information en ligne qui incluent le développement durable dans leurs sujets est une tendance récente. Ils comprennent Greenbiz, Grist et Sustainable Business.com. Ces services d’information offrent des courriels quotidiens ou périodiques et des rapports en ligne concernant les nouveaux projets dans le domaine du développement durable.

Sans le militantisme des ONG, il aurait été impensable que le développement durable soit aujourd’hui considéré par les citoyens comme l’une des plus importantes priorités partout en Europe et en Amérique du Nord. Cependant, ces ONG sont souvent perçues comme abrasives par le secteur des affaires et par les gouvernements. Ce manque de respect et de compréhension est causé non seulement par leurs divergences d’intérêts mais le plus souvent par les conflits culturels et les approches conflictuelles. Un des changements apparus dans la dernière décennie est une co-évolution des membres de ces trois groupes de pouvoir cherchant des moyens efficaces de produire des changements. Dans les priorités et les défis du XXIe siècle, on doit non seulement aplanir les divisions culturelles entre les pays et les continents, mais également entre les secteurs de la société qui doivent travailler ensemble pour faire fonctionner les sociétés modernes avec succès.

Des efforts comme ceux du Global Academy Genome Institute visent à jeter un pont au-dessus d’un tel gouffre en rassemblant les leaders des différentes parties concernées par le domaine hautement controversé de la technologie génétique. En encourageant des dialogues respectueux entre les divers intéressés, des dialogues qui vont droit au coeur des problèmes plutôt que de se perdre dans une rhétorique antagoniste, cet institut permet aux citoyens, aux représentants des entreprises et aux décideurs de façonner de meilleures politiques. Le nouveau groupeGlobal Dialogue Partners poursuit un objectif similaire en rassemblant des médiateurs de grande expérience recrutés dans le monde entier pour créer et animer des dialogues constructifs dans des domaines aussi controversés que la mondialisation.

En Europe et en Amérique du Nord, la société moderne s’effondrerait sans le travail de la société civile, des divers groupes sans but lucratif, des communautés confessionnelles, des syndicats, des maisons d’éducation et autres. Pourtant, cette force de plus en plus puissante n’occupe pas encore une place officielle dans les délibérations des pays. Bien qu’elles forment la colonne vertébrale de nombreux services sociaux et de nombreuses politiques gouvernementales de nos sociétés, les ONG sont encore trop peu intégrées dans le système de gouvernance. Et même si le travail des ONG avec les gouvernements et les entreprises s’est considérablement accru, ils ratent encore trop d’occasions de collaborer.


3) L’avènement de l’investissement socialement responsable

Un autre domaine qui a récemment subi l’influence des critères sociaux et environnementaux est le marché où les compagnies vont chercher du capital, des prêts et des polices d’assurance. L’investissement socialement responsable (ISR) date d’avant Rio. Mais depuis Rio, le mouvement ISR a gagné en maturité à tel point qu’une étude réalisée en 1999 par le Forum d’investissement social (Social Investment Forum) a évalué qu’aux États-Unis seulement plus de deux billions de dollars sont investis en fonction de critères sociaux. Un rapport sur l’investissement responsable aux États-Unis, réalisé la même année, révèle qu’un dollar sur huit gérés par des professionnels faisait partie d’un portefeuille socialement responsable. Entre 1997 et 1999, le capital total investi en fonction du comportement social et environnemental des compagnies s’est accru de 82%; les portefeuilles contrôlés à cet effet se sont accrus de 183%.

Contrairement au mythe populaire, ces investissements surclassent souvent les conventionnels17, en partie à cause de l’adoption croissante des pratiques de responsabilité sociale par les entreprises et des préférences des consommateurs. Ainsi, les indices Domini et Citizen, qui surveillent la performance des actions de centaines d’entreprises contrôlées pour leur comportement social et environnemental, ont régulièrement surclassé les indices comparables de Standard & Poors au cours des dernières années.

Ces faits sont graduellement reconnus par le monde traditionnel de l’investissement et font l’objet d’une prise de conscience des fiduciaires de fonds de pension, principaux détenteurs d’actions privées dans les économies occidentales. Les fonds de pension américains représentent 46% du PNB des États-Unis et 33% de la capitalisation boursière. Au Royaume-Uni, c’est 62% du PNB et 42% de la capitalisation boursière. Ce pourcentage est inférieur dans certains pays européens seulement parce que les pensions sont payées par le gouvernement18.

Traditionnellement, les importantes ressources des fonds de pension étaient investies sans qu’on se soucie particulièrement de critères sociaux et environnementaux, même si l’argent provenait d’organisations formées de travailleurs, d’employés, de professeurs, d’églises, d’associations caritatives et de maisons d’éducation, qui sont typiquement motivés par des valeurs. On croyait alors que les investissements contrôlés seraient moins efficaces financièrement et que les gestionnaires avaient l’obligation fiduciaire de chercher la meilleure rentabilité possible à court terme sur l’investissement. Influencés par les résultats mentionnés plus haut, les gestionnaires de fonds de pension et les trésoriers des états et des municipalités sont à redéfinir leur responsabilité fiduciaire et conséquemment à réorienter leurs portefeuilles.

Lors d’un événement révolutionnaire, Bottomline 2001 à San Francico, des conférenciers comme le Trésorier de la Californie, le président de Calpers (un des plus importants fonds de pension au monde) et plusieurs autres représentants de fonds de pension ont généralement accepté cette réorientation. Le capital total de tous les fonds représentés dans la salle atteignait plus d’un billion de dollars. Le président de Calpers a souligné que les fonds de pension sont intéressés dans le succès à long terme et dans le redressement total et durable de l’économie en général, plutôt que dans la profitabilité à court terme d’une entreprise en particulier. Les fonds de pension attachent peu d’importance à la bonne performance d’une compagnie, si elle doit être réalisée aux dépens de la santé du capital naturel dont dépend la santé de toute l’économie. Les fonds de pension sont si importants que leurs investissements touchent pratiquement toutes les grandes compagnies de l’économie mondiale. Et à l’inverse des spéculateurs à jour, ils ne se soucient pas des profits du prochain quartier. Ce qui leur importe, c’est la santé de l’économie globale dans 20 ans, quand ils devront payer les pensions pour lesquelles ils investissent aujourd’hui. À cause de cela, les fonds de pension pourraient devenir les plus importants investisseurs dans le développement durable.

L’industrie de l’assurance est une autre grande institution qui s’est récemment inquiétée de ces symptômes de non durabilité que sont les changements climatiques. Les compagnies d’assurance et de réassurance comptent parmi les plus puissantes forces économiques, non seulement par le capital que leur procurent les assurances, mais aussi parce qu’elles détiennent de larges pans de l’économie, y compris une grande quantité de biens immobiliers. Des ONG comme Greenpeace Europe travaillent avec les compagnies d’assurance européennes, lesquelles s'inquiètent de ce que l'incurie pour lutter contre les changements climatiques les mènent à la faillite.


4) La création de standards et de nouvelles formes d’évaluation

Le PIB est inadéquat
Cette section couvre de nombreux domaines dont chacun mériterait d’être développé mais qui globalement remettent en question la façon dont la société mesure son enrichissement. Plusieurs jugent que la façon traditionnelle de calculer le PIB est inefficace pour mesurer la richesse d’un pays (bien que le PIB semble apprécié par les rédacteurs de nouvelles…) Le PIB est basé sur les flux monétaires qui représentent la valeur des «biens et services» échangés y compris ce qui est mauvais et nuisible. En ne distinguant pas les transactions qui augmentent le bien-être de celles qui le diminuent, on calcule le PIB comme si dans l’état des revenus d’une entreprise on additionnait les dépenses aux revenus au lieu de les soustraire. La guerre du Golfe a ajouté des milliards de dollars au PIB américain, mais peu de gens recommanderaient de répéter l’expérience pour réaliser un développement économique. De même un patient cancéreux en instance de divorce et qui en plus est impliqué dans un accident de la route augmente le PIB (puisque les coûts du système de santé, du système judiciaire et des réparateurs d’automobiles y contribuent), mais cet indicateur ne se préoccupe guère du bien-être de l’individu concerné ou de la société. Et nous pouvons présumer que les prises de décision ne seront pas meilleures que les outils et les systèmes sur lesquels elles s’appuient

Le GPI (Genuine Progress Indicator)
L'indicateur de progrès réel (Genuine Progress Indicator) a été développé en 1994 par le groupe Redefining Progress pour contrer l’incapacité du PIB à guider les politiques gouvernementales. Cet indicateur se concentre sur les transactions financières du PIB qui contribuent au bien-être et il les ajuste pour tenir compte des aspects de l’économie que le PIB ignore, mettant en évidence les relations entre les facteurs conventionnellement définis comme purement économiques et ceux traditionnellement définis comme sociaux et environnementaux. Le GPI établit une distinction entre les transactions économiques positives et négatives, telles que perçues par la majorité des gens, ainsi qu’entre les coûts de production des bénéfices économiques et les bénéfices eux-mêmes. Il tient également compte de la valeur de tous les produits et services.

Le GRI (Global Reporting Initiative)
Pour éviter le danger que l’immense intérêt pour les systèmes alternatifs de mesure produise un effet inattendu en mettant de nouveaux standards en concurrence, CERES a suivi l’exemple du Financial Accounting Standards Board et a lancé The Global Reporting Initiative. Établi à la fin des années 1997, il a réuni l’UNEP (Programme des Nations Unies pour l'environnement), les plus importants groupes militants à travers le monde, des compagnies intéressées à la responsabilité sociale des entreprises et des cabinets internationaux d’experts-comptables. Ils ont entrepris, par des processus multilatéraux de consultation globale fondés sur la transparence et l’inclusion, de développer des lignes directrices applicables partout dans le monde. Ces directives pour rédiger les rapports de performance économique, environnementale et sociale sont d’abord destinées aux compagnies et éventuellement à toutes les entreprises, gouvernements et ONG.

Pour rendre les rapports sur le développement durable aussi routiniers et crédibles que les rapports financiers, GRI souhaite:
  • élever les pratiques de rédaction des rapports sur le développement durable au niveau de celles des rapports financiers partout dans le monde;
  • créer, diffuser et promouvoir des procédures standard pour l’établissement des rapports, des indices de référence et des instruments de mesure personnalisés ou spécifiques aux différents secteurs d’activité;
  • assurer un siège institutionnel permanent et efficace pour soutenir ces pratiques de rédaction des rapports partout dans le monde.

L’adoption générale d’une méthode standard pour la rédaction des rapports sur la durabilité permettra aux entreprises, gouvernements, ONG, investisseurs, travailleurs et autres intéressés d’évaluer les progrès dans la mise en oeuvre du développement durable. Elle va servir de base aux analyses comparatives et à l’identification des meilleures pratiques pour soutenir les décisions de gestion interne concernant, par exemple, l’obligation de divulguer l’information aussi bien sur l’émission des gaz à effet de serre et sur les atteintes à la biodiversité que sur les conditions de travail et les droits humains.

Les lignes directrices du GRI ont été révisées et rendues publiques une seconde fois en juin 2000 après une période intensive d’essais-pilote, de commentaires et de révisions. GRI a publié une autre version de ces principes directeurs au Sommet de la terre en 2002.

Imputabilité sociale
Il y a un nombre croissant d’interventions visant à appliquer la même rigueur à la comptabilité sociale que celle qui a été apportée aux mesures relatives à l’environnement et au développement durable. Le Business for Social Responsibility Resource Center sur le site de BSR (Business for Social Responsibility) et l’Institute for Social and Ethical AccountAbility fournissent des informations à propos de ces initiatives.

En 1997, le Council on Economic Priorities a créé Social Accountability International pour développer un ensemble cohérent et vérifiable de standards internationaux pour la conduite en milieu de travail. Le résultat, SA 8000, a été adopté par des compagnies comme Cutter & Buck, un manufacturier de vêtements haut de gamme, pour répondre aux inquiétudes croissantes à l’égard du respect des droits humains dans leurs manufactures à l’étranger. SA 8000 adopte l’approche des systèmes de gestion de l’International Standards Organization (ISO) et l’applique à la responsabilité sociale pour chapeauter la stratégie globale de l’entreprise. Il prescrit un système où les gestionnaires de tous les niveaux et les employés reçoivent de l’éducation permanente au sujet des lois locales, des droits des travailleurs et de la sécurité au travail, et travaillent ensemble à créer un milieu de travail adéquat. Suite aux poursuites encourues, l’industrie du vêtement a fini par comprendre qu’elle met à risque son principal atout : son image de marque, si elle adopte un code de conduite sans mécanismes d’application. Cutter & Buck s’est engagée à s’assurer que chaque personne qui participe à la confection de ses vêtements soit traitée avec dignité et respect et elle exige que ses sous-contractants détiennent l’accréditation SA 8000. Cutter & Buck rapporte qu’en donnant à ses commerçants affiliés le pouvoir et les outils pour réaliser ces changements, il en est résulté un accroissement de la performance dans les usines qui, dans plusieurs cas, a excédé de loin les exigences de SA 8000. Les usines qui ont obtenu leur certification ont constaté une diminution spectaculaire de l’absentéisme causé par les blessures et la maladie ainsi que des coûts reliés aux accidents. Elles ont aussi connu un accroissement des affaires en attirant d’autres acheteurs qui les perçoivent comme des sources de produits à faibles risques19.


ISO et EMAS
Les systèmes d’évaluation les plus complets pour permettre aux entreprises de suivre de près leur performance environnementale sont ISO 14000 et l’Eco-Management and Audit Scheme (EMAS).ISO 14000 est un produit de International Standards Organization tandis que EMAS est un produit de l’Union européenne. ISO 14000 est un standard international tandis que EMAS s’applique à l’Union européenne seulement. ISO 14000 et EMAS sont deux outils reconnus pour permettre une production moins polluante.

Un nombre croissant de compagnies obtiennent la certification ISO 14000. Malheureusement, le standard ISO, bien qu’il soit un bon outil d’éducation, requiert seulement des compagnies qu’elles mesurent et suivent de près leur performance, et non pas qu’elles effectuent des changements. Par contre, les compagnies qui prennent ISO 14000 au sérieux et l’utilisent comme base de leur amélioration font aussi des pressions auprès de leurs fournisseurs pour qu’ils s’y conforment. Par exemple, GM, Ford, Nike et IBM font des pressions sur les entreprises en amont pour qu’elles deviennent plus «vertes». En 1998, le rapport de GM sur l’environnement, la santé et la sécurité disait: «Les mêmes enjeux identifiés à l’intérieur de GM doivent être reconnus par toute la chaîne d’approvisionnement: amélioration continue, éco-efficacité, réduction du gaspillage dans les matériaux, l’énergie et l’utilisation des ressources, éco-conception et recyclabilité». Même le Département américain de la Défense demandera à ses fournisseurs qu’ils se conforment à la norme ISO 1400120.

Les standards ISO 14000 sont des outils adoptés sur une base volontaire et destinés à être utilisés dans tous les pays, quels que soient leur niveau de développement économique ou leur système de gouvernement. Ils sont donc nettement moins rigoureux. EMAS, qui est entré en vigueur en avril 2001, a été développé pour répondre aux besoins spécifiques des gouvernements, des citoyens et des consommateurs de tous les pays membres de l’Union européenne. EMAS adopte une approche plus normative, tandis que la certification ISO 14000 repose sur l’acceptation volontaire de toutes les parties. EMAS s’applique actuellement aux industries manufacturières alors qu’ISO 14000 peut s’appliquer à tous les types d’organisations.

Les indicateurs
Il existe un mouvement mondial pour développer et mettre en oeuvre ce qu’on appelle des indicateurs. Ce sont des systèmes pour mesurer les progrès vers le développement durable qui peuvent fonctionner à l’échelle d’une ville, d’un état ou d’un pays entier. Ils traduisent le type d’information qui a été publiée pendant des années par le Worldwatch Institute dans sa série Vital Signs. Ce sont des mesures à partir desquelles on peut élaborer des politiques. Au niveau local, les indicateurs incitent les citoyens et les communautés à déterminer quel genre de futur ils désirent et à mettre en place des mesures pour apporter des changements positifs21.

Des projets d’indicateurs sont en cours à la Commission des Nations Unies pour le développement durable, à l’UNDP, au WRI, à la Banque mondiale, à l’Agence européenne de l’Environnement, au Comité scientifique sur les problèmes de l’environnement, à l’Institut national de santé publique et de protection de l’environnement néerlandais, à Sustainable Seattle et à l’Institut international pour le développement durable. Au niveau national, le Canada, le Costa Rica et la Hollande ont des projets d’indicateurs en cours, comme en ont des centaines de communautés. Ethos, l’organisation brésilienne d’Empresa, a aussi commencé à travailler sur un ensemble d’indicateurs de responsabilité sociale. Le Centre des ressources de BSR, accessible sur Internet, fournit un bon inventaire des initiatives visant à développer des indicateurs.

La Ville et les citoyens de Santa Monica en Californie ont créé des indicateurs pour mesurer les progrès de la ville en matière de développement durable. La Ville a ensuite mis au point une approche impliquant la collaboration de l’ensemble des départements et fonctions municipales qui doivent appliquer ces indicateurs à leurs politiques.

Elle a conçu une «liste de contrôle du développement durable» portant sur les projets d’achats, un programme pilote pour l’utilisation de produits de nettoyage alternatifs et du matériel d’éducation et de promotion destiné à la communauté. La Ville a aussi créé des groupes de travail interdépartementaux qui se rencontrent régulièrement pour intégrer les projets afin d’atteindre les objectifs du programme global. Un document annuel intitulé «état de la ville» évalue l’efficacité du programme, indique de nouvelles cibles et encourage la participation de la communauté.

Le «tableau de bord du développement durable»
Le «tableau de bord du développement durable» produit par l’«aile» statistique de la Commission européenne Eurostat est le projet le plus complet de développement d’indicateurs. Le «tableau de bord» est un ensemble d’«instruments» (le nom est emprunté au tableau de bord d’une auto ou d’un avion) destinés à informer les décideurs, les médias et le public en général des progrès d’un pays vers la durabilité.

Résultat d’un projet international de six ans, mené par l’Institut international du développement durable (IISD) ) basé au Canada, le prototype a été présenté à la neuvième session de la Commission sur le développement durable (CSD-9) des Nations Unies à New York en 2001. Son but est de permettre une évaluation rapide des points faibles et des points forts de la performance d’un pays dans la promotion du développement durable. Avec le temps, la mise à jour continue des données facilitera le suivi des tendances.

L’IISD travaille à produire le même outil, équipé d’un moteur de recherche, utilisable par les délégués à Johannesburg pour suivre de près toutes les questions relatives au Sommet de la terre, ainsi que toutes les propositions présentées au Sommet dans le but de réaliser le développement durable22.

Les indicateurs de qualité de vie Calvert-Henderson
Cet outil mesure les conditions et les tendances américaines dans 12 secteurs socioéconomiques importants et les utilise comme critères d’investissement socialement responsable. Auparavant, il y avait peu d’information disponible permettant aux investisseurs de comprendre les relations entre les forces économiques et les impacts sociétaux ou environnementaux. Les indicateurs Calvert-Henderson ont été développés sur une période de cinq ans sous la direction de Hazel Henderson, John Lickerman et Patrice Flynn. Ils couvrent les douze domaines suivants: l’éducation, l’emploi, l’énergie, l’environnement, la santé, les droits humains, le revenu, les infrastructures, la sécurité nationale, la sécurité publique, les loisirs et l’hébergement. Population américaine et données démographiques se recoupent dans les 12 indicateurs. Ces derniers montrent qu’il est possible de repenser les infrastructures et les méthodes de production en utilisant une meilleure information. Ils montrent aussi comment les «technologies vertes» peuvent profiter au climat et à l’écologie mondiale - de même qu’à la qualité de vie.

Le réaménagement fiscal
Le principal moyen pour améliorer les systèmes d’évaluation consiste peut-être à changer la façon dont les taxes sont prélevées. Cette approche appelée réaménagement fiscal est présentement mise sur pied d’une manière ou d’une autre dans neuf pays européens et on l’étudie dans plusieurs états et provinces en Amérique du Nord.

Le réaménagement fiscal, ou "fiscalité verte", consiste à réduire les taxes actuelles sur les choses jugées bonnes par la société et dont elle souhaite un accroissement - travail, profits, améliorations locatives et investissements - et à compenser la diminution de ces sources de revenu par de nouveaux prélèvements sur les choses jugées mauvaises qu’elle souhaite réduire comme la pollution, la spéculation sur les propriétés, l’épuisement des ressources, les déchets et la destruction d’habitats.
Ce réaménagement relancerait l’économie en réduisant les taxes sur les activités économiques productives tout en établissant des encouragements fiscaux visant à réduire la pollution et à restaurer le capital naturel. Contrairement à d’autres propositions de réforme fiscale, plusieurs groupes d’intérêts - environnementalistes, familles de classe moyenne, militants anti-règlements, propriétaires de petites entreprises, travailleurs de haute technologie et investisseurs - y trouvent quelque chose qui les satisfait. Les taxes seraient jugées sur leur contribution réelle à l’économie en termes de création d’emplois et de croissance de la productivité, d’équité à l’égard des personnes qui les paient et de conservation des ressources.
Les propositions d’Alan Thein Durning et de Yoram Bauman dans leur livre Tax Shift et de Redefining Progress dans Tax Waste, not Work introduiraient de nouvelles taxes progressives pour déplacer 10% du fardeau fiscal fédéral dans les prochains 10 à 20 ans. Ces propositions seraient notamment les suivantes :
  • Expurger le code des impôts des règlements et des lacunes qui encouragent la dégradation de l’environnement, comme les 17 milliards de dollars d’exemption de taxes sur les stationnements. De nouveaux prélèvements seraient appliqués aux sources de pollution, comme les produits contenant du plomb, les automobiles avides d’essence, les produits chimiques qui contribuent à la destruction de la couche d’ozone et l’utilisation des combustibles fossiles.
  • Instaurer des taxes sur le carbone pour diminuer la génération des gaz à effet de serre. Les gouvernements pourraient imposer une taxe - disons 50 dollars par tonne d’émissions de carbone - ou combiner une plus petite taxe avec des frais d’utilisation ou avec des revenus de la vente de permis de polluer.
  • Instaurer des taxes sur la pollution pour réduire les contaminants qui coulent dans les rivières et les ruisseaux, qui remplissent les sites d’enfouissement et qui érodent la qualité du sol. On a retrouvé environ 500 produits chimiques créés par les humains dans le tissu vivant de l’Américain moyen. Ces produits n’existaient pas il y a cent ans.
  • Instaurer des sources de taxes ponctuelles pour réduire les polluants qui s’échappent des tuyaux d’évacuation et des cheminées industrielles des stations d'épuration des eaux usées, des usines et des incinérateurs.
  • Instaurer des taxes sur la circulation routière, en imposant un péage plus élevé pendant la période de congestion des heures de pointe par exemple, pour encourager le co-voiturage et le transport en commun, et instaurer des horaires de travail flexibles.
  • Augmenter les frais d’utilisation des ressources communes, comme le pâturage ou l’exploitation minière sur les terres publiques.


5) Les coalitions d’ONG, d’entreprises et de gouvernements

La nature complexe des questions concernant le développement durable signifie qu’aucun groupe d’experts n’a le monopole des solutions ou la compétence pour les imposer. Des coalitions de gouvernements, d’entreprises et d’ONG se forment pour travailler ensemble à créer et mettre sur pied des solutions qui sont plus durables et plus appropriées aux circonstances. Plusieurs des programmes décrits plus haut ont comme source de telles coalitions ou les utilisent pour mettre leurs programmes en oeuvre. La plus importante de ces coalitions est peut-être le nouveau mouvement pour créer et mettre en oeuvre les plans verts - lesquels sont de plus en plus courants en Europe. Le Resource Renewal Institute en fait maintenant la promotion aux États-Unis.

Les plans verts sont des stratégies de gestion de l’environnement à long terme pour assurer la durabilité écologique et économique et une meilleure qualité de vie, soit dans une ville, un état, une région ou un pays. Ils remplacent les politiques traditionnelles à but unique par un plan d’action exhaustif et intégré. Comme les plans d’affaires, les plans verts servent de guides pour une utilisation efficace et un investissement intelligent des ressources afin d’assurer une saine croissance et une prospérité soutenue. Les plans verts intègrent les intérêts de l’industrie, du gouvernement, des groupes communautaires et du public en général à l’intérieur d’une frontière géographique. Ils intègrent également les initiatives environnementales institutionnelles dans les limites de leur juridiction, fournissant un cadre de référence pour coordonner les activités entre des agences gouvernementales ou des industries compétitrices, par exemple. On ne mesure pas le succès à l’imposition d’un programme plutôt qu’un autre, mais en trouvant des solutions qui répondent à tous les besoins et toutes les préoccupations.

Les plans verts utilisent l’analyse systémique pour évaluer les interrelations sous-jacentes et les modèles de changement à la source d’un problème afin de développer une réponse efficace. Une telle gestion stratégique de l’environnement:
  • prévoit les problèmes plutôt que de simplement y réagir;
  • établit des objectifs à court et long termes ainsi que des stratégies et des échéanciers pour leur réalisation;
  • reste flexible dans la manière de réaliser ces objectifs et encourage l’innovation;
  • utilise un mélange de mesures légales, réglementaires et volontaires;
  • inclut des indicateurs pour contrôler et évaluer les progrès dans la réalisation des objectifs et pour faire état des résultats;
  • fournit des mécanismes pour réintroduire ces résultats dans le plan (qui peut changer à la lumière de la nouvelle information);
  • se base sur des données vérifiées par des scientifiques crédibles ;
  • utilise des systèmes d’information et des technologies pour supporter la prise de décision.

On trouve les meilleurs exemples de plans verts dans les Pays-Bas qui ont développé une approche systémique fondée sur les caractéristiques suivantes:
  • huit «thèmes» environnementaux clés, incluant les changements climatiques et l’élimination des déchets,
  • cinq niveaux géographiques, du local au mondial,
  • neuf principaux groupes-cibles, ou secteurs sociaux responsables des problèmes environnementaux (et de leurs solutions), comme l’agriculture, l’industrie, le secteur de l’énergie, les consommateurs et la vente au détail.


En 1995, le New Jersey est devenu l’un des six états américains à piloter le National Environmental Performance Partnership System, un plan vert lancé par le gouvernement fédéral. Ce programme établit de nouveaux partenariats entre les États et le fédéral pour améliorer la santé publique et la protection de l’environnement par une gestion en fonction des résultats environnementaux. Il utilise des objectifs et des indicateurs pour mesurer les progrès. Le New Jersey a récemment signé son troisième Performance Partnership Agreement (PPA) qui fixe des objectifs, des indicateurs et des stratégies dans neuf axes prioritaires d’intervention concernant l’environnement.

Des états comme l’Oregon opèrent selon une directive du Gouverneur pour assurer la durabilité des opérations du gouvernement de l’état. En Californie, le Secrétaire de la Protection de l’environnement cherche à établir une politique semblable.
Au niveau national il y a eu différents efforts pour promouvoir le développement durable. Sous l’administration Clinton, le Conseil du Président pour le développement durable a rassemblé des entreprises, des ONG et des représentants du gouvernement pour explorer le sujet. Le processus a culminé dans un événement intitulé National Town Meeting destiné à faire la promotion du développement durable.


Notes

13. La principale cause de non durabilité est nettement la demande pour les biens et services qui provient de tous les consommateurs, qui sont influencés par la publicité, mais c’est le secteur des entreprises qui extrait les ressources, qui les traite et qui fabrique et met en marché ces produits par des méthodes qui causent dommages et gaspillage.
14. Plusieurs d’entre nous ont travaillé avec dans le secteur des entreprises depuis les années 1970 et y ont vu un levier efficace de changement, mais toute l’étendue de cet argument a été défendue pour la première fois de façon persuasive en 1993 dans le livre de Paul Hawken intitulé The Ecology of Commerce, HarperCollins (L’Écologie de marché, Le Souffle d’Or, 1995).
15. Ricoh Electronics, Inc. Achieves Zero Waste to Landfill Effective April 1, 2001, Business Wire, Inc. 2 avril 2001.
16. RMI, 2001: Oberlin 2020: A Technical and Feasibility Study. Le docteur David Orr impliquent les étudiants et la faculté dans ce projet qui fait partie de son programme de cours.
17. Corporate Social Responsibility and Financial Performance, New Circle Communications, présentation faite à Bottom Line 2001, San Francisco, Avril 2001.
18. A.G. Monks, The New Global Investors, How shareholders can unlock sustainable prosperity worldwide, Capstone, Oxford, UK, 2001, pp. 82-83.
19. Communication personnelle: Brian Thompson, directeur des opérations, Cutter and Buck, brian.thompson@cutterbuck.com
20. Selon l’American National Standards Institute: «La série ISO 14000 concerne les systèmes de gestion environnementale, les évaluations environnementales, l’étiquetage environnemental, l’évaluation de la performance environnementale et l’analyse du cycle de vie. Ces standards internationaux sont adoptés sur une base volontaire pour l’établissement d’une approche mondiale commune des systèmes de gestion qui vont conduire à la protection de l’environnement terrestre tout en stimulant les échanges et le commerce international. Ils vont servir d’outils pour la gestion des programmes environnementaux des entreprises et fournir une référence reconnue internationalement pour mesurer, évaluer et vérifier ces programmes.
21. Pour plus d’information sur les indicateurs vous pouvez communiquer avec: Alan AtKisson, président de AtKisson + Associates, Inc. (A + A), Seattle, Boston, Stockholm. 1-800-404-4208 ou David Swain, directeur associé, Jacksonville Community Council Inc., téléphone: (904) 396-3052, fax: (904) 398-1469, 2434 Atlantic Boulevard, Suite 100, Jacksonville, FL 32207. Email: jcci@leading.net Web: www.jcci.org
22. L’idée d’utiliser le «tableau de bord» comme un «tableau de nouvelles» est avancée par deux communautés différentes:
a) Des statisticiens et des spécialistes des indicateurs sont convaincus qu’un indice de développement durable (Sustainable Development Index) fort pourrait jouer un rôle extrêmement positif pour orienter les politiques sur la voie de la durabilité; ils sont cependant conscients de l’écrasante prédominance des principaux indices économiques dans les médias et du fait qu’ils doivent trouver des moyens efficaces de promouvoir les indices de développement durable.
b) La communauté “politique” du développement durable a besoin d’un moyen attrayant pour organiser et promouvoir le Sommet de Johannesbourg. L’expérience de l’UNCED nous a appris que personne ne peut arriver à traiter le flot de documents de milliers d’acteurs - un million de pages ont été écrites pour le Sommet de Rio ( ou était-ce 24 millions comme on peut le lire sur le site: http://www.iisd.ca/linkages/download/asc/enb0126.txt ?).
Le Tableau de bord peut servir de “structure organisante” pour le Sommet de Johannesbourg. L’exemple qui précède en est une bonne illustration; on s’attend à ce qu’un compromis entre la structure d’Action 21 (par chapitres et par problèmes) et l’ensemble d’indicateurs CSD des Nations Unies (par problèmes et par indicateurs mesurables) passe l’étape de sélection. Le Tableau de bord présenterait:
1. Les problèmes: environnement, développement social et économique (avec environ 50 sous-questions)
2. Les pays: plus de 200 pays sont inclus dans la base de données du Tableau de bord
3. Les catégories: gouvernement, ONG, media, événements, outils, etc.
Les coûts de production de ce service peuvent être extrêmement bas, s’il est basé sur le courrier électronique et automatisé.

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