Superstition

«Sentiment de vénération religieuse, dit Littré, fondé sur la crainte ou l'ignorance, par lequel on est souvent porté à se former de faux devoirs, à redouter des chimères et à mettre sa confiance dans des choses impuissantes. Vain présage que l'on tire d'arguments purement fortuits. Il y a de la superstition à croire qu'une salière renversée présage un malheur.» La superstition, avait dit Voltaire, est à la religion ce que l'astrologie est à l'astronomie, la fille très-folle d'une mère très-sage.»

Essentiel

Comprendre la superstition, par Jean-Claude Breton (Théologiques, vol. 8, no 1, printemps 2000)

Enjeux

On a longtemps cru, et certains le croient toujours, que l'enseignement des sciences éliminerait progressivement la superstition. Est-ce vrai?

«Plusieurs sondages réalisés en France au début des années 2000 ont révélé une surprenante inclination des adolescents de dix-huit à vingt-quatre ans pour l’irrationnel en général. À plus de cinquante-deux pour cent, ils croiraient à l’existence de rêves prémonitoires ou à la télépathie. Trente à trente-cinq pour cent d’entre eux accorderaient du crédit à la prédiction des voyantes, aux tables tournantes ou à l’envoûtement. Commentant, en novembre 2002, ces chiffres inattendus, un chercheur du CNRS, Guy Michelat, écrivait : "Les croyances au paranormal se développent surtout parmi ceux dont les croyances religieuses s'effritent. C'est beaucoup le cas chez les jeunes par rapport aux plus âgés."1
Un autre rapport officiel, réalisé au printemps 2004 par l’inspection générale de l’Éducation nationale (IGEN), et remis en juillet de la même année au ministre, mettait en évidence des évolutions préoccupantes au sein des établissements scolaires. Ce rapport jugé "accablant " ne visait pas les superstitions proprement dites mais tentait d’évaluer la montée d’une « demande » religieuse chez les jeunes scolarisés. Or cette demande, dont le rapport indique qu’elle est devenue massive, correspond à une interprétation de plus en plus idolâtre et identitaire du religieux.
Les adolescents interrogés ne demandent pas tant d’être informés sur le contenu spirituel des grandes traditions mais réclament le droit d’en afficher les signes. Leurs revendications concernent les prescriptions alimentaires, l’aménagement des horaires en fonction des fêtes religieuses, l’installation de lieux de prière quand ce n’est pas la légitimation du créationnisme Les créationnistes, hostiles au principe évolutionniste de Darwin, veulent continuer à expliquer la création du monde en se référant à la Genèse. le plus étroit. Toutes ces demandes ont comme caractéristique d’être principalement axées sur les formes, les rituels, la gestuelle ou la dogmatique propres à chaque religion, et cela au détriment de l’intériorité ou de la réflexion théologique. C’est une approche fétichiste de la croyance, approche qui rabat en quelque sorte la foi vers la superstition. On est bien dans les parages de la crédulité.» 2

1-Sondage réalisé pour le journal Phosphore en novembre 2002. Guy Michelat est l’auteur de deux articles de fond sur cette question : « L'essor des croyances parallèles », Futuribles, janvier 2001, et « Les Français et les para-sciences », Revue française de sociologie, janvier-mars 2002.. »

2- Jean-Claude Guillebaud, La force de conviction, Paris, Seuil, 2005, p.133-134

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