Verbe
«L'homme donna des noms aux objets qui le frappoient il nomma aussi les qualités dont ces objets étoient doués voilà deux espèces de noms, le substantif et l'adjectif, si on veut les appeller ainsi.
Mais pour créer le verbe, il fallut revenir sur l'impression que l'objet ou ses qualités avoient faite en nous il fallut réfléchir et comparer et sur le premier jugement que l'homme porta, naquit le verbe c'est le mot par excellence. C'est un lien universel et commun qui réunit dans nos idées les choses qui existent séparément hors de nous; c'est une perpétuelle affirmation pour le oui ou pour le non; il rapproche les diverses images qu'offre la nature, et en compose le tableau général sans lui point de langue il est toujours exprimé ou sous-entendu. Est, verbe unique dans toutes les langues, parce qu' il représente une opération unique de l'esprit verbe simple et primitif, parce que tous les autres ne sont que des déguisements de celui-là. Il se modifie pour se plier aux différents besoins de l'homme, suivant les tems, les personnes et les circonstances. Je suis,c'est-à-dire, moi est être est une prolongation indéfinie du mot est. J'aime, c'est-à-dire, je suis aimant, etc. Voilà une clé générale avec laquelle on trouve la solution de toutes les difficultés qu'offrent les verbes.»
Antoine de Rivarol, De l'universalité de la langue française: discours qui a remporté le prix de l'Académie de Berlin, Paris, Bailly et Dessenne, 1874.